a. Le temps chronologique, rétrospectif et par anticipation

Trois récits différents caractérisent le temps de la narration dans les romans de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart. Le récit chronologique est parallèle à la suite des événements dans l’histoire : le temps narratif coule dans la succession des événements, la « diégèse » ou réalité. Les retours en arrière, à l’intérieur de la narration, produisent le récit rétrospectif. La particularité du mysticisme dans la psychologie des personnages attribue à ces êtres le pouvoir de prévoir l’avenir. Aussi la lecture du destin engendre-elle des anticipations dans les récits. Mais ces histoires racontées peuvent apparaître simultanément dans le même roman, mêlant des structures temporelles inverses.

De Pluie et vent… de Simone Schwarz-Bart à Moi, Tituba sorcière… de Maryse Condé, deux narratrices respectivement Télumée et Tituba mènent les récits. Les évènements qu’elles racontent de façon différente emmènent la chronologie. Partageant l’intrigue continue, les textes dévoilent des détails biographiques, de la naissance des héroïnes à l’âge adulte. Leur récit ressemble à des chroniques, car les héroïnes n’oublient aucun détail de leur existence et celle de l’entourage. En imitant le temps humain, la naissance, la vie et la mort, Télumée et Tituba dominent la narration et les faits, arrangent l’entrée et la sortie des personnages ; ces ressemblances n’excluent pas les divergences au niveau de la présentation : Simone Schwarz-Bart divise en deux récits Pluie et vent…, en doublant la vie de l’héroïne. La première partie, « Présentation des miens » 599 , propose l’arbre généalogique de Télumée. Elle remonte au temps de l’esclavage, bien avant sa naissance, pour relater l’existence de ses aïeules :

‘« J’avais pris l’habitude d’appeler ma grand-mère du nom que les hommes lui avaient donné, Reine Sans Nom ; mais de son vrai nom de jeune fille, elle s’appelait autrefois Toussine Lougandor. » 600

Son arrière-grand-mère Minerve épousa Xango, de ce couple sera née la grand-mère Toussine, surnommée « petite barque enlisée » 601 , à cause de ses souffrances ; elle épousera, à son tour, Jérémie le pêcheur : le couple avait mis au monde la mère de Télumée, Victoire, la femme lavandière qui « usait ses poignets aux roches plates des rivières. » 602 Télumée raconte qu’elle « hissait le ballot sur la tête et gagnait les hauteurs de l’Abandonnée » 603 , tâche récurrente à sa vie dans le village Fond-Zombi. La fin de la première partie coïncide avec la mort d’Angebert, père de Télumée, l’homme qui « avait mené une existence réservée, silencieuse, il avait si bien effacé son visage qu’on ne sut jamais qui était mort ce jour-là. » 604 Mais la mort ne configure qu’une étape du roman, elle modifie le temps, les événements qui prennent une autre apparence. Le meurtre du père, tué par Germain le fou du village 605 , entraîne la transition dans le récit chronologique :

‘« Parfois je m’interroge à son sujet, je me demande ce qu’il était venu chercher sur la terre, cet homme aimable et doux. Mais tout cela n’est plus et devant moi la route file, tourne, se perd dans la nuit… » 606

La seconde partie, « Histoire de ma vie » 607 , relâche la vie des ancêtres, c’est pour se focaliser sur l’existence de la paysanne Télumée. Le temps de la narration ne s’accélère pas : Télumée fait part au lecteur de son enfance et relate l’éducation qu’elle a reçue de sa grand-mère Reine Sans Nom. Le récit permanent se rapproche du temps de la narration dans Moi, Tituba sorcière…Plus qu’une chronique, Moi, Tituba sorcière… ressemble au « journal intime » : la courbe psychologique de Tituba et le drame de son existence de sorcière dévoilent les secrets du personnage. Mais le roman n’est pas morcelé en parties comme Pluie et vent… Le récit commence depuis la naissance de l’héroïne ; l’enfance est exaltée : « Les premières années de ma vie furent sans histoires. Je fus un beau bébé, joufflu, car le lait de ma mère me réussissait bien. » 608 Le temps paraît plus synthétique dans Moi, Tituba sorcière… que dans Pluie et vent…, Tituba sélectionne des faits qu’elle commente : « Plusieurs fois cependant, j’ai assisté à des scènes de brutalité et de torture. Des hommes rentraient ensanglantés, le torse et le dos couverts de zébrures écarlates.» 609 La fin du récit est une fausse fin dans Moi, Tituba sorcière... : le temps de la narration s’achève avec la libération de l’héroïne et son retour à la Barbade. La vraie fin du récit apparaît dans l’Epilogue qui dresse un bilan et pérennise le temps. « Voilà l’histoire de ma vie. Amère. Si amère » 610 précise Tituba. Comme Télumée, elle transcende le temps humain, en célébrant la vie post-mortem : « vivante comme morte, visible comme invisible, je continue à panser, à guérir. » 611 A la fin de son récit chronologique, Télumée décrira, à quelques exceptions près, les mêmes visions lumineuses du temps, au-delà de la mort :

