2.1. Motifs de déplacements et revenus par unité de consommation

L’enquête ménages déplacements donne quelques renseignements très succincts et uniques sur les revenus des ménages. Lors de l’enquête, les ménages répondent à une question qui permet de recueillir leurs ressources selon 10 tranches de revenu. Sur l’agglomération lyonnaise, près de 85% des ménages ont indiqué leur tranche de revenu. D’après G. Claisse et al. [2000, p.7], « les 15% de ménages n’ayant pas souhaité indiquer leur revenu mensuel ne correspondent pas fondamentalement à des catégories de ménages présentant des caractéristiques homogènes ».

L’usage de cette variable donne une mauvaise approximation des niveaux de vie, si nous souhaitons tenir compte des économies d’échelle liées à la vie dans un même logement des différentes personnes d’un ménage. Afin d’en rendre compte, les études ont classiquement recours à la variable des revenus par unité de consommation (U.C.). Nous optons pour le choix de cette variable pour déterminer les motifs de déplacements les plus récurrents sur l’agglomération lyonnaise. Pour construire cette variable, qui n’est pas disponible dans les enquêtes ménages déplacements, nous avons, dans un premier temps, reconstitué les revenus théoriques des ménages sur la base des travaux de G. Claisse et al. [2000] 110 (Encadré 18).

Encadré 18 : Principe méthodologique de calcul des revenus des ménages
Pour affecter à chaque ménage un revenu par UC, on part de l’hypothèse d’une répartition théorique des revenus des ménages à l’intérieur de chaque tranche de revenu. On rejette donc l’hypothèse de l’assimilation du revenu du ménage à la valeur correspondant au centre de la tranche de revenu considérée. On affectera alors à chaque ménage une valeur théorique et aléatoire de revenu à l’intérieur de la tranche de revenu considérée.
Afin de déterminer ces valeurs, on procède de la manière suivante. Pour chaque tranche de revenu on estime le pourcentage de ménages se trouvant théoriquement en dessous et au-dessus du centre de la classe de revenu. Ce pourcentage est déterminé en fonction des pentes des segments de droite qui composent la courbe de la distribution cumulée de la population des ménages en fonction de leur revenu. […]
Sur la base de ces simulations, on affecte alors à chaque ménage un revenu théorique correspondant à une valeur prise à l’intérieur de la classe de telle sorte que, in fine, on retrouve la distribution théorique souhaitée de part et d’autre du centre de classe. […]. L’attribution d’une valeur de revenu précise, en lieu et place de la tranche de revenu déclarée, est faite de manière ordonnée à partir de différentes simulations :
- par exemple pour le premier ménage du fichier ayant un revenu compris entre 5000 et 7500 F., la valeur affectée est de 5000 F., puis de 5250 F. pour le second ménage du fichier appartenant à cette même tranche de revenu ; et ainsi de suite, jusqu’au 11ème ménage rencontré, auquel on affecte un revenu théorique de 7350 F. ; puis on refait cette même affectation pour les ménages suivants. On procède ainsi pour chaque tranche de revenu.
- cette méthode d’affectation a été reproduite 5 fois ; Pour la première itération on part du premier ménage, pour la seconde du deuxième, et ainsi de suite jusqu’à la cinquième pour laquelle on part du cinquième ménage

Sources : [Claisse et al, 2000, p.9-10].

Dans un second temps, le nombre d’unités de consommation pour chaque ménage est recalculé. L’échelle de calcul des unités de consommation retenue est celle de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (O.C.D.E.) 111 (Encadré 19).

Encadré 19 : Calcul des nombres d’unité de consommation

Sources : http://www.insee.fr.

Une fois les unités de consommation des ménages évaluées et les revenus théoriques des ménages reconstitués [Claisse et al, 2000], nous construisons les revenus et les déciles de revenu par unité de consommation de la population (Tableau 38). Si nous n’obtenons pas exactement une répartition homogène de la population parmi les déciles de revenu par unité de consommation 112 , cela provient de l’estimation faite des revenus théoriques des ménages. Ne possédant pas les valeurs réelles des revenus des ménages, les erreurs d’estimation, faites sur les revenus théoriques selon la méthodologie de G. Claisse et al. [2000], se répercutent dans l’estimation des déciles de revenu par unité de consommation de la population.

Tableau 38 : Déciles de revenu par U.C. de la population de l’agglomération lyonnaise
En € 95 / an
Nombre de personnes Nombre de déplacements
Effectifs % Effectifs %
DEC 1 5 488 € 110 500 10,2% 362 293 9,0%
DEC 2 7 440 € 107 835 10,0% 368 953 9,2%
DEC 3 9 147 € 114 095 10,6% 405 280 10,1%
DEC 4 10 541 € 90 910 8,4% 339 684 8,5%
DEC 5 12 348 € 105 517 9,8% 364 749 9,1%
DEC 6 14 269 € 111 631 10,3% 426 468 10,6%
DEC 7 16 586 € 123 257 11,4% 488 302 12,2%
DEC 8 19 346 € 100 462 9,3% 383 479 9,6%
DEC 9 24 392 € 117 689 10,9% 457 008 11,4%
DEC 10 > 24 392 € 99 329 9,2% 416 747 10,4%

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de Lyon de 1995 et [Claisse et al, 2000]

Tout en étant conscients des erreurs relatives à la construction des variables, nous considérons ces résultats pour interpréter les motifs de déplacements les plus récurrents de la population de l’agglomération lyonnaise pour un jour ouvrable au regard des niveaux de vie 113 .

Dans les analyses, nous nous affranchissons, en premier lieu, des motifs de déplacements relatifs au travail, à la scolarité et à l’université, pour lesquels nous observons le plus de variation en fonction des déciles (Figure 18) : plus les déciles de revenu sont faibles, plus la part des déplacements pour le travail est faible et se trouve compensée par les déplacements scolaires ou universitaires, et inversement pour les derniers déciles de revenus. Cela s’explique, en partie, par le fait que les premiers déciles de revenu concentrent une grande part de la population étudiante ou scolarisée, qui n’ont pas ou peu de ressources financières.

Figure 18 : Répartition des motifs de déplacements travail, scolaire et universitaire selon les déciles de revenu par UC

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de Lyon de 1995 et [Claisse et al, 2000]

La Figure 19 présente alors la répartition des motifs de déplacements – autres que le travail, l’école et l’université - de la population en fonction des déciles de revenus. Cette analyse montre quelques différences par rapport à certains motifs de déplacements. Les déplacements relatifs aux activités culturelles et associatives ou à la restauration hors du domicile sont plus importants pour les derniers déciles de revenu que pour les premiers. Les individus les mieux dotés culturellement (le diplôme précisant les revenus) sont ceux qui cumulent de nombreuses activités associatives et culturelles - et y accèdent. Les déplacements pour des visites à des parents ou amis ou pour motif « autres » sont plus représentés pour les premiers déciles de revenus. Les individus ayant des faibles ressources financières ont des modes de vie fonctionnant plus largement sur les réseaux informels et sociaux de proximité.

Figure 19 : Répartition des motifs de déplacements (hors travail, scolaire, université) selon les déciles de revenu par UC

Sources : D. Caubel, d’après E.M.D. de Lyon de 1995 et [Claisse et al, 2000]

Au-delà de ces différences, les écarts de pratiques moyennes de mobilité urbaine, un jour ouvrable de la semaine, sont relativement faibles au regard des déciles de revenu par unité de consommation. Nous retrouvons des résultats établis dans d’autres travaux du L.E.T. [Claisse et al, 2000 ; Mignot et al, 2003]. Les individus ayant de faibles ressources financières et les individus aisés révèlent ainsi des déplacements et des motifs de déplacements assez comparables concernant les activités quotidiennes de l’espace urbain.

Notes
110.

Les principes méthodologiques sont ceux élaborés dans le cadre du programme Inégalités de Déplacements et Equité Sociale (I.D.E.E.S.) réalisé par le L.E.T. [Claisse et al, 2000].

111.

Il s’agit de l’échelle de calcul des unités de consommation retenue par l’I.N.S.E.E. Ce choix permet d’être cohérent avec les informations disponibles sur les revenus des ménages par unité de consommation [INSEE et DGI 2004]. Néanmoins, nous ne pouvons dans l’immédiat utiliser les données du Recensement de la Population [I.N.S.E.E., 1999] pour rendre compte des motifs de déplacements les plus récurrents des individus. Ces données sont disponibles sur les découpages communaux et IRIS-2000 qui ne correspondent pas aux découpages de l’enquête ménages déplacements. De plus, à l’exception des migrations alternantes domicile - travail, elles n’apportent pas d’informations sur les motifs des différents déplacements quotidiens des individus.

112.

Théoriquement, nous devrions avoir 10% de la population totale par décile de revenu par unité de consommation. Même si cela ne se vérifie pas de manière exacte, nous obtenons une répartition relativement homogène, avec des valeurs très proches de 10% de la population totale par déciles de revenus.

113.

Nous présentons ici les motifs de déplacements des individus les plus récurrents en tenant compte de la structure des déplacements (répartition par motifs), plutôt qu’en tenant compte du nombre de déplacements par personne et par motif (qui représente plus les modes de vie des individus). Si nous optons pour le premier indicateur, c’est dans l’objectif d’argumenter notre choix de définir un panier de biens pour tous les individus.