Conclusion de la quatrième partie

Nous constatons que dans la passation du test, le groupe des témoins perd les points de repères représentatifs une fois que la représentation de mot n’est pas donnée à l’avance. Chez les patients psychotiques, ils déploient en continuité la scène psychique en luttant contre l’avidité orale. Leur moi psychotique, qui se démarque de leurs enjeux narcissiques par une action directe, permet de situer leur place dans l’organisation psychique, dans l’emprise et la confusion maternelle.

Lors du contact de ces planches de Ti, constitué d’idéogramme signifiants formels » où la trace sensorielle du corps est présente dans le visuel, les sujets sont pris par la dynamique du mouvement gestuel, comme une force d’attraction, une sorte d’aimant. Par les mouvements identificatoires, introjectifs et projectifs émerge à la surface cette partie archaïque des éléments sensations/mouvements psychisés, séparés du reste, isolés et protégés par leur mode de fixation sur les parois de l’appareil psychique.

Nous avons tenté de les reconnaître comme des éléments exclus de la conscience mais non refoulés, ils sont séparés des représentations par rejet. Ce sont des affects inconscients. Selon S. Freud, les affects sont justifiés de leur densité, mais les représentations liées ne justifient pas ce débordement. Ces affects sont liés à d’autres représentations, les représentations refoulées. Ici, il s’agit selon notre hypothèse, des affects inconscients séparés, exclus qui appartiennent à l’archaïque, au primaire et à l’originaire.

L’archaïque fait associer à une structure, un « arché » du primitif. Nous appellerons structure ce qui a un rapport au corps comme une matière brute. Nous proposons que l’archaïque soit cette structure brute dont les limites se positionnent comme une défense. Nous faisons la différence entre l’originaire et l’archaïque. L’origine est marqué par la temporalité, le commencement, le temps de l’archaïque qui désigne une structure de départ mais qui indique en même temps un état primitif issu de la structure. Cette structure reflète un défensif manifeste contre tout changement, comme une protection de cette part d’origine sur laquelle s’étaye la construction de nos fantasmes originaires, mais qui lorsque le refoulement fait défaut reste une énigme désorganisatrice potentiellement réactivable. L’originaire est un élément informe qui a une ouverture sans pouvoir le délimiter.

Le terme d’archaïque souligne les difficultés à mettre au travail cette structure défensive, si ce n’est dans un constat après-coup ; défensif dans le sens qu’il est difficile de situer les affects dépendants de cette structure, quelque chose de douloureux qui s’évoque par la présence des fantômes. C’est à la recherche de ce « anté » de cet archaïque que Freud se passionnait pour l’archéologie grecque et égyptienne mais aussi à l’idéogramme et au hiéroglyphe. Un « anté » toujours présent n’est-ce pas là la quête même de la psychanalyse. L’archaïque pourrait alors être ce trouvé/créé du chercheur archéologue qui est capable aujourd’hui de trouver cet archaïque.

Pour tout sujet l’archaïque permettra la construction d’un imaginaire ancestral, processus de base pour élaborer les fantasmes d’origine. Il est donc cette base de construction de l’identité du sujet. J. Guillaumin parle de l’archaïque comme une réalité perdue ici et maintenant retrouvée. 25 L’archaïque sera cet objet perdu dans le passé qui ressurgit dans l’actuel.

Au contact de ces planches, ces éléments psychiques, ces affects originaires reviennent en réponse aux appels des éléments sensoriels de l’Idéogramme Signifiant formel. Pour les participants névrosés, la projection est un espace de recueil de données d’autres contenus transformés en matière visuelle (mouvement ou sensation ou image en projection) ; elle est aussi un mécanisme de défense à la rencontre dans le visuel avec les éléments troublants dont la présence est intolérable pour le moi. Mais dans ces deux contextes, il existe un temps et un espace entre les éléments primaires, archaïques et le temps de projection. Cet espace de recueil est aussi un espace de transformation des éléments bruts pour les redistribuer dans les contenants tels que les perceptions, les images. Le passage d’un niveau à un autre doit être favorisé par le contexte pour mettre en mouvement des processus de transformation et de sélection.

Notre représentation de ce schéma se trouve dans le schéma A, B, C. Pour aller de A à C, on accorde un temps et un espace à B comme lieu nécessaire de transformation ou d’évacuation des éléments recueillis, c’est donc un schéma tridimensionnel. Ce schéma n’est pas le même pour les patients psychotiques : pour ces sujets, le trajet relie uniquement la surface entre A et B. C’est donc bidimensionnel. Ce schéma reprend le paradoxe dans l’acte de représentation et de l’écriture comme si la symbolisation qui s’étaye sur le refoulement nécessitait en même temps les processus primaires, donc régressifs. Ce qui conduit à faire l’hypothèse que pour la symbolisation, le va et vient entre les deux extrémités doit être possible, ce qui s’oppose à une logique linéaire. Cette paradoxalité organise le fondement de l’idéogramme.

L’analyse des recueils de données illustre cette paradoxalité dans la formation des représentations de mot : la symbolisation secondaire s’étaye sur la symbolisation primaire fondée sur l’exclusion du primaire.

Pour conclure cette partie d’analyse, nous pouvons penser que le test de Ti met en évidence les potentialités de ses propriétés qui sont les représentations des contenants psychiques. L’ensemble de ces contenants constitue la configuration tout en gardant l’indépendance des lois d’évolution de chaque contenant. Au Signifiant formel se joint l’idéogramme qui représente cette configuration mais possède en plus une propriété fondamentale, qui est cette texture visuelle. La sensorialité maternelle, la gestualité corporelle de cette enveloppe primaire offrent une lisibilité du langage de l’inconscient visuel. Ces planches ainsi établies proposent une rencontre avec cet espace d’enveloppe corporelle, contenant visuel à la disposition des sujets participants. Les productions psychiques présentent la disposition du sujet, dans une situation régressive et transférentielle, à rencontrer la topique maternelle et la souffrance de la séparation primaire.

L’émergence du représentant d’affect est en lien avec la douleur spatiale de ce substitut maternel (Idéogramme Signifiant formel), mis en avant comme attracteur. Ces affects proviennent de deux cadres : la passation et le test. Comme si la psychologue était confondue avec le test, du fait de l’importance du débordement des affects. Cette rencontre transférentielle avec l’objet maternel interroge le contexte dans lequel ce lien primaire a été tissé.

Notes
25.

Guillaumin, intervention auprès d’une équipe soignante.