‘« Soleil levé, soleil couché, les journées glissent et le sable que soulève la brise enlisera ma barque, mais je mourrai là, comme je suis, debout, dans mon jardin, quelle joie !... » 612

Le temps de la narration dans Pluie et vent… et Moi, Tituba sorcière… peut permettre de lire Ti Jean L’horizon de Simone Schwarz-Bart. La structure étant linéaire, Neuf Livres composent le récit selon des transformations propres à générer la biographie de Ti Jean. Le Livre Premier, « où l’on voit l’histoire du monde jusqu’à la naissance de Ti Jean L’horizon, suivie des premiers pas du héros dans la vie» 613 , rappelle la « Présentation des miens » dans Pluie et vent… et évoque le viol de la mère de Tituba dans Moi, tituba sorcière… Les sévices annoncent le début et la suite des événements. La naissance des héros dans les trois romans coïncide avec le commencement des récits, les auteurs ont reproduit les temps de l’existence dans leurs textes. La différence apparaît dans Ti Jean L’horizon : l’intrigue s’avère dédoublée par le temps infini, fantastique et allégorique. Le fabuleux s’ajoute à la narration selon la présence de Wademba, personnage insolite et éternel :

‘« Wademba avait le visage immobile des siens et leurs pommettes larges, ocrées, leurs yeux imprenables. Mais il dépassait les plus hauts d’une tête et tout son poil était blanc, cils et sourcils, poitrail, ainsi que sa chevelure en folie qui buissonnait, donnait de loin l’impression d’un cotonnier en fleur. » 614

La chronologie est fracassée par l’immortalité du personnage, le conte augmente que « Dieu l’avait oublié pour ses maléfices, condamné à l’éternité… » 615 Wademba reconnaît lui-même « des temps et des temps » qu’il a quitté le village d’ « Obanishé, sur la boucle du Niger » 616 , et tous ceux qui l’ont « connu dorment dans la poussière » 617 . La confession rallonge le temps romanesque et, à chaque fois que le récit évoque Wademba, des indications apparaissent en dilatant les périodes: « une deuxième période de mille ans s’écoula » 618 avant la colonisation. Ti Jean L’horizon mêle plusieurs temps, réel, chronologique, eschatologique et imaginaire, l’auteur compose le temps indéfini et inconstant. D’autre part, le récit chronologique concerne une partie du roman, un chapitre, l’intervention d’un personnage. Desirada de Maryse Condé donne l’exemple : le roman intégral s’articule selon des structures parallèles, mais qui s’opposent les unes aux autres. Au début du roman, la narration imite la succession des événements, tel leur déroulement dans la réalité. Mais le récit chronologique est une feinte, Marie-Noëlle avait l’âge d’une jeune fille, lorsque sa grand-mère lui racontait les circonstances de sa naissance et le jour de son baptême. Ranélise qui « avait raconté tant de fois sa naissance » 619 , ouvre par là des parenthèses et intègre la fausse chronologie dans le récit. Pour entretenir l’astuce, la narratrice fournit des indications temporelles en précisant l’heure de la naissance, « il était trois heures de l’après-midi » 620 , et la cérémonie qui s’en suivit : « le jour du baptême, on avait écouté de la musique. Pas seulement les airs habituels : mazurkas, biguines wa-bap et autres. » 621 Au-delà de la naissance, la relation de la vie antérieure s’estompe. La structure temporelle enchâsse la société créole, l’identité de Reynalda, logée à Paris, avant de revenir sur le mariage de Marie-Noëlle, évoqué comme digression : « la cérémonie du mariage eut lieu deux ou trois semaines plus tard, le temps de publier les bans. » 622 En écrivant Desirada, Maryse Condé avait déconstruit la structure du temps qu’elle avait accomplie dans Moi, Tituba sorcière

La composition narrative dépend des retours en arrière. Les rappels engendrent l’entrecroisement des instants narratifs. Le récit rétrospectif soit des personnages dans Traversée de la Mangrove, soit de l’auteur dans Ti Jean L’Horizon, représente le temps d’ « autrefois », malgré le récit ininterrompu. Cette technique narrative, que Gérard Genette appelle « prolepse » 623 , abonde dans les romans de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart. Le récit récapitulatif de Nina dans Desirada déforme la structure perpétuelle. Le retour de Marie-Noëlle à la Guadeloupe est marqué par l’intervention de Nina qui évoque le temps antécédent avec une nostalgie poignante, et qui rattrape la période familiale à la Désirade. Les repères temporels qu’elle fournit situent les événements relatés « avant le cyclone de 1928 » 624 , date qui devance la naissance de Marie-Noëlle, destinataire du récit de Nina. Le lecteur est plongé dans le passé au moment où Marie-Noëlle entend le discours :

‘« Si tu pars te promener du côté de Baie-Mahault, tu verras des restants de murs cachés sous les piéchans. Tu verras aussi ce qu’on appelait la route des tracteurs. Une piste qui montait depuis la plage du Souffleur jusqu’à la « Montagne ». 625

La grand-mère de Nina, Desilia Titane la danseuse, « est morte en dansant », 626 sa mère disparaît en partant « un soir de novembre quand les grands vents gueulaient et se battaient comme des enragés » 627 Tertullie adopta Nina qui fut violée par son cousin Gabin. Une fille détestable et non désirée est née du viol, elle s’appelle Reynalda, la mère de Marie-Noëlle. Le temps ennuyeux du passé éclaire donc les origines de l’héroïne jusque là inconnues au lecteur. C’est le début de la recherche, la prise de conscience du personnage féminin, attentif aux conseils de sa grand-mère Nina : « Si j’ai un conseil à te donner, c’est d’oublier tout cela et de retourner là d’où tu es sortie », 628 c’est à dire en Amérique. Le récit lapidaire dans Desirada contribue à l’identité biologique des personnages : l’auteur joue sur l’innocence de Marie-Noëlle et la sincérité de Nina, témoin du temps passé et de la famille trouble de Reynalda, pour installer cette identification héréditaire. Maryse Condé, en produisant la parole de Nina, n’avait-elle pas recherché l’authenticité des faits, nécessaires à parfaire l’éducation de Marie-Noëlle, retournée en Guadeloupe, exclusivement pour entendre le témoignage de Nina.

Autre caractéristique du récit rétrospectif : les retours en arrière indiquent l’écriture et la composition de Un plat de porc… de Simone Schwarz-Bart. La fin du roman se lit comme genèse des événements, les temps sont transposés. Les dernières pages du roman décrivent l’arrivée de Mariotte à Paris, cette annotation devrait apparaître au début. Avec quelques indications temporelles transparentes, Mariotte récapitule le temps de l’hospice, précédé de l’exil loin de la Martinique : « le 9 décembre 1952, calendrier grégorien, chronologie chrétienne » 629 marque exactement l’expatriation de Mariotte. La troisième personne du singulier, « la voilà qui se lance en plein hiver dans les rues, dans Paris, dans la neige », 630 désigne Mariotte qui marque un ton ironique et distant. Il s’agit là d’une double rétrospection, car l’œuvre intégrale dévoile, d’une part, les temps passés du personnage nostalgique. Et, d’autre part, les dernières pages du roman enchâssent les débuts fatidiques du bannissement de Mariotte : la colère «l’avait entraînée loin de son domicile légal, qui était une espèce de lieu où la communauté des hommes achève les vieillards… » 631 La structure précédente rapproche Un plat de porc… de Traversée de la Mangrove de Maryse Condé, avec des divergences remarquables. Le premier roman révèle une narratrice autonome et maîtresse de son art, qui manipule à sa confection le temps de la narration ; à l’opposé on sait que Traversée de la Mangrove présente de nombreux narrateurs racontant chacun l’histoire personnelle. À tour de rôle, les personnages remontent le temps, et c’est pour décrire leur Guadeloupe dans toutes les apparences, mais aussi pour déballer au grand jour les circonstances de leur petite vie. Un des personnages de Traversée de la Mangrove excelle dans les retours en arrière, c’est Léocadie Timothée, prodigieuse dans les portraits qu’elle dresse, notamment quand elle examine avec rancœur les temps où les villageois étaient extrêmement indifférents à l’éducation des enfants :

‘« Mais à Rivière au Sel, la race avait mauvais goût. Les parents de mes élèves ne comprenaient pas pour quelle raison leurs enfants devaient perdre leur temps avec moi. Ils gardaient leurs garçons pour mener les bœufs boire l’eau des mares, en saison, pour amarrer la canne et à Noël, pour égorger le cochon. Leurs filles, ils en avaient besoin de jour comme de nuit. » 632

