2.3. Différenciation et inégalité selon le diplôme : une précision des revenus et des classes sociales

Les diplômes des individus précisent les modes de fonctionnement des individus observés au regard des revenus ou de la position socio-professionnelle pour certains types d’activités de l’espace urbain. C’est le cas notamment pour l’accès aux activités culturelles. Le fait d’avoir des ressources culturelles élevées favorise un cumul d’activités extra-domiciles et extra-professionnelles [Degenne et al, 2002]. Ce sont les individus les mieux dotés culturellement, en plus des critères socioprofessionnels et financiers, qui cumulent de nombreuses activités sportives, culturelles ou associatives. Ces individus réduisent d’autant les temps attribués à des activités « passives » telles que le sommeil ou les activités à l’intérieur du domicile.

Dans les limites de l’interprétation de l’enquête ménages déplacements, les pratiques moyennes de mobilité en fonction du dernier établissement scolaire que les individus ont fréquenté à temps complet (Tableau 9) explicitent ce propos. Les individus, titulaires du BAC, du BTS ou qui ont fait des études supérieures ont tendance à cumuler les activités sportives, culturelles, associatives et de restauration hors du domicile (en moyenne 0,3 déplacements par jour), contrairement aux individus ayant arrêté leur cursus scolaire au primaire ou au collège (0,12 à 0,16 déplacements par jour). Même s’il est difficile de montrer, comme dans les travaux de A. Degenne et al. [2002], que les personnes les moins diplômées ou moins pourvues culturellement sont davantage orientées vers les activités intérieures à leur domicile, il est clair qu’elles ont un accès et des pratiques de mobilité plus restreints (moins de déplacements hors travail que les plus diplômés).

Tableau 9 : Pratiques moyennes de mobilité des individus de l’agglomération lyonnaise en fonction du dernier établissement scolaire fréquenté à temps complet
Nombre moyen de déplacements par personne et par motif Primaire Collège Lycée Titulaires du BAC / BTS Études supérieures
Travail 0,34 0,74 0,89 0,96 1,13
Achats quotidiens ou de dépannage 0,38 0,31 0,26 0,27 0,24
Achats d'équipement, d'habillement et de loisir 0,06 0,10 0,11 0,13 0,12
Démarches 0,09 0,09 0,10 0,11 0,13
Activités sportives 0,03 0,04 0,05 0,08 0,06
Activités culturelles ou associatives 0,05 0,05 0,07 0,08 0,10
Restauration en dehors du domicile 0,04 0,07 0,13 0,14 0,16
Autres motifs de déplacements 0,70 0,98 0,98 1,04 0,99
TOTAL (hors travail) 1,34 1,63 1,70 1,85 1,80

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de l’agglomération lyonnaise de 1995

A. Degenne et al. [2002] montrent également la présence d’une influence culturelle différenciée suivant les positions sociales des individus. Les individus s’adapteraient, consciemment ou non, dans leurs accès et recours aux activités, en fonction des pratiques de leur milieu d’appartenance culturelle et sociale. Cela ne signifie pas que les individus ayant un certain niveau de diplôme et un certain niveau culturel accèdent systématiquement aux activités nécessitées ou désirées. S’adapter ou se conformer aux pratiques d’un milieu d’appartenance culturelle peut être une contrainte subie ou imposée à certains individus relativement à leur volonté et leurs capabilités d’accomplissement de leur équilibre personnel et social. L’appartenance des individus à un milieu socioculturel pourrait bien assigner à domicile tout un ensemble d’individus et à l’opposé, engendrer une diffusion et profusion de l’accès aux activités à d’autres catégories d’individus. Ainsi, « les modes de vie de différents groupes sociaux fonctionnent comme des cultures qui influencent largement les comportements des individus qui y appartiennent. » [Degenne et al, 2002, p.82].

D’autre part, le manque de diplôme constitue un handicap majeur, en termes d’accès ou de recherche d’un emploi, pour les chômeurs, les jeunes ayant quitté ou terminé les études. Selon les enquêtes « Emploi » de l’I.N.S.E.E. [1999], les diplômes sont très discriminants pour les femmes, qui souhaiteraient passer d’une situation sans emploi (ou emploi précaire), à une situation professionnelle stable. En outre, à niveau de diplôme égal, les ressources financières des hommes et des femmes sont inégales (ces dernières étant souvent moins rémunérées). En conséquence, les diplômes laissent transparaître, selon Rosales et al. [2002] des différences qui sont socialement injustes entre les catégories d’individus ou selon les genres, en termes de condition d’accès à un emploi ou aux activités, biens et services.