4. Synthèse sur l’impact de l’évolution de la localisation des activités

L’évolution de la localisation des activités du panier de biens durant les années 1990 a mis en évidence des impacts différenciés sur les conditions d’accessibilité des individus des différents types de quartiers étudiés.

De manière globale, aussi bien les quartiers très aisés du centre (Lyon et Villeurbanne) que les quartiers très défavorisés subissent une perte moyenne de temps d’accès à la structure moyenne du panier de biens. En revanche, la tendance globale de l’évolution de la localisation des activités du panier de biens est plutôt favorable aux quartiers très aisés de la périphérie.

Cependant, les impacts ne sont pas les mêmes pour les individus tributaires des transports collectifs et les individus des ménages motorisés. Même si l’on observe des gains ou des pertes marginales en voiture particulière pour atteindre le panier de biens, les temps d’accès sont du même ordre de grandeurs pour les individus des différents types de quartiers (compris entre 5 et 15 minutes). Même si leurs capabilités diffèrent quelques peu, il existe peu d’inégalités de chances d’accès aux activités, biens et services de la ville entre les individus possédant et utilisant potentiellement la voiture particulière.

C’est bien en matière de transports collectifs que l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999 apporte le plus de dispersion dans les temps d’accès à la structure moyenne du panier de biens. Ces dispersions se précisent lorsque nous analysons l’effet du rapprochement ou de l’éloignement relatif entre les activités et les quartiers. Ainsi, les quartiers qualifiés de « perdants » sont essentiellement ceux pour lesquels les temps d’accès en transports collectifs sont supérieurs à 30 minutes aussi bien en 1990 qu’en 1999.

Les différenciations se précisent lors de l’analyse de l’accès en transports collectifs aux différents services du panier de biens (commerces, santé, démarches / aides à la personne et loisirs) (Tableau 98). Pour l’ensemble des quartiers pauvres, si les pertes de temps sont importantes pour l’accès aux commerces et aux loisirs, elles sont marginales pour les démarches et la santé. Par ailleurs, c’est systématiquement près de la moitié de la population totale des quartiers très défavorisés qui subissent l’éloignement relatif des différents services. Seule, la relative stabilité des services de santé engendre moins de pertes. Par ailleurs, la part de la population des quartiers très défavorisés qualifiée de « gagnante » est relativement restreinte.

Pour l’ensemble des quartiers riches de la périphérie, les gains de temps sont très élevés pour l’accès aux loisirs et aux services de démarches ou d’aide à la personne. Ils le sont moins pour les commerces et sont quasiment marginaux pour la santé. Contrairement aux précédentes populations très défavorisées, les habitants des quartiers très aisés bénéficient globalement, pour près de la moitié d’entre eux, du rapprochement relatif des commerces et des loisirs. Ils sont moins nombreux dans cette situation pour les services de santé et les démarches, puisque la part de la population ayant des conditions d’accès stables est prépondérante (56% pour la santé et 44% pour les démarches).

Sans avoir pu précisément en rendre compte, nous notons une différenciation des conditions d’accès en fonction de l’appartenance globale des activités au secteur privé ou au secteur public. Nous mesurons une plus grande volatilé des activités du secteur privé (commerces et loisirs) dans l’agglomération lyonnaise durant les années 1990. C’est pour ces activités que les conditions d’accès des individus sont les plus variables. A contrario, la répartition des activités du secteur public semble être plus stable au sein de l’agglomération. Les conditions d’évolutions d’accès à ces services en seraient alors plus limitées. Ce dualisme interroge la question de la maîtrise de la localisation des dynamiques urbaines dans l’aménagement du territoire pour minimiser les écarts et les inégalités d’accès entre les quartiers. S’il semble plus aisé de maîtriser la localisation des activités publiques, malgré le constat mitigé relatif aux services sociaux dans les quartiers sensibles, la prise en compte des activités du secteur privé nécessiterait des politiques spécifiques (exonérations fiscales, maîtrise du foncier, besoins et attentes des populations, etc.).

