1. Le concept de qualité de vie

« Polysémique par définition, le concept de qualité de vie renvoie à différents aspects de la vie urbaine, comme les conditions matérielles d’existence, les disparités socio-économiques, l’accès à des services et à des équipements de toutes sortes, l’organisation des activités dans l’agglomération, […]. La qualité de vie en milieu urbain serait ainsi conditionnée à la fois par des facteurs objectifs, comme des aspects physico-morphologiques et socio-économiques du milieu urbain, mais aussi par des dimensions subjectives qui tiennent des valeurs, des perceptions et des aspirations de chacun » [Divay et al, 2004, p.60]. M. Dubois et al. [1999] montrent que la qualité de vie comporte différentes assertions qui dépendent du modèle conceptuel envisagé dans les analyses (Encadré 15).

Encadré 15 : Le concept de qualité de vie
« L’intérêt de la qualité de vie semble avoir existé depuis très longtemps. Selon le concept de l’eudaimonia en Grèce antique, les individus étaient appelés à réaliser leur plein potentiel pour s’assurer une bonne vie.
Trois traditions philosophiques majeures ont façonné la définition de la qualité de la vie (Diener et Eunkook, 1997). La première, de nature normative, décrit des idéaux basés sur les systèmes religieux, philosophiques ou autres. Elle a donné naissance à l’approche des indicateurs sociaux utilisée dans les sciences sociales. La seconde tradition est basée sur la satisfaction des préférences personnelles. Elle postule que les individus vont sélectionner, à l’intérieur des ressources disponibles, celles qui vont leur assurer la meilleure qualité de vie possible. Cette approche utilitaire de la vie basée sur les choix individuels sous-tend la pensée économique moderne. Enfin, la troisième tradition réfère à l’expérience personnelle des individus. Dans ce contexte, la qualité de vie est associée au bien-être subjectif des individus et cette définition est surtout utilisée dans les sciences behaviorales.
La définition du concept de qualité de vie est donc relative au modèle conceptuel envisagé. Cutter (1985) par exemple, la définit comme « la félicité ou la satisfaction individuelle à l’égard de la vie et du milieu, y compris les besoins et les désirs, les aspirations, le mode de vie préféré et d’autres facteurs tangibles ». D’autre part, McDowell et Newell (1996) suggèrent qu’elle réfère à « l’adéquation entre les circonstances matérielles et les sentiments des individus par rapport à ces circonstances ». Enfin, Schwab (cité dans Bates, Murdie et Rhyne, 1996) propose que la qualité de vie « [...] est la différence entre ce qui devrait être et ce qui est dans une collectivité — la différence entre le but et l’évaluation [...] La mesure de la qualité de la vie exige l’analyse des conditions objectives, de même que l’évaluation subjective de ces conditions dans un lieu donné et leur comparaison entre plusieurs lieux ».

Sources : [Dubois et al, 1999, p.14]

Cependant, au-delà des approches normatives, le concept de qualité de vie appliqué au milieu urbain concerne le cadre de vie et s’intéresse à « des structures de chances ou d’avantages inégaux » [Dansereau et Wexler, 1989, p.1] concernant l’ensemble des individus par rapport à l’accès aux activités, aux services et aux équipements de la ville. Selon, H. Blumenfeld [1969], la proximité de services est un des facteurs qui permet d’améliorer les conditions de vie des individus. Les premières études, relatives à la qualité de vie en milieu urbain, se focalisaient alors sur l’accessibilité aux services – et plus largement aux aménités – en cherchant à départager les avantages et les inconvénients offerts par un milieu donné [Smith, 1973]. Elles recherchaient à les mesurer « sur plusieurs dimension du cadre de vie (accessibilité, qualité visuelle des sites, services publics locaux, traitement architectural des bâtiments, etc.) » [Dansereau et Wexler, 1989, p.1]. G. Sénécal [2002, p.20] ajoute que d’autres éléments du milieu de vie, tels que « la vitalité économique et l’équité sociale, qui se déclinent sous un nombre infini de questions spécifiques, comme la qualité des logements et leur caractère abordable », sont pris en compte.

Par ailleurs, une autre interprétation du concept de qualité de vie nous est donnée par H.-S. Perloff [1969], en s’intéressant à l’environnement naturel des territoires urbains. « Selon cette approche, la qualité de l’air, de l’eau et du sol, ainsi que le ratio des espaces verts ont une incidence sur notre mode de vie. Toutefois, il est difficile de mesurer ces éléments […] de même qu’il est risqué d’apporter [dans ce cadre conceptuel] une définition précise d’un bon cadre de vie ou d’une bonne configuration urbaine » [Sénécal, 2002, p.20].

Selon G. Divay et al. [2004], on ne peut penser la qualité de vie en milieu urbain en se limitant aux besoins fondamentaux des individus – vis-à-vis des activités, biens et services de la ville, entre autres. H. Blumenfeld [1969] et H.-S. Perloff [1969] soulignent d’autres facteurs à considérer tels que la satisfaction individuelle par rapport au domicile, la perception, l’aspiration [Bailly, 1995], la compréhension ou encore l’expérience qu’ont les individus des espaces et des temps dans la ville [Lynch, 1960]. Cependant, R.-A. Murdie et al. [1992] avisent de la difficulté à prendre en compte des aspects plus subjectifs potentiellement nécessaires à la qualité de vie des individus. « Quelles aspirations et quelles valeurs pourraient être considérées comme universelles et être généralisées à tous les membres de la société, voire à toutes les sociétés ? » [Divay et al, 2004, p.61].

Compte tenu des différentes assertions et de la polysémie du concept de qualité de vie, celui-ci est défini, de manière normative, dans les études urbaines, à partir de « problématiques bien identifiées » telles que « les disparités sociales, l’inégale distribution des services et des équipements voire les contraintes ressenties par certains pour accéder à un logement décent et abordable » [Divay et al, 2004, p.61].

Nous définissons la qualité de vie comme étant les conditions à rassembler pour que les individus aient les possibilités et les capabilités d’atteindre leurs objectifs et un équilibre personnel et social en relation avec les activités dispersées sur les territoires urbains – et plus globalement avec les aménités de la ville. Cette définition se rapproche de l’interprétation donnée F. Dansereau et M. Wexler [1989], en ne retenant que certaines dimensions du cadre de vie, et notamment celles de l’accès aux activités et services de reproduction sociale.