2.2. Les revenus, frein ou moteur d’accès à certaines activités

Les travaux de P. Coulangeon et al. [2002], relatifs à l’exploitation de l’enquête emploi du temps de l’I.N.S.E.E. [1999(a)], rendent compte de l’accès aux loisirs en fonction de la structure sociale et des ressources financières de la population. Ces auteurs montrent que de nombreuses activités de loisirs (même si elles sont présentes sur des territoires socialement variés) ne sont pas fréquentées par les mêmes catégories de population. L’accès à ce type d’activités dépend des ressources sociales, culturelles et aussi financières. Il s’agit essentiellement « des ressources financières des individus qui expliquent la propension aux loisirs » [Coulangeon et al, 2002, p.39]. Il en est de même pour l’accès à d’autres activités, telles que celles liées à la consommation des ménages. Alors que les ménages aisés auront des comportements de consommation diversifiés et orientés davantage vers les activités hors du domicile, les ménages les plus modestes auront une consommation restreinte et en relation avec les activités internes au domicile.

Plus ou moins liés à la catégorie socio-professionnelle, les revenus des individus ont également des incidences sur les capabilités et les possibilités des individus d’accéder aux activités de la ville. Les personnes des classes professionnelles « élevées » pourront avoir plus de facilité financière pour accéder à un mode de déplacement – notamment à la voiture particulière – et, en conséquence, pour accéder aux activités dont ils ont besoin. Les personnes les plus modestes se déplaceront et accéderont aux activités souhaitées à la hauteur des ressources financières disponibles. Mais ils passeront le temps qu’il leur faut pour bénéficier de ces activités (par exemple, aller aux Centres Communaux d’Actions Sociales). Du fait de la contrainte financière, les personnes ayant des revenus faibles peuvent être contraintes à des choix restreints de localisation résidentielle, à des choix modaux limités, qui conditionnent leurs possibilités d’accès aux activités, biens et services correspondant à leurs attentes. « Si la capacité de mobilité est condition de participation au milieu urbain […] un problème se pose dans la mesure où cette capacité n’appartient pas également à tout le monde : […] la capacité de mobilité est, en effet, étroitement liée et à la capacité financière des individus, et peut-être plus encore à une certaine capacité culturelle qui développe ou limite les exigences d’un enracinement spatial concret et stable » [Rémy et Voyé, 1992, p.73]. Même si des activités sont présentes sur les lieux de résidence des individus, ces derniers n’y accèdent pas ou n’en bénéficient pas nécessairement. Par ailleurs, les personnes ayant des revenus faibles ne sont-elles pas, tout ou moins en partie, tributaires des activités présentes sur leur territoire ? Peuvent-elles, de ce fait, répondre à l’ensemble de leurs besoins ?

Comme certaines activités peuvent demander un effort financier, les individus éprouveront, suivant leurs revenus, plus ou moins de difficultés pour « dégager » les moyens financiers nécessaires à ces activités. « Le problème posé est celui de l’égalité d’accès aux services […] et à l’utilisation de l’espace. Certains utilisent toujours plus de services, et « consomment » toujours plus de territoires. D’autres, au contraire, n’ont pas les moyens financiers et autres d’accéder aux services […]. On risque de voir s’accroître le nombre des « assignés à résidence » dans les quartiers difficiles » [Dommergues, 2001, p.1].

Les revenus des ménages sont donc une contrainte forte qui peut conditionner les modes de fonctionnement des individus vis-à-vis de l’organisation des systèmes (localisation résidentielle et localisation des activités) de l’espace urbain. De plus, ils peuvent avoir une influence directe sur un premier accès à un moyen de transports, qui offre des opportunités plus large de mobilité et d’accès aux activités de la ville.