Chapitre VIII : La clinique des signifiants

Au fur et à mesure de l’avancement de notre recherche, la présence du signifiant dans ce dossier est constante par sa permanence sous des formes et des catégories différentes (signifiant de démarcation, signifiant formel, pictogramme.) On peut penser que l’idéogramme possède des propriétés de construction favorables à leurs repérages et à leur compréhension. Ces signes, symboles présentent un contenu manifeste pour souligner et laisser voir ce qui est un contenu latent. Ces signifiants sont visibles à l’intérieur de l’organisation de l’idéogramme et présents dans la clinique avec des patients psychotiques. Ils se présentent sous des formes diverses mais repérables par leurs répétitions. Nous proposons une réflexion théorico-clinique pour ouvrir la clinique des signifiants à partir de l’idéogramme, de ce qui est couvert sous le concept de « Signifiant ».

Certes, sous le nom de signifiants, ces représentants désignent une spécificité de chaque catégorie. Dans ce dossier, nous travaillons tout particulièrement les signifiants qui ne sont pas uniquement dans le champ du langage, c'est-à-dire à l’usage des linguistes, mais des éléments repérés par les psychanalystes comme éléments semblables à l’élément alpha selon W. Bion. Nous travaillerons les objets des représentations de chose à partir du Signifiant de démarcation de G. Rosolato, l’élément marquage de l’enveloppe et les contenants psychiques à partir du signifiant formel de D. Anzieu et le narcissisme à partir du pictogramme de P. Aulagnier. Pour les signifiants linguistiques, nous nous contenterons de les survoler, en comparaison avec les signifiants que nous venons d’évoquer.

Cette rencontre de l’idéogramme avec les trois concepts qui sont le Pictogramme, le Signifiant formel et le Signifiant de démarcation organise un espace de croisement entre le visuel et la pensée, entre le mot entendu et le mot vu dans l’écriture. Ces signifiants se lient au sens du lien et de la lisibilité, chacun à sa manière avec l’idéogramme, grâce aux propriétés de ce dernier. Ces éléments liés et déliés sont observables et manipulables puisque l’idéogramme possède ces matières visuelles et les utilise comme outils pour sa construction. La représentation de chose semble être l’élément dénominateur commun à l’idéogramme et aux signifiants ; c’est bien grâce aux mouvements de sa sensorialité, à sa malléabilité qui favorisent les transformations possibles que nous pouvons proposer l’idéogramme comme modèle d’analogie pour penser les organisateurs des signifiants.

Ce chapitre vise, à partir de l’idéogramme comme support visuel, à approfondir notre compréhension quant à ces concepts, missionnaires et messagers des représentants de la pulsion. Ce sont des signifiants de la pulsion au regard de la psychanalyse. Participant aux processus de construction de la représentance de la pulsion, ils véhiculent les mouvements internes du sujet en lien avec l’entourage, vers l’objet, en quête de sens. Nos attentes de cette réflexion théorico-clinique se situent au niveau des processus de l’intersubjectivité, afin de pouvoir construire une représentation de la représentance de ces signifiants. Ce travail sur les signifiants a pour objectif d’analyser les modalités de leur présence et de leur relation avec le sujet dans la gestion psychique de la pulsion.

Ces signifiants croiseront à un certain moment la théorie des signifiants linguistiques dont la différenciation nécessite une reprise à partir de l’origine de leur conceptualisation, ceci afin, de pouvoir représenter ces différences entre le signifiant linguistique et le signifiant au sens psychanalytique. Pour le signifiant linguistique, nous nous limiterons à la description de ces signifiants dans le regret de ne pas pouvoir aller plus loin dans ce dossier.

A partir de l’idéogramme, modèle d’analogie pour penser la topique de l’appareil psychique, nous essaierons de comprendre l’organisation de ces signifiants ainsi que leur déchiffrement et décodage: Comment peut-on lire ces signifiants, comme une sorte de rébus tel que Freud est amené à le travailler au niveau de l’interprétation des rêves, de lire ce signe, cette unité, cette clé, sa place dans l’idéogramme au croisement de sa fonction dans l’idéogramme et donc de les situer dans l’épaisseur du contact entre latent et manifeste ? Ou alors comme une sorte d’élément dans la construction du sujet ou/et de l’objet dans l’intersubjectivité ? Quelle valeur psychique attribuer à ce signifiant dans la gestion de la conflictualité ?

Pour ce travail de réflexion autour des signifiants notre réflexion s’organisera en trois temps : dans un premier temps, nous essaierons de faire un rappel de la définition du concept. Dans un deuxième temps, nous interrogerons les modalités d’apparition et la place du signifiant dans l’idéogramme. Pour cela nous analyserons la spatialisation, le mouvement et la fonction de ce signifiant par rapport aux autres composants dans la constitution du mot. Le troisième temps est un temps d’analyse clinique de ce signifiant dans l’histoire du sujet, ou dans la constitution du caractère à partir de l’étymologie, de ses dérivés, de la forme ancienne à la forme actuelle de l’écriture.