CONCLUSION GENERALE

Comme enquête littéraire, notre travail, dès le début, cherche à prouver l’identité créole qui s’enfonce dans les romans antillais de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart, selon une approche comparée. Dans cette recherche, les marques de l’écriture métissée sont indispensables, et il a fallu d’abord les repérer puis les analyser, pour aboutir aux rapports entre l’écriture et l’identité. Il semblait moins évident d’établir, conjointement, les rapports entre les deux notions articulant le sujet général que d’analyser, successivement, leurs particularités dans les œuvres retenues. Cette dernière solution paraît combler les lacunes de l’analyse qui se fonderait sur des rapprochements, simultanés et concomitants, ne pouvant illustrer ni les caractéristiques de l’identité créole ni les formes de l’écriture métissée. La méthode d’analyse adoptée, reprenant presque le titre de la thèse, « identité créole et écriture métissée », présente bien des parallélismes qui rompent la singularité de l’approche, celle-ci se fondant sur des relations de cause à effet, entre l’écriture métissée et l’identité créole. Cette dernière, puisqu’elle transforme et dépasse en fin du compte l’univers insulaire, préfigure l’écriture métissée qui symbolise à son tour les diverses thématiques identitaires. Au vrai, dans les textes littéraires étudiés, Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart n’établissent pas de distinctions entre vision de la société et formes narratives dans leur art créole. C’est dans cette optique que nous avons entrepris l’enquête pour parvenir à déceler les occurrences de l’identité créole et les subtilités de l’écriture métissée dans les ouvrages étudiés. Mais dans la littérature antillaise, la thématique de l’identité est récurrente, elle se renouvelle dans les textes, depuis les premières œuvres produites par des esclaves, affranchis et instruits, durant la période de l’esclavage. 1221 Les écrivains des Caraïbes n’ont fait jusque là que traduire et décrire des préoccupations identitaires, déchiffrables dans presque tous les romans francophones, en témoignent les quelques références de romans antillais, en dehors des textes du corpus. L’identité antillaise, thème vaste, général, à la limite sujet immense, présente des tiroirs aussi importants qu’ils s’entrecroisent et se confondent perpétuellement, au point de caractériser le roman antillais francophone. Aussi avons-nous adjoint à ce problème littéraire, qui oppose et enchante les écrivains antillais, l’écriture métissée, sujet plutôt nouveau, eu égard au style propre défendu par chaque auteur. Le thème de l’identité, réduit à la dimension créole, est justifié par l’écriture métissée qui ne concerne pas tous les auteurs antillais. Et, même si tel était le phénomène, elle serait l’entreprise personnelle n’engageant que l’écrivain face à la langue, la culture et la littérature. Les exemples de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart ont prouvé qu’on pouvait être écrivain aux Antilles en réadaptant les thèmes identitaires dans l’écriture qui spécifie et précise les possibilités nombreuses qu’offre la créolité. L’objet étudié ne se résume pas seulement aux romans du corpus, mais s’étend sur l’expérience du constat de départ, « identité créole et écriture métissée », en rapport avec des œuvres de fiction. Une telle démarche pourrait, dans le cadre d’une thèse, posait des problèmes d’analyse, si l’on tiendrait compte de l’étroitesse du corpus principal, sept romans au total. Mais ce choix nous semble remarquable : le travail est orienté vers d’autres directions qu’on peut juger, au dénouement des trois parties, littéraires, parce que forgeant l’argument sur l’analyse et le rapprochement des textes du corpus. Ce chemin parcouru est une manière de déjouer l’analyse idéologique, et même de contourner les approches théoriques du roman antillais, que d’aucuns ont situé entre l’assimilation, la négritude et l’antillanité. 1222 Selon notre démarche, la créolité ne fonde pas les pistes de lecture des romans du corpus, bien que les exemples cités d’autres écrivains antillais, à l’image de Patrick Chamoiseau, aient révélé sa présence dans le roman antillais. Du reste, l’analyse des textes de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart aboutit à des remarques sur la créolité, parce que les allusions aux mœurs antillaises y sont frappantes. Or, Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart ont à leur façon contribuer à la littérature créole, antillaise et francophone. Le retour aux origines créoles, réaffirmé dans Traversée de la Mangrove, Pluie et vent… et Les derniers rois mages, pourrait enfermer, à quelques égards, les deux guadeloupéennes dans la « posture » de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Jean Bernabé. Mais la dimension universelle qui ressort de leurs œuvres littéraires, et qui semble allégorique dans Ti Jean L’horizon, Desirada et Un plat de porc…, désoriente la position des « créolistes ». Les particularités littéraires dans les textes, par rapport aux autres écrivains antillais, voilà une des raisons qui ont fondé la recherche. Cette dernière, inachevée sous quelques angles, repose sur un mouvement ternaire, selon l’analyse thématique, symbolique et formelle.

Il fallait dégager, dans un premier temps, l’autoréflexion de la société antillaise dans l’art romanesque des auteurs. Le motif du deuil et de sa célébration sociale dans Traversée de la Mangrove, la mentalité paysanne et créole narrée par Télumée dans Pluie et vent…, les clivages ethniques de la société martiniquaise, derrière la réminiscence de Mariotte dans Un plat de porc…, les fascinations de l’ailleurs dans Desirada, dévoilent les fondements sociaux, psychologiques et culturels de la société et de l’homme antillais. Des outils critiques utilisés, on tire des réflexions qui confirment ou du moins soutiennent l’argument littéraire sur l’identité en désordre, difficile, sur les origines violentes, conflictuelles du métissage culturel. La société antillaise, celle-là romanesque, a produit des comportements psychologiques structurant l’identité à la fois individuelle et collective. L’approche sociologique de Lucy Bauget, dans L’identité sociale 1223 , permet de voir des personnages romanesques en phase de création de leur propre identité, s’ils ne cèdent pas à la mentalité collective. En revanche, les réactions individuelles, que le même auteur dégage dans Métamorphoses identitaires 1224 , permettent de lire les paradoxes sociaux que les deux auteurs antillais traduisent dans les récits. Ces tiraillements continuent de hanter la société antillaise. Les derniers rois mages, Pluie et vent… et Traversée de la Mangrove, apparaissent comme des textes fondateurs de la littérature antillaise. Spéro, le personnage emblématique du premier roman, et Debbie, la femme militante, en sont les modèles, les exemples de l’identité racine et ouverte que revendique Maryse Condé. La pertinence des œuvres étudiées, c’est la dimension psychologique. Les personnages sont vivants. Ils ont une identité morale, sociale et ethnique, qu’elle soit permanente ou menacée par des modifications selon Roger Bastide : « L’identité ethnique postule forcément la mémoire, puisqu’elle signifie durée, maintien, à travers les changements, d’une réalité venue du passé. » 1225 La psychose, notion clef de l’identité antillaise, rapproche les personnages des romans. Ils semblent être terrorisés par le « maintien » laborieux et aléatoire des réalités créoles, mirages de leur société. L’effondrement des valeurs psychologiques, provoqué, entre autres, par la déchéance féminine et la grandeur tragique des hommes, est la face cachée de la culture créole fortement métissée. Les personnages clairvoyants ont l’intime conviction de vivre douloureusement le métissage. Dans ce mélange des civilisations, des cultures et des habitudes, les êtres décrits, peints, caricaturés par les auteurs antillais éprouvent l’angoisse perpétuelle de vivre intérieurement le spectacle quotidien qui révèle, au contraire, la joie permanente de vivre, l’euphorie propre aux îles. Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart ont révélé ce paradoxe. D’autre part, l’aliénation et l’assimilation, thèmes identitaires, sont isolés dans l’analyse des textes, ne caractérisant pas tout à fait les préoccupations des auteurs. Bien que les personnages, Ti Jean L’horizon, Marie-Noëlle, Tituba, Francis Sancher, présentent des traits psychologiques de rejet culturel et d’adoption de valeurs nouvelles, l’aliénation ne structure pas forcément les réactions de ces êtres. Pour Frantz Fanon, le sujet antillais est un être aliéné, par le langage qui lui est imposé et par la culture qui n’est pas la sienne. L’Occident a assimilé les colonisés antillais, ce qui explique le traumatisme moral et rend compte des aliénations choquantes. Les personnages de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart sont des êtres métis, qui transforment l’aliénation en valeur positive. Et bien avant Frantz Fanon, Aimé Césaire avait défini l’Antillais comme un Assimilé. Mais cette assimilation est métissage dans l’intrigue des romans de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart. Dans Logiques métisses, Jean-Loup Amselle prouve le mélange culturel par l’impossibilité de dissocier les racines mêlées. Les personnages romanesques prônent le retour aux racines créoles, mais sous l’influence des cultures étrangères qui composent magnifiquement les Caraïbes.

L’analyse symbolique, plus que prolongement de la thématique, en est le résultat, la conséquence. Dans ce reflet des cultures créoles, et dans la présentation des personnages colonisés, les romans ont aussi exposé, et de façon parallèle, des contextes : l’Histoire, l’Espace et le Temps, étroitement liés dans la narration, présentent des rapports avec la Caraïbe, comme univers géographique, social, culturel et anthropologique. Par-là, Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart semblent décrire des objets dans leurs romans. Moi, Tituba sorcière… pourrait se lire comme roman historique : les clivages sociaux, sous l’esclavage, dominent, de fond en comble, la narration. Pluie et vent…, histoire en couleur locale, accumule les espaces insulaires. Lire ce roman de Simone Schwarz-Bart, équivaudrait à un voyage imaginaire. On découvre des villages guadeloupéens et des îles antillaises, décrits et dessinés, avec des exactitudes géographiques, sous la plume enchantée de l’auteur. Traversée de la Mangrove construit l’univers temporel typiquement caribéen. Le plus étonnant, demeure le temps psychologique, celui de la mémoire qui intériorise les phases et les périodes de l’existence des Antillais, passée, présente et même future. La dimension temporelle transcende les époques. Les exemples, tirés des romans du corpus, prouvent la représentation des objets référentiels, l’histoire antillaise, l’espace guadeