3.4.1. Quartiers très défavorisés : les gains d’accessibilité sont rares

Pour l’ensemble des quartiers très défavorisés, le temps moyen d’accès en transports collectifs aux services de démarches ou d’aide à la personne est estimé à 28,9 minutes, pour le scénario de référence de 1999 (Tableau 88) 162 . D’autre part, il aurait été de 29 minutes si la localisation des activités était restée celle de 1990. A ce niveau global, le changement de localisation de ces services n’a pas eu d’impacts significatifs sur l’ensemble des quartiers très défavorisés. En effet, pour un tiers des quartiers pauvres (40% de la population), les temps d’accès en transports collectifs à ces services n’évoluent pas entre 1990 et 1999.

Seuls 13,9% de la population des quartiers très défavorisés (5 quartiers) peuvent être qualifiés de « gagnants » (Tableau 89). Les plus forts gains d’accès sont constatés pour la population des quartiers pauvres du 8ème arrondissement de Lyon (Langlet Santy, Latarget Mermoz et La Trinité Mermoz). Ils reflètent l’installation de nouveaux services de démarches ou d’aide à la personne inexistants en 1990 au sein de ces quartiers. Dans le cas de Langlet Santy, le nombre de ces établissements est quasiment multiplié par deux.

Tableau 89 : Cinq quartiers très défavorisés avec des gains variables d’accès aux services de démarches et d’aide à la personne
Accès en TC aux services de démarches et aide à la personne, en 1999 Nombre de quartiers
[population en 1999]
Gain de temps d’accès
En moins de 15 minutes 4 [7 404] -26 minutes (Langlet Santy)
-15,3 minutes (Latarget Mermoz)
-3,9 minutes (La Trinité Mermoz)
et -3,7 minutes (La Saulaie)
En 15 à 30 minutes / /
En plus de 30 minutes 1 [2 180] -1,9 minutes (L’Arsenal Nord)
Ensemble des quartiers très défavorisés gagnants 5 [9 584] Entre -1,9 et -26 minutes

Sources : D. Caubel

En revanche, 46,1% des habitants des quartiers très défavorisés (14 quartiers) peuvent être, quant à eux, qualifiés de « perdants » (Tableau 90). Malgré leurs faibles pertes de temps d’accès (estimé à 1,7 minutes), ce sont majoritairement les individus déjà éloignés en 1990 des services de démarches et d’aide à personne qui sont pénalisés.

Au-delà de cette tendance globale, trois quartiers souffrent plus particulièrement de l’évolution des localisations des services de démarches et aide à la personne entre 1990 et 1999. Les explications des dégradations d’accessibilité, aisément mises en évidence pour Max Barel, Jean-Moulin (Vénissieux) et Jacques Monod (Villeurbanne), sont relativement comparables pour l’ensemble des quartiers très défavorisés « perdants ». Sur les territoires accessibles depuis ces quartiers et correspondant à la structure moyenne des services de démarches et d’aide à la personne de 1990, le solde de ces activités est négatif entre 1990 et 1999. Même si des établissements se sont implantés à proximité immédiate des quartiers sensibles (Tableau 51), d’autres ont disparu dans les quartiers contigus. Cela oblige donc les habitants de ces quartiers à fournir un effort plus important, en termes de temps de déplacements en transports collectifs, pour pouvoir accéder à ces activités.

Tableau 90 : Des pertes de temps d’accès aux services de démarches et aide à la personne, en transports collectifs, relativement limitée, pour la moitié des quartiers très défavorisés
Accès en TC aux services de démarches et aide à la personne, en 1999 Nombre de quartiers
[population en 1999]
Perte de temps d’accès
En moins de 15 minutes / /
En 15 à 30 minutes 2 [4 403] +4,1 minutes (Jean Moulin)
et + 5 minutes (Jacques Monod)
En plus de 30 minutes 12 [27 385] Entre +0,2 minutes (Alagniers Nord et Sud)
et +18,7 minutes (Max Barel)
En moyenne : +1,2 minutes (hors Max Barel)
Ensemble des quartiers très défavorisés perdants 14 [31 788] En moyenne : +1,7 minutes (hors Max Barel)

Sources : D. Caubel

Ces observations conduisent à relativiser l’impact des politiques volontaristes d’implantation des services sociaux dans les quartiers sensibles pendant les années 1990. A ce titre, nous renvoyons aux confrontations, faites par Y. Siblot [2005], entre les populations exclues et le discours institutionnel sur la nécessité de services « spécifiques » dans les zones sensibles. L’auteur montre, à partir d’une étude ethnographique sur le terrain, le caractère biaisé des interventions préconisées par la Charte des services publics de 1992. « L’évidence acquise par les représentations de l’exclusion et des « handicaps » des habitants des quartiers défavorisés, ces politiques d’« adaptation » - des services publics – permettent un désengagement discret des institutions publiques au nom même de l’amélioration du service aux populations « en difficulté » » [Siblot, 2005, p.87]. Sans pouvoir porter un tel jugement, nous émettons, selon nos critères d’analyses, des réserves sur l’efficacité de ces politiques de renouvellement urbain. Même si le nombre de services « sociaux » augmente au cœur des quartiers très défavorisés, l’accès à ces services n’en est pas nécessairement amélioré.

En outre, comme seulement 14% de la population des quartiers très défavorisés sont « gagnants », contre pratiquement la moitié qui est « perdante », nous notons une croissance de l’écart absolu moyen passant de 9,2 minutes à 11,1 minutes entre 1990 et 1999. Les habitants des quartiers pauvres ont des aptitudes d’accès en transports collectifs plus inégales en 1999 qu’en 1990.

Notes
162.

Nous renvoyons en annexe 3.4. Evolution des temps d’accès en transports collectifs aux services de démarches et d’aide à la personne pour les quartiers très défavorisés le détail, pour les quartiers très défavorisés, de l’évolution des temps d’accès, en transports collectifs, aux services de démarches ou d’aide à la personne entre la rétrospective de la localisation des activités de 1990 et le scénario de référence de 1999.