2.1. Différenciation selon le statut professionnel

Une autre forme de différenciation ou d’inégalité vis-à-vis des activités disponibles dans les territoires urbains peut provenir du statut professionnel des individus ou comme le citent N. Herpin et al. [2001] d’une « stratification sociale » selon le profil d’emploi 60 . Ce facteur semble agir directement sur la consommation de services marchands, la consommation culturelle et l’accès aux diverses activités. « Les ménages ont des comportements budgétaires en rapport avec la nature des tâches accomplies sur le lieu de travail, le cadre socio-technique de leur exécution et le niveau des responsabilités » [Herpin et al, 2001, p.57]. Alors que, d’après les enquêtes sur les emplois du temps de l’I.N.S.E.E. [1999(a)], les individus des catégories modestes sont plus tournés vers les activités d’intérieur, les individus des classes aisées seront plus orientés vers des activités extérieures à leur domicile. La position sociale des individus (statut socioprofessionnel) expliquerait, entre autres, le recours à tels services marchands ou à telles activités culturelles. Est-ce une question de revenus, d’accès physique ou géographique (présence ou pas d’un mode de transport) ou d’accès culturel qui font apparaître ces différences ?

Ce n’est pas tant les pratiques de mobilité que les modes de vie qui expliquent ces différences. D’après l’enquête ménages déplacements de l’agglomération lyonnaise, les pratiques moyennes de mobilité des différentes catégories sociales sont relativement proches les unes des autres (Tableau 8). L’ensemble des motifs de déplacements est présent, même si le nombre moyen de déplacements par personne et par jour peut différer selon les catégories sociales. Par exemple, les liens de sociabilité s’expriment différemment chez les cadres ou professions intermédiaires et chez les employés ou ouvriers. Alors que les premiers se déplacent plus pour les activités associatives et culturelles et la restauration hors du domicile, les employés et ouvriers se déplacent plus pour rendre visite à des parents ou des amis.

Au-delà de ces nuances, les pratiques de mobilité entre les catégories d’individus sont relativement identiques. De plus, comme D. Mignot et al. [2003, p.8] le montrent sur l’agglomération lyonnaise, « si l’on compare les niveaux et les comportements de mobilité des plus modestes à ceux des plus aisés, en neutralisant l’effet lié à l’accès au volant, on constate que les inégalités, déjà faibles, repérées au niveau global se réduisent encore ». Les différences entre les catégories socio-professionnelles sont plus le reflet d’aspiration à un mode de vie ou un mode de fonctionnement constitutif des individus [Sen, 1992] dans la société urbaine, en fonction de la « hiérarchisation sociale » ou du niveau de vie 61 des individus. Dès lors, s’il y a des inégalités de chances entre les individus, c’est dans les possibilités qu’ont les individus de réaliser leurs objectifs et d’atteindre les activités, en tenant compte de la disponibilité spatiale des activités correspondant à leurs attentes, des modes de déplacements, de leur niveau de vie et de leur localisation résidentielle.

Tableau 8 : Pratiques moyennes de mobilité des individus de l’agglomération lyonnaise selon la classe socio-professionnelle
Nombre moyen de déplacements par personne et par jour Artisans, commerçants Cadres supérieurs Professions intermédiaires Employés Ouvriers
Travail 1,64 1,52 1,44 1,14 1,26
Achats quotidiens ou de dépannage 0,18 0,17 0,22 0,25 0,18
Achats de la semaine ou d’équipement 0,12 0,12 0,16 0,15 0,11
Santé / démarches 0,21 0,15 0,14 0,13 0,12
Activités sportives N.R. 0,05 0,06 0,05 0,05
Activités culturelles / associatives 0,03 0,08 0,06 0,04 0,03
Promenade, lèche-vitrines N.R. N.R. 0,05 0,06 0,05
Restauration en dehors du domicile 0,14 0,19 0,18 0,12 0,08
Visite à des parents ou des amis 0,14 0,10 0,16 0,19 0,19
Accompagnement 0,29 0,42 0,42 0,53 0,28
Autres motifs 0,11 0,04 0,07 0,06 0,06

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de Lyon de 1995

Notes
60.

« L’emploi est défini par la nature des tâches accomplies, les compétences techniques et sociales acquises au cours de l’expérience professionnelle, la valeur sociale attribuée à la profession en termes de rang dans une échelle de prestige ou comme composante de l’identité personnelle » [Herpin et al, 2001, p.58].

61.

Selon l’I.N.S.E.E. [ http://www.insee.fr , 2005], le niveau de vie est défini comme étant égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation. Le niveau de vie est donc identique pour l’ensemble des individus d’un même ménage.