Tableau 98 : Synthèse des impacts de l’évolution de la localisation des activités sur les conditions d’accès des différents types de quartiers
 
Quartiers très aisés de la périphérie Quartiers très défavorisés
Gagnants Inchangés Perdants TOTAL Gagnants Inchangés Perdants TOTAL
Commerces
20(a) 17 7 44 3 11 16 30
45,0%(b) 38,2% 16,9% 100% 12,8% 38,9% 48,4% 100%
-8,4 minutes(c) / +3,7 minutes -3,2 minutes -9,3 minutes / +10,5 minutes +3,9 minutes
Santé
11 25 8 44 5 12 13 30
25,8% 56,2% 17,9% 100% 16,2% 43,5% 40,3% 100%
-8,3 minutes / +6,4 minutes -1 minutes -7,5 minutes / +3 minutes 0 minute
Démarches / aide à la personne
13 19 12 44 5 11 14 30
31,9% 43,6% 24,5% 100% 13,9% 39,9% 46,2% 100%
-19,4 minutes / +3,6 minutes -5,3 minutes -10,5 minutes / +2,8 minutes -0,1 minutes
Loisirs
20 12 12 44 3 11 16 30
46,7% 25,4% 27,9% 100% 12,3% 33,7% 54,0% 100%
-17,9 minutes / +3,6 minutes -6,8 minutes -2,7 minutes / +1,4 minutes +0,4 minutes
Ensemble du panier de biens
21 10 13 44 3 12 15 30
49,4% 20,7% 29,9% 100% 11,5% 38,4% 50,1% 100%
-6,6 minutes / +4,1 minutes -2 minutes -1,6 minutes / +2,1 minutes +0,3 minutes
(a) Nombre de quartiers
(b) Pourcentage de la population totale des quartiers d’un type donné
(c) Différentiel moyen de temps entre 1990 et 1999

Sources : D. Caubel

En outre, les améliorations et les dégradations de l’accessibilité sont plus ou moins importantes et cumulatives selon les quartiers, selon les types de services et/ou selon l’éloignement relatif des activités du panier de biens. Ainsi, nous pouvons dresser un bilan de l’évolution des inégalités de capabilités des individus en reprenant en compte simultanément les gains ou pertes de temps ainsi que l’évolution de l’écart absolu moyen qui rend compte des dispersions plus ou moins fortes des conditions d’accès de chaque quartier (Tableau 99).

Pour les quartiers très défavorisés, il ressort qu’à l’exception des services de santé pour lesquels on observe une relative stabilité de l’écart absolu moyen et des temps d’accès, l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999 implique une croissance des inégalités de capabilités entre individus pour tous les autres services du panier de biens. A contrario, pour les quartiers très aisés de la périphérie, l’évolution de la localisation des activités se traduit par une amélioration sélective des capabilités des individus vis-à-vis des commerces et des loisirs. Elle implique par ailleurs une baisse de l’écart absolu moyen et des temps d’accès à la santé et aux démarches et services d’aide à la personne. Ce qui peut être assimilé à une réduction des inégalités de capabilités entre les individus.

Tableau 99 : Bilan sur l’évolution des inégalités de chances entre les différents types de quartiers avec l’évolution de la configuration urbaine des activités durant les années 1990
 
Quartiers très aisés de la périphérie Quartiers très défavorisés
Evolution de l’écart absolu moyen Evolution du temps moyen Impacts Evolution de l’écart absolu moyen Evolution du temps moyen Impacts
Commerces Croissance Gain Amélioration sélective Croissance Perte Inégalités de capabilités
Santé Baisse Gain
Démarches / aide à la personne Baisse Gain
Réduction des inégalités de capabilités
Inchangé Inchangé Inchangés
Croissance Négligeable Inégalités de capabilités
Loisirs Croissance Gain Amélioration sélective Croissance Négligeable Inégalités de capabilités
Ensemble du panier de biens Croissance Gain Amélioration sélective Croissance Perte négligeable Inégalités de capabilités

Sources : D. Caubel

Ainsi, pour les usagers des transports collectifs vivant dans les quartiers pauvres ou les quartiers riches de la périphérie, les inégalités de chances d’accès aux activités de la ville et les inégalités de capabilités croissent en fonction de l’évolution de la localisation des activités.