Amélioration des transports collectifs et accès à la ville : des réponses limitées

C’est ce que nous avons tenté de mettre en évidence en analysant le scénario d’amélioration des axes du réseau de transports collectifs (AMART). Ce scénario consistait à rendre compte de ce que serait l’accessibilité à la structure moyenne du panier de biens, si à la date de 1999, l’offre en transports collectifs était celle du P.D.U. de l’agglomération lyonnaise et celle d’une mise en site propre intégrale du réseau de surface de bus, toutes choses égales par ailleurs à la date de 1999 (localisation résidentielle et localisation des activités).

Il a alors été mis en évidence une amélioration globale de l’accessibilité en transports collectifs à la structure moyenne du panier de biens par rapport à l’état de référence de 1999. Cette amélioration est non négligeable, mais reste toutefois limitée par rapport à la croissance de l’offre en transports collectifs (gain moyens d’accès de 13,5% pour une croissance de près de 40% de l’offre). Ce qui amène à relativiser l’impact d’une politique de transports pour lutter contre les inégalités de chances, si elle est considérée de manière unique et sectorielle. Ce résultat confirme l’idée d’une nécessité de mener conjointement les politiques de transports avec d’autres politiques d’aménagement du territoire, concernant la localisation des activités, afin de pouvoir prétendre aux effets escomptés d’une réduction des inégalités de chances entre les quartiers riches et pauvres.

Malgré cela, nous pouvons relever l’importance de la réalisation de politique de transports urbains afin de lutter contre les inégalités de chances. La mise en œuvre des axes forts du P.D.U. autorise une amélioration de l’accès aux activités du panier de biens pour toute la population des quartiers très défavorisés et pour quasiment la totalité de celle des quartiers très aisés de la périphérie. En outre, ce sont presque les deux tiers des quartiers très défavorisés et 60% des quartiers très aisés qui gagnent en accessibilité sur au moins un des services sans perdre de temps sur les autres services. Ces résultats montrent que ce sont les quartiers les plus démunis qui bénéficient positivement des impacts de l’offre du P.D.U.. Cela va dans le sens du principe de « maximin » de J. Rawls [1971]. C’est d’ailleurs un des objectifs du P.D.U. préconisant la réalisation d’axes forts permettant de desservir les quartiers sensibles et de les relier aux pôles économiques de l’agglomération [SYTRAL, 1997, 2003].

Par ailleurs, la croissance simulée de l’offre en transports collectifs a mis en évidence des différenciations entre les différents types de quartiers. Si les habitants des quartiers très aisés et très défavorisés voient une amélioration de l’accessibilité en transports collectifs à la structure moyenne du panier de biens, celle-ci permet à peine de compenser les pertes de temps d’accès dues à l’évolution de la localisation des activités pour les quartiers très défavorisés ; évolution qui permettait globalement une amélioration de l’accessibilité pour les quartiers très aisés de la périphérie.

Des différenciations sont également mises en évidence lors de l’analyse par type de services du panier de biens (commerces, santé, démarches / aides à la personne et loisirs). Compte tenu de la répartition hétérogène des activités sur l’agglomération lyonnaise, la croissance de l’offre en transports collectifs simulée améliore plus aisément l’accessibilité à certains types de services qu’à d’autres en fonction des types de quartiers riches ou pauvres. C’est ainsi que les quartiers très défavorisés bénéficient plus aisément des activités de démarches, d’aide à la personne et des services de santé, alors que les quartiers très aisés de la périphérie sont globalement « rapprochés », en transports collectifs, des commerces ou des loisirs.

Mais, une amélioration de l’accessibilité ne signifie pas systématiquement une réduction des inégalités de chances entre les individus d’un type de quartier donné, en termes de minimisation des écarts des capabilités des individus [Sen, 1992]. Les analyses de l’évolution des écarts absolus moyens ont montré les limites de la croissance de l’offre en transports collectifs sur l’amélioration des libertés d’opportunités des individus. La réduction de l’écart absolu moyen par rapport au scénario de référence de 1999 s’avère être importante pour les activités de loisirs et les services de santé. Elle est moindre pour les commerces et les services de démarches et d’aide à la personne. Ainsi, pour les différents quartiers très défavorisés, l’amélioration de l’accessibilité aux services de démarches, d’aide à la personne et de santé rend compte d’une forte convergence des temps d’accès autour de la valeur moyenne sur l’ensemble de ces quartiers. Les libertés d’opportunités des habitants de ces quartiers sont moins inégales sur le scénario AMART que sur le scénario de référence.

Nous observons ainsi une réduction de la dispersion des temps d’accès entre les quartiers d’un même type, révélateur d’une amélioration des capabilités des individus. Malgré cela, la croissance de l’offre en transports collectifs ne permet pas une réduction systématique des écarts de temps moyens d’accès entre l’ensemble des quartiers riches et l’ensemble des quartiers pauvres. Les différenciations entre les types de quartiers, dues à l’évolution de la localisation des activités entre 1990 et 1999 et pénalisant globalement les territoires les plus démunis, perdurent malgré la simulation des axes forts du P.D.U.. C’est notamment le cas pour l’accès aux commerces et aux loisirs. A contrario, pour les services de santé et pour les services de démarches et d’aide à la personne, les écarts entre l’ensemble des quartiers riches et l’ensemble des quartiers pauvres sont réduits en étant bénéfiques aux plus démunis.