1. Des gains d’accès pour les quartiers très défavorisés qui compensent la perte d’accès due à l’évolution de la localisation des activités

Les gains moyens de temps d’accès des habitants des quartiers très défavorisés obtenus sur le scénario AMART sont plus importants, en valeurs absolues, que la perte moyenne due à l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999 (Tableau 123). Mais, la croissance de l’offre en transports collectifs permet à peine de ramener la dispersion des temps d’accès inter-quartiers au niveau de 1990. Elle peine à compenser la croissance des inégalités de capabilités observée avec l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999.

Tableau 123 : Temps d’accès à la structure moyenne du panier de biens et écart absolu moyen pour les quartiers très défavorisés, selon les différentes évolutions mises en œuvre
  Rétrospective de la localisation des activités de 1990 Scénario de référence (Activités de 1999) Scénario AMART
(Activités de 1999)
Temps d’accès moyenne en TC 31,9 minutes 32,2 minutes 27,9 minutes
Ecart absolu moyen 8 minutes 8,5 minutes 7,8 minutes

Sources : D. Caubel

Pour préciser ce constat, nous avons mené une analyse croisée des impacts de l’évolution de la localisation des activités durant les années 1990 et de la croissance de l’offre en transports collectifs sur l’ensemble des quartiers très défavorisés. Cette analyse discrimine, par rapport à l’accès en transports collectifs au panier de biens, les quartiers « gagnants » et/ou « perdants » sur l’une et/ou l’autre des évolutions (Tableau 124). Nous appelons quartiers « gagnants », les quartiers ayant eu une amélioration des temps d’accès au panier de biens ou dont la situation reste inchangée. Les quartiers « perdants » sont ceux qui ont subit une dégradation des conditions d’accès.

Tableau 124 : Croisement des impacts de l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999, et de la croissance de l’offre en transports collectifs pour les quartiers très défavorisés
Nombre d’IRIS
[Population en 1999]
Impacts de l’amélioration de l’offre en transports collectifs
Perdants Inchangés Gagnants TOTAL
Impacts de l’évolution de la localisation des activités
Perdants / /
15 15
[30 947] [30 947]
Inchangés
2
[5285]
/
10 12
[24 719] [30 004]
Gagnants
1
[2 748]
/
2 3
[5 159] [7 907]
TOTAL
3
[8 033]
/
27 30
[60 825] [68 858]

Sources : D. Caubel

La moitié des quartiers très défavorisés (regroupant 45% de leur population) sont « perdants » suite à l’évolution de la localisation des activités, et « gagnants » suite à la croissance de l’offre en transports collectifs. Nous les qualifions comme étant des quartiers « perdants-gagnants ». L’évolution de la localisation des activités engendre pour ces quartiers une perte de temps d’accès au panier de biens relativement marginale (1,1 minutes sur un temps d’accès de 36,1 minutes en 1990) et une dispersion des temps d’accès marginale (croissance de 1,3% sur l’écart absolu moyen estimé à 4,6 minutes en 1990) (Tableau 125).

La croissance forte de l’offre en transports collectifs permet, pour ces quartiers, de compenser non seulement les pertes de temps d’accès, mais aussi la légère croissance de la dispersion des temps d’accès inter-quartiers (écart absolu moyen) dues à l’évolution de la localisation des activités. Les gains de temps qu’elle engendre par rapport à la situation de 1999 sont de 5,7 minutes alors que les pertes entre 1990 et 1999 étaient de 1,1 minutes (Tableau 125). De plus, l’écart absolu moyen est de 3,9 minutes sur le scénario AMART, valeur en deçà de celle de 1990 et a fortiori de celle de 1999. L’amélioration de l’offre en transports collectifs est donc bénéfique pour la population de ces quartiers très défavorisés, puisqu’elle contribue à une amélioration de l’accessibilité au panier de biens, à une moindre dispersion des temps d’accès entre quartiers. Elle contribue également à rattraper la croissance des inégalités de chances dues à l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999.

