B. La création du contexte antillais dans les romans

Les écrivains de la Négritude avaient entamé une double contestation : l’idéologie coloniale et l’histoire oblitérée des Antilles. Pour ces fondateurs, la société coloniale était immorale. Ils ont réinventé, sous l’angle critique, l’histoire coloniale. Ils furent des auteurs juges, qui voulaient en même temps réhabiliter la justice et la morale, comme l’avait fait Emile Zola dans l’affaire Dreyfus, en faisant de « J’accuse » un coup de tonnerre dans L’Aurore, le 13 janvier 1898. La Négritude fut alors un mouvement à la fois révolutionnaire et littéraire ; et il apparaissait même plus idéologique que littéraire, plus contestataire que symbolique, plus vindicatif que fictif. Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart ont adopté des positions différentes par rapport à cet engagement des écrivains engagés de la Négritude. La querelle autour de l’idéologie coloniale est dépassée par les guadeloupéennes, en fondant un autre sujet qui est spécifiquement antillais, et qui aboutit à des évocations claires et pouvant opposer les auteurs. Ce contenu installe la critique de l’ancien discours, celui des partisans de la Négritude.

Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart reprennent des questions qui interpellent les valeurs culturelles, la politique dans les colonies. Mais l’essentiel réside dans l’analyse littéraire de ces préoccupations. En abordant des problèmes qui apostrophent la société antillaise, les auteurs déclinent leur identité nationale : la réhabilitation des valeurs antillaises témoigne de l’engagement littéraire qui recherche l’identité nationale. Au carrefour d’abondantes réflexions littéraires, se croisent les deux auteurs, bien que Maryse Condé se défende de ne pas être spécifiquement un écrivain antillais : elle ne se limite pas géographiquement aux Antilles. Il faut voir dans leurs romans l’invention de trois contextes : le premier vise à galvaniser le peuple antillais, à le porter en avant. Le second emprunte à la satire la critique des valeurs négatives, en faveur des positives qui ne contredisent pas la réjouissance des auteurs. Le troisième achemine les textes à une lecture littéraire du « militantisme » aux Antilles ; on a là une image du « discours » militant.