Les portraits sont autant répandus qu’ils rassemblent toutes les petites histoires ordinaires, mais significatives dans la narration qui repose sur des faits antérieurs. L’arrivée des étrangers est préalable à la mort de Francis Sancher, Léocadie Timothée se souvient des périodes durant lesquelles le pays était recroquevillé sur lui-même : « Dans le temps, nous n’avions pas connaissance du monde et le monde n’avait pas connaissance de nous. » 633 Le récit rétrospectif de l’institutrice a une double signification : la connaissance du temps passé, pour les habitants de Rivière au Sel, présents durant les funérailles, et la thématique de l’identité. Les plus jeunes, Sonny et Joby, ignoraient les origines de Rivière au Sel ; ils sont devenus éveillés grâce à l’expérience de Léocadie Timothée. Les indications temporelles situent le récit dans le contexte historique qui mélange le temps contemporain avec l’histoire : « J’ai été la première à ouvrir l’école à classe unique, ici à Rivière au Sel. C’était en 1920, j’avais vingt ans. » 634

Le récit par prévision décrit des situations, des évènements futurs.L’action d’imaginer, de prévoir ouvertement des faits à venir, voilà ce qui détermine le principe d’anticipation. Cette technique narrative apparaît dans Ti Jean L’horizon, Moi, Tituba sorcière… et Traversée de la Mangrove. L’arrangement du temps éclate la continuité du récit : il s’agit d’une pause narrative, ou bien encore d’une parenthèse qui oriente le récit vers le dénouement. Le récit par anticipation, qu’on retrouve dans les romans de chevalerie du Moyen Age, est sous-tendu par la conception du temps aux Antilles. Traditionnellement, ces pays croyaient au destin, lu et deviné par des visionnaires. Le temps, symbolique, mélange le présent avec l’avenir. On comprend pourquoi dans les romans les évènements ultérieurs sont annoncés, et pourquoi ils s’entrecroisent avec le temps qui s’écoule.

Dans Ti Jean L’horizon, le temps qui appartient au registre merveilleux du conte est discontinu ; il est comme suspendu durant le séjour du héros au Royaume des morts. La recherche du chemin menant vers la Guadeloupe le conduit jusqu’à la grotte où vivait une vieille femme, appelée la reine de la caverne ; la découverte eut lieu « après des temps et des temps, des recherches qui durèrent une nouvelle éternité ». 635 La rencontre avec la reine déclenche de nouvelles aventures du héros, épuisé dans la recherche du temps guadeloupéen perdu : « il erre à travers ce vaste monde, cherchant un chemin, un sentier, un signe quelconque d’une voie qui le ramène chez lui. » 636 L’apparition de la reine est le prétexte pour prédire la destinée du héros, mais aussi pour tracer le chemin à emprunter. La prévision repère le temps futur, lequel achèvera la quête : « Tu suivras mon serviteur jusqu’au fleuve où une barque t’attend depuis des années » 637 , prédit la reine qui rajoute avec certitude : « ton voyage finira au premier rivage, car la barque s’enfoncera dans l’eau… » 638 La divine prédit l’avenir, le héros poursuit son chemin, et le lecteur anticipe sur la fin des aventures.

L’annonce faite à Ti Jean est significative dans le roman de Maryse Condé, Moi, Tituba sorcière… Ti Jean L’horizon et Tituba ont un destin à peu près analogue. Le présage de la reine dans Ti Jean L’horizon apparaît sous forme de rêve prémonitoire dans Moi, Tituba sorcière… Le songe de Tituba durant son exil à Boston dans la prison de Salem, prévoit un événement, le retour au pays natal et la fin de l’exil. Tituba vit en rêve un bateau qui « entrait au port, la voile gonflée ». 639 Debout sur le quai, elle regardait « la coque enduite de goudron fendre l’eau. » 640 C’est le signe de la fin de cette « trêve », un résultat symboliquement représenté et annoncé par la prémonition, par l’image du bateau qui accostait. Le rêve s’est réalisé à la fin du roman, comme si la narratrice voulait préparer le lecteur au dénouement de ses mésaventures. Tituba peut dire à présent : « En dépit de tout, est-ce que je ne vivais pas la réalisation d’un rêve qui, si souvent, m’avait tenu les yeux ouverts, voilà que j’allais retrouver mon pays natal. » 641 Le récit presque autobiographique de Tituba mêle les temps narratifs, par le jeu des annonces et des retours en arrière.

L’anticipation des évènements dans Traversée de la Mangrove est caractéristique, la technique présentée n’apparaît pas dans les autres romans du corpus. Le début du roman se transforme en chapitre introductif: « Le serein » signifie le soir, le crépuscule, temps symbolisé par l’apaisement, le calme et la peur des esprits qui rôdent à pareil instant. Le récit commence par le temps du silence qui annonce la nuit. Entre les deux périodes, deux évènements ennuyeux se succèdent, l’un tragique et l’autre pathétique: la mort de Francis Sancher est annoncée le soir, les villageois remplissent la maison du défunt à l’annonce du décès. La grande cérémonie funèbre qui aura lieu la « nuit », le lecteur la découvre dans Le serein. Le récit de départ et les premières pages du roman expriment la prénotion qui prépare le lecteur au sujet principal de l’ouvrage : la commémoration des lamentations funéraires et le jubilé des déballages. Le début de Traversée de la Mangrove compose donc un récit préparatoire qui décrit comme au théâtre l’arrivée des voisins, « bientôt les gens sortirent en foule sur le pas de leur porte… » 642 et celle du cortège funèbre :

‘« Le cortège atteignit la maison de Vilma, dans le chemin creux et le jardin, sur la galerie, piétinait déjà une foule de gens, mi-curieux, mi-endeuillés, venus aux nouvelles. » 643

La particularité du roman tient à la présence de tous les personnages dans l’espace romanesque, somptueusement transformé en lieu de deuil: « tout Rivière au sel était présent » 644 Le prélude, procédé théâtral, rapproche au vrai Traversée de la Mangrove d’une pièce qui défie le genre en narrant l’entrée et la sortie des acteurs. L’action est connue et annoncée dès le début du roman. Mais le vrai récit, celui des témoignages, ne commence que lorsque les éplorés se sont rendus compte enfin de la présence discrète de Xantippe, le sage du village, « rencogné dans un angle de la galerie, immobile, silencieux, les yeux rougeoyant comme des braises sous un canari. » 645 Le temps narratif, parce qu’il est chronologique, rétrospectif et prévisionnel, oppose les récits dans Traversée de la Mangrove, Pluie et vent…, Ti Jean L’horizon, Moi, Tituba sorcière…, Desirada et Un plat de porc… La première conséquence de l’opposition réside dans la création de temps multiples par les auteurs ; la deuxième révèle le temps circulaire et intercalé. Des événements appartenant à différentes époques sont mêlés et métissés, sans détermination du passé, présent et futur.

Notes
599.

Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent…, p. 9.

600.

Ibid., pp. 11-12.

601.

Ibid., p. 28.

602.

Ibid., p. 31.

603.

Ibid.

604.

Ibid., p. 42.

605.

Ibid., p. 40.

606.

Ibid., p. 42.

607.

Ibid., p. 43.

608.

Maryse Condé, Moi, Tituba sorcière…, p. 17.

609.

Ibid., pp. 18-19.

610.

Ibid., p. 267.

611.

Ibid., p. 268.

612.

Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent…, p. 255.

613.

Ibid., Ti Jean L’horizon, p. 7.

614.

Ibid., p. 16.

615.

Ibid.

616.

Ibid., p. 65.

617.

Ibid.

618.

Ibid., p. 140.

619.

Maryse Condé, Desirada, p.13.

620.

Ibid.

621.

Ibid., p. 18.

622.

Ibid., p. 95.

623.

Gérard Genette, Figures III, op.cit, p. 78.

624.

Maryse Condé, Desirada, p. 183.

625.

Ibid., p. 188.

626.

Ibid., p. 187.

627.

Ibid., p.185.

628.

Ibid., p. 202.

629.

Simone Schwarz-Bart, Un plat de porc…, p. 199.

630.

Ibid.

631.

Ibid., p. 199.

632.

Maryse Condé, Traversée de la Mangrove, pp. 141-142.

633.

Ibid., p. 139.

634.

Ibid., p. 140.

635.

Simone Schwarz-Bart, Ti Jean L’horizon, p. 208.

636.

Ibid., p. 209.

637.

Ibid., p. 215.

638.

Ibid.

639.

Maryse Condé, Moi, Tituba sorcière…, p. 189.

640.

Ibid.

641.

Ibid., p.211.

642.

Maryse Condé, Traversée de la Mangrove, p. 18.

643.

Ibid., p.19.

644.

Ibid., p. 20.

645.

Ibid., p. 25.