Tableau 125 : Evolution des inégalités de chances d’accès au panier de biens selon l’évolution de la localisation des activités et l’amélioration des transports collectifs pour les quartiers très défavorisés
 
Individus vivant dans les quartiers très défavorisés
« perdants » pour l’évolution de la localisation des activités et « gagnants » pour la croissance de l’offre en TC « gagnants » pour l’évolution de la localisation des activités et « perdants » pour la croissance de l’offre en TC « gagnants » pour les deux évolutions simulées
Nombre de quartiers
[population en 1999]
15
[30 947]
3
[8 033]
12
[29 878]
Première ligne : Accès en TC à la structure moyenne du panier de biens (en minutes)
Deuxième ligne : [Ecart absolu moyen (en minutes)]
Rétrospective de la localisation des activités de 1990 36,1
[4,6]
20,5
[NR (I) ]
28,3
[8,0]
Scénario de référence
(Activités de 1999)
37,3
[4,7]
19,1
[NR]
28,3
[7,9]
Scénario AMART
(Activités de 1999)
31,6
[3,9]
20,8
[NR]
24,2
[9,8]
Première ligne : Evolution des temps d’accès en TC (en minutes) par rapport au scénario de référence
Deuxième ligne : [Evolution de l’écart absolu moyen (en %) par rapport au scénario de référence]
Impacts de l’évolution de la localisation des activités - 1,1
[-1,3%]
+ 1,3
[NR]
+ 0,1
[+0,4%]
Impacts de l’amélioration de l’offre en TC - 5,7
[-16,8% ]
+ 1,7
[NR]
- 4,1
[+24,2%]
(I) NR signifie que les valeurs ne sont pas représentatives, compte tenu du faible nombre de quartiers, et ce même en tenant compte de la population pour la pondération des temps moyens d’accès

Sources : D. Caubel

Par ailleurs, l’impact de la croissance de l’offre en transports collectifs est plus limité pour 55% de la population totale des quartiers très défavorisés. Trois quartiers 194 ont une situation soit inchangée soit améliorée grâce à l’évolution de la localisation des activités et sont « perdants » avec le scénario AMART (Tableau 124). Les habitants de ces quartiers observent un gain (1,3 minutes) de temps d’accès au panier de biens entre 1990 et 1999. Mais, ce gain est annihilé par la mise en œuvre des axes forts du P.D.U., qui implique une perte moyenne de 1,7 minutes (Tableau 125).

Enfin, 12 quartiers (regroupant 43,3% de la population) peuvent être qualifiés de « gagnants » sur les deux évolutions mises en œuvre (Tableau 124). L’évolution de la localisation des activités engendre une faible amélioration des capabilités des habitants de ces quartiers (temps d’accès et écart absolu moyen globalement stables) (Tableau 125). Nous pourrions alors penser que la croissance de l’offre en transports collectifs est bénéfique pour l’ensemble des individus de ces quartiers, puisqu’elle procure un gain moyen de temps de 4,1 minutes par rapport au scénario de référence. Cependant, nous observons une croissance de 2 minutes de l’écart absolu moyen entre le scénario de référence de 1999 et le scénario AMART. Même si les habitants de ces derniers quartiers sont « gagnants », l’amélioration de leurs conditions d’accès au panier de biens est donc sélective : il y a une différenciation des modes de fonctionnement entre les individus bénéficiant de la réalisation d’axes forts du P.D.U. dans leur quartier et ceux bénéficiant davantage de l’amélioration globale du réseau de transports collectifs urbains. Cela montre que si localement une politique telle que celle du P.D.U. permet d’améliorer les capabilités des individus, ce résultat n’est pas systématique sur l’ensemble des quartiers d’un même type. Cela dépend de la répartition hétérogène des activités de reproduction sociale dans l’espace urbain et de leur éloignement relatif avec les quartiers concernés par la politique mise en œuvre.

Notes
194.

Il s’agit de Léo Lagrange (Vénissieux), Le Plateau et La Sauvegarde (9ème arrondissement de Lyon).