C. Les racines latino-américaines dans les romans

Dans l’introduction de ce chapitre, il a fallu aborder les influences, historiques et géographiques, des cultures latino-américaines sur les cultures antillaises. Il faut à présent dégager quelques caractéristiques du roman hispano-américain, source d’inspiration qui attire des auteurs antillais, soit directement par la réécriture des thèmes communs, soit indirectement par la réminiscence des formes littéraires. La colonisation, la révolution, l’évolution de la société urbaine, le contact avec la nature sauvage et primordiale sont habituels aux Antilles et à l’Amérique latine. L’allégorie, le merveilleux, le fantastique, l’onirisme, le mystère, le métissage, le baroque et la musique rapprochent quelques auteurs antillais des écrivains latino-américains. C’était prendre pour l’affirmation de l’identité caribéenne que de cerner toutes ces métaphores dans l’écriture :« La maîtrise de l’identité, dénominateur commun et obsession de l’Amérique hispanique, passe par un contrôle de la parole et de la production littéraire. » 1013

Les mots « identité » et « parole » jettent des passerelles entre l’Amérique hispanique et les Antilles. Car, si les auteurs latino-américains ont fondé leur littérature sur la parole, c’est parce qu’il pourrait y avoir une allusion à l’identité dont la représentation dans l’Amérique latine ne pouvait être que métaphorique. De même, la parole, aux Antilles, revêt une dimension littéraire, un aspect particulier capable d’exprimer à la fois l’identité culturelle, la sensibilité littéraire. Ces ressemblances sont essentielles pour revoir comment les racines des textes littéraires sud-américains ont poussé dans les œuvres de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart, qui ont subi, de même que les autres écrivains antillais, les influences d’abord géographiques puis littéraires et sud-américaines. Sans essayer de déceler de prétendues influences, on constate que Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart réécrivent la musique, le mystère et le métissage, le merveilleux et le baroque que prônaient Alejo Carpentier dans Le royaume de ce monde, La harpe et l’ombre, Le partage des eaux, Gabriel Garcia Marquez dans Cent ans de Solitude, Julio Cortázar dans L’homme à l’affût.

Notes
1013.

Jean Franco et Jean-Marie Lemogodeuc, Anthologie de la littérature hispano-américaine du XXe siècle, Paris, P.U.F, p. 2.