1.2.4. Creusement des disparités dans les modes de fonctionnement des utilisateurs potentiels des transports collectifs

Afin de préciser les différenciations des capabilités des individus, nous avons évalué l’écart absolu moyen. Cet indicateur permet de mesurer, pour un type de quartiers donné, l’écart absolu entre les temps d’accès de chaque quartier, pondérés par leur population, par rapport à la valeur moyenne du temps d’accès pour l’ensemble des quartiers (Encadré 34). Dit autrement, il mesure la dispersion inter-quartier des temps d’accès aux activités par rapport au temps moyen d’un type de quartiers.

Encadré 34 : Critère de dispersion retenu : l’écart absolu moyen

Si l’écart absolu moyen est proche de 0, alors les temps d’accès depuis chaque quartier sont du même ordre de grandeur. Les habitants ont alors des conditions d’accès aux activités du panier de biens et des capabilités relativement comparables. En revanche, si l’écart absolu moyen s’éloigne de 0, il existe au moins un quartier pour lequel le temps d’accès diverge de la valeur moyenne du temps d’accès pour l’ensemble des quartiers. Pour ce quartier, cela traduit soit une meilleure accessibilité (temps inférieur à la moyenne), soit de moins bonnes conditions d’accès (temps supérieur à la moyenne) aux activités du panier de biens que pour l’ensemble des quartiers. Les libertés d’opportunités divergent donc entre les individus des différents quartiers.

Il est également intéressant de rendre compte de l’évolution de cet indicateur parallèlement à celle des temps d’accès au panier de biens pour différents scénarii. Quatre situations précisent alors les conditions d’évolution des capabilités des individus (Encadré 35).

Encadré 35 : Différentes évolutions des capabilités des individus d’un type de quartiers
Ecart absolu moyen Temps moyen d’accès en TC Observations
Croissance Croissance Dispersion des modes de fonctionnement des individus vivant dans les différents quartiers (creusement des inégalités de capabilités entre quartiers)
Croissance Diminution Gain de temps d’accès, mais avec une divergence des écarts : les gains sont portés par une partie des quartiers ; amélioration partielle des capabilités pour ces derniers quartiers et / ou dégradation pour d’autres quartiers
Diminution Diminution Convergence et amélioration des modes de fonctionnement des individus vivant dans les différents quartiers (minimisation des écarts et réduction des inégalités de capabilités entre les quartiers)
Diminution Croissance Convergence des temps autour du temps moyen croissant : perte de temps portée par certains quartiers ; dégradation des capabilités des habitants de ces derniers quartiers

La mise en œuvre de cet indicateur précise donc les différenciations observées précédemment entre les quartiers très défavorisés et les quartiers très aisés de la périphérie (Tableau 73).

Pour l’ensemble des quartiers très défavorisés, l’évolution de la localisation des activités engendre non seulement une croissance du temps d’accès en transports collectifs au panier de biens, mais aussi une croissance de la dispersion des temps d’accès entre quartiers. Il s’agit d’une situation d’amplification des inégales aptitudes entre les quartiers vis-à-vis des activités de la ville, ce qui semble contraire à une égalisation des capabilités.

A contrario, pour l’ensemble des quartiers très aisés de la périphérie, l’évolution de la localisation des activités engendre un gain de temps moyen d’accès en transports collectifs au panier de biens mais une dispersion des temps d’accès entre les quartiers. Il faut constater que la dispersion et sa croissance sont plus importantes que pour les quartiers très défavorisés (augmentation de l’écart absolu de 11% contre 6,1% pour les quartiers très défavorisés). Cela conforte ce que nous avions observé précédemment. A savoir, les gains de temps d’accès au panier de biens sont différenciés et se concentrent sur certains quartiers en particulier. Les capabilités des individus vivant dans ces quartiers privilégiés sont alors fortement améliorées par rapport à l’ensemble des quartiers. De même, les pertes d’accès identifiées pour les habitants de certains quartiers riches de la périphérie dégradent leurs libertés d’opportunités.

Tableau 73 : Dispersion de l’accessibilité, en transports collectifs, à la structure du panier de biens
  Rétrospective localisation des activités de 1990 Scénario de référence
(Activités de 1999)
Quartiers très défavorisés
Temps moyenne d’accès en TC 31,9 minutes 32,2 minutes
Ecart absolu moyen 8,0 minutes 8,5 minutes
Quartiers très aisés de la périphérie
Temps moyenne d’accès en TC 37,6 minutes 35,6 minutes
Ecart absolu moyen 12,6 minutes 14 minutes

Sources : D. Caubel, d’après XLSTAT©

Ainsi, nous montrons que, pour les habitants des quartiers pauvres ou riches potentiellement dépendants des transports collectifs, le facteur explicatif de la différenciation spatiale croissante des modes de fonctionnement - et du creusement des écarts de capabilités individuelles – entre 1990 et 1999 semble être, entre autres, celui de la dynamique de la localisation sur le territoire urbain durant les années 1990.