Conclusion de la première partie

Cette insistance de la vivance de l’être, de la chose, de la nature dans l’écriture permet de souligner le désir inconscient d’un maintien de cet animé de l’être, de la chose et du vivant. Dans la construction de l’objet selon Winnicott, les processus de création dans le trouvé/créé permettent de faire ce passage de l’intérieur vers l’extérieur. Les multiples postures de l’objet renforcent la pensée de la constance de l’objet à l’extérieur dans la construction de cette réalité interne. Cette construction n’est pas linéaire, elle entretient et construit la vivance du sujet et de l’objet.

D’autres figures des positions négatives de l’objet illustrent au contraire les attaques envers celui-ci au profit d’un détruit mais non atteint. L’objet survit à la destructivité ; le négatif dans le travail de représentation permet de construire la différenciation du moi/non moi. C’est bien le mouvement de l’animé ou de l’inanimé de l’objet qui permet au sujet de se désengager de l’identification primaire et aussi de l’identification projective à cet objet.

La complexité du terme d’objet qui trouve son origine dans les textes de Freud mérite d’être exploré quant à son usage contemporain. Freud nomme « objet » pour pouvoir parler de la « chose », pour le sujet dont il parle, de l’intrapsychique du sujet. Les travaux des chercheurs contemporains en petite enfance révèlent que le jeune enfant dès les premiers jours de la vie repère et réagit suite aux éléments perceptifs imposés par l’environnement maternel. Ces perceptions sont comme des « flashes » qui disparaissent et réapparaissent avant d’être dans une continuité d’existence à une certaine maturité du développement. R. Roussillon propose de nommer « l’objet autre sujet » au lieu de « l’objet » puisque que cet « objet » a une vivance et une autonomie psychique, d’où l’autre comme un autre sujet. Dans ce dossier, nous continuerons à utiliser le terme d’objet selon le sens freudien, mais nous le représentons comme un autre sujet, ou chose qui a cette matière vivante pour le sujet, ce qui va dans le sens de nos hypothèses qui mettent en évidence cette vivance de l’objet.

L’idéogramme se construit ainsi comme cet objet permanent qui peut satisfaire la pulsion scopique d’un objet trouvé/créé qui hérite des fonctions maternelles, de la fonction de pare-excitation, d’étayage, de transformation. Cet objet trouvé/créé grâce à son organisation possède les propriétés d’une enveloppe, une sorte de Moi-peau à la portée de la main. Les processus dans la création de cet objet sont semblables à ceux à l’œuvre dans la création du double, ils se situent dans le passage du dedans/dehors : mettre en dehors la représentation intérieure ; la construction s’étaye sur la projection. Les variances complexes des caractères dans l’écriture ancienne permettent de représenter les modèles de création.

La spatialisation permet de donner un ordre, une logique de la représentance de la réalité interne par la construction de la réalité externe, constituant une profondeur dans le croisement de ces deux réalités. Le vertical et l’horizontal dessinent les grandes lignes de l’axe symbolique. L’axe vertical : la lignée des ancêtres au regard du père ; l’axe horizontal : le corps et la sexualité infantile au regard de la mère. Le croisement de ces deux axes constitue un des organisateurs de la fonction symbolisante de l’objet. Sans cela, les inscriptions sont toujours des pictogrammes qui sont à la recherche d’une construction identitaire au profit du narcissisme primaire. Dans cette quête le pictogramme reste indisponible à l’intersubjectivité.

La gestualité et la corporéïté sont très présentes dans l’écriture, elles participent aussi à la construction du symbolique, du sens, comme si elles pouvaient rester constantes malgré le refoulement dans l’écriture. Elles constituent une ébauche de langage, ce qui permet le maintien de ces images dans le visuel. C’est bien ce langage visuel qui permet d’assurer le passage de la représentation chose à la représentation de chose, puis plus tard le langage verbal introduit la représentation de mot.

L’idéogramme inscrit donc les dimensions de la verticalité et de l’horizontalité qui constituent la colonne et la structure de l’organisation de l’écriture. Cette organisation est une traduction de la pensée philosophique culturelle qui s’étaye sur la parole du père et sur la gestualité de la mère comme contenant. Nous associons alors la verticalité, au sens de la transmission générationnelle, à la dimension de la libido d’objet qui organise l’objectalité et l’horizontalité à la dimension de la libido du moi qui s’étaye sur le registre du narcissisme. Comme un modèle analogique, ces deux axes vertical et horizontal introduisent la temporalité dans l’historicisation de l’expérience pour permettre une saisie du sens de cette expérience, ce qui ouvre à la construction de l’appareil psychique. Ici l’objet maternel s’efface pour laisser place à la fonction maternelle, tiercéisée et secondarisée.

Ainsi nous pouvons regrouper les fantasmes originaires, les fantasmes œdipiens, de castration, de scène primitive à la verticalité sous le principe de réalité ; ceux de la différence des sexes, de l’auto-érotisme et la compulsion de répétition à l’horizontalité sous le primat du principe de plaisir. Dans ce modèle de représentation, nous ferons l’hypothèse :

- que la psychose souffre de l’impasse à représenter les fantasmes verticaux, dans une emprise des fantasmes horizontaux  mis en acte pour les « toucher », « voir », « sentir » et « percevoir » ;

- que la névrose se trouve dans l’impossibilité de s’arracher des fantasmes verticaux dans un « trop » aux prises pulsionnelles dans une perception de l’interdit de revenir sur le plan horizontal.

Dans les deux cas, la recherche vise à un maintien de l’animé de l’être.