1. Évolution des modes de vie des individus et des ménages

La littérature sur l’évolution des modes de vie permet de rendre compte dans quelle mesure ces changements ont une influence sur l’accès aux activités, au marché de l’emploi et sur la qualité de vie, en créant, réduisant ou amplifiant des inégalités entre les individus ou groupes sociaux. Nous devons faire attention à cette approche, puisque la littérature est souvent accompagnée des termes « rythmes urbains » et de leurs évolutions. La problématique des rythmes urbains est plus complexe et se distingue de la notre. Elle s’intéresse à l’adéquation entre les rythmes des activités et les rythmes individuels au quotidien. Ainsi, nous trouvons, par exemple, dans la littérature des problématiques comme celles d’une ville ouverte 24 heures sur 24, qui favoriserait une accessibilité à tous et à tout moment. Néanmoins, l’adaptation des rythmes des activités, telle que dans l’exemple ci-dessus, ne résout pas les questions d’égalité des chances entre les individus. Ce n’est pas parce que les activités adaptent leur rythme à celui de la population que les individus peuvent accéder aux activités. De plus, la présence d’activités ouvertes 24 heures sur 24 pose la question de la qualité de vie relative aux conditions d’emploi. Pour qu’un tel système fonctionne, il est nécessaire que des individus soient au service de la « demande » 24 heures sur 24. Ce qui peut être à l’origine d’inégalités entre individus ou à l’origine d’une dégradation du cadre de vie de certaines parties de la population. Cette problématique des rythmes urbains sort du cadre de notre analyse, réduite à l’évolution des modes de vie des individus.

Les modes de vie et leur évolution montrent que l’ordonnancement de temps consacrés à différentes activités n’est pas simple : chevauchement des créneaux des différentes activités, dissolution des frontières temporelles entre les différentes activités... Le mode de vie d’un individu est caractérisé par un enchaînement quotidien plus ou moins complexe d’activités désirées ou nécessaires. Il était dominé – et le reste encore majoritairement – par le temps de travail (pour les personnes actives ou en recherche d’emploi) ou par le temps scolaire. Mais, comme le montre l’enquête ménages déplacements de l’agglomération lyonnaise en 1995 (Tableau 3), même si le travail reste encore un élément fort du cadencement de la vie sociale (38,7% des déplacements), les autres activités tendent à prendre de plus en plus d’importance dans les objectifs de réalisation des individus. Ces activités peuvent être celles assurant l’entretien des individus, d’un ménage (tâches ménagères, courses et approvisionnements, démarches administratives, temps alloué aux enfants, aux personnes âgées…) ou assurant les liens sociaux des individus au sein ou en dehors du ménage (visites, activités culturelles ou sportives…). La dichotomie classiquement faite du temps de travail prédominant sur les temps consacrés aux autres activités s’atténue et devient de moins en moins nette.

Tableau 3 : Motifs à la destination des déplacements dans le cas de l’agglomération lyonnaise
Motif de déplacements Nombre de déplacements Pourcentage
Travail / École 710 117 / 385 270 38,7%
Accompagnement 378 083 13,4%
Achats / Services 626 519 22,2%
Loisirs 614 550 21,8%
Autres motifs 110 209 3,9%
TOTAL (hors retour au domicile) 2 824 748 100%

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de Lyon de 1995

L’hypothèse fondamentale de notre travail découle donc de la prise en compte de l’ensemble des activités dont les individus peuvent avoir besoin pour réaliser leur objectif d’accomplissement. L’analyse du mode de vie d’un individu, d’un ménage ou d’une catégorie de population peut refléter les possibilités ou les chances qu’il a d’accomplir ses besoins.