L’état de référence de 1999, des inégalités d’accès avérées

Le premier scénario correspond à l’état de « référence », qui considère la population des quartiers très aisés et très défavorisés de 1999, la localisation des activités de 1999 et l’offre du système de transports collectifs en service sur l’agglomération lyonnaise en 2001. Globalement, sans distinction sur la localisation des quartiers très aisés ou très pauvres, l’accès à la structure moyenne du panier de biens est caractérisé par une remarquable constance pour la voiture particulière. Dès que les individus ont la possibilité d’utiliser une voiture particulière, ils accèdent très rapidement aux activités de reproduction sociale, quel que soit leur lieu de résidence. Ce résultat est conforme à ceux qui sont obtenus par G. Claisse et al. [2000] dans l’analyse des pratiques de déplacements un jour ouvrable de la semaine. Les auteurs ont montré que dès que les ménages accèdent à une voiture particulière, il n’y a que très peu de différences dans les comportements de mobilité (en termes de nombre, de distance ou de temps de déplacements). Dès travaux similaires sur l’accès au marché de l’emploi retrouvent cette constance [Wenglenski, 2003]. Globalement, en postulant que les individus des différents types de quartiers utilisent le mode de déplacement le plus rapide pour atteindre les activités de la ville, nous montrons qu’indépendamment de la localisation dans l’espace urbain, la structure moyenne du panier de biens est atteinte en une dizaine de minutes.

Concernant l’accès aux modes de transports entre les différents types de quartiers, nous observons des disparités significatives qui conditionnent, en partie, l’accès au panier de biens. Alors que les individus vivant dans les quartiers très défavorisés sont près de deux tiers à appartenir à des ménages déclarant posséder au moins une voiture particulière en 1999, c’est quasiment l’ensemble des individus vivant dans les quartiers très aisés qui en possèdent au moins une. Pour les autres individus, leurs accès au panier de biens s’effectuent potentiellement avec les transports collectifs qui s’avèrent être, en moyenne, trois fois moins performants que la voiture particulière, en termes de temps d’accès – une trentaine de minutes. Si ce ne sont que 5% des individus des quartiers très aisés qui sont susceptibles d’être dans cette situation, c’est un tiers des habitants des quartiers pauvres qui peuvent être captifs des transports collectifs. Un inégal accès aux modes de déplacements se traduit donc par une inégalité de chances et de capabilités entre les populations riches et pauvres, au détriment des plus pauvres.

Par ailleurs, les disparités sont significatives entre les différents quartiers riches ou pauvres, lorsqu’on rend compte des conditions d’accès en transports collectifs au panier de biens. Les temps d’accès varient dans un rapport de un à quatre. Alors que certains quartiers ont un accès en transports collectifs comparable à celui de la voiture particulière, d’autres auront un temps d’accès au panier de biens beaucoup plus élevé. Plus des trois quarts de la population des quartiers très défavorisés peuvent prétendre aux activités du panier de biens en un temps supérieur à 30 minutes. Ce n’est que la moitié des quartiers très aisés de la périphérie qui sont dans cette situation. Pour un type de quartiers donné et pour une offre en transports collectifs présente dans tous les quartiers étudiés, l’accès au panier de biens se traduit globalement par des inégales libertés d’opportunités et de chances entre les quartiers. Ces inégalités procèdent, certes, de la qualité de l’offre en transports collectifs différenciée entre les quartiers, mais surtout de la répartition hétérogène sur l’espace urbain des activités du panier de biens.