3.2. Modes de déplacements, contraintes d’accès aux activités, biens et services

Au-delà des éléments précédemment évoqués, les évolutions des modes de vie et des modes de fonctionnement des individus influencent également l’organisation des transports et, plus globalement, la transformation et l’organisation urbaine, aussi bien au niveau des activités que des lieux de résidence. L’ensemble de ces changements peut être à l’origine d’inégalités d’accès aux activités entre les individus en ce sens qu’une partie de la population devient de plus en plus « nomade » et à l’opposé, une autre partie de la population se sédentarise sous contrainte : « Pour certains, la mobilité devient un mode de vie. Mais pour d'autres, elle est vécue comme une contrainte, à l'origine d'appréhension ou de stress, et cela d'autant plus lorsqu'ils ne disposent pas de voiture particulière et que l'offre de transport public est inadaptée. Les écarts entre les populations risquent de s'accroître et les inégalités de se renforcer, l'immobilité ou la « mobilité réduite » devenant un facteur d'exclusion accru » [Bailly et al, 2001, p.47]. Si la mobilité est vécue comme une contrainte par certains individus, l’accès au mode de déplacements conditionne cette contrainte : avoir une voiture particulière ou être correctement desservi par les transports collectifs permet d’être moins assigné à son territoire résidentiel. En conséquence, les individus peuvent se déplacer plus aisément pour atteindre les activités dont ils ont besoin. Dès lors que les choix de mobilité sont restreints ou contraints, les individus sont non seulement sédentarisés, mais aussi tributaires des activités présentes sur leur territoire. Et ce, même si ces activités ne répondent pas nécessairement à leurs attentes.

D’après les travaux menés par G. Claisse et al. [2002] sur les inégalités de mobilité, « entre les plus aisés et les plus modestes, les modes de transports sont sensiblement différents. L’usage de la voiture particulière […] est beaucoup plus fréquent parmi les individus aisés que parmi les plus modestes ; inversement, l’utilisation des transports collectifs et de la marche à pied est relativement moins fréquente. Cela tient bien évidemment assez largement à l’inégal accès au volant des individus en fonction notamment de leur revenu » [Claisse et al, 2002, p.7]. Ces travaux montrent également que dès que les effets liés à l’accès à une voiture particulière sont supprimés, les inégalités de mobilité (en termes de distances, de vitesse, de budget-temps, de répartition modale et des motifs de déplacements) sont quasi-inexistantes. « Parmi ceux qui disposent d’un accès à la voiture particulière, les comportements en matière d’utilisation des modes de transport des plus modestes et des plus aisés sont identiques. […] Les différences de comportement sont en revanche assez sensibles parmi ceux qui n’ont pas accès à une voiture particulière » [Claisse et al, 2002, p.7].

Comme le montre l’exemple de la Figure 2 sur le quartier de Ecoin – Thibaude (Vaulx-en-Velin), l’accès à la voiture particulière permet aux individus d’étendre leur territoire accessible et de bénéficier plus aisément des activités dont ils peuvent avoir besoin. Ils ne sont pas contraints comme ceux n’ayant pas d’accès à ce mode de transports – et qui doivent se « débrouiller » autrement. En effet, le territoire accessible en au plus 40 minutes en voiture particulière est quasiment celui du Grand Lyon. Par contre, il est nettement plus limité dès que les usagers des transports collectifs. Ces derniers bénéficient, pour des temps d’accès comparables à la voiture particulière, des activités présentes sur un territoire plus restreint que ceux des individus motorisés.

Figure 2 : Accessibilité depuis le quartier Ecoin-Thibaude (Vaulx-en-Velin) à l’heure de pointe du soir en transports collectifs et en voiture particulière

Sources : D. Caubel, SIG Géoconcept©

Ce tour d’horizon sur l’évolution des modes de vie et sur les pratiques de mobilité met en évidence des inégalités de chances par rapport aux besoins des individus. Ces différents facteurs agissent de manière différenciée sur les modes de fonctionnement des individus et sur l’accès aux activités. Néanmoins, ils ne sont pas indépendants les uns des autres (par exemple, les diplômes précisent les revenus). Les inégalités de chances par rapport aux activités peuvent être identifiées par un croisement de ces différents facteurs agissant conjointement sur les capabilités de réalisation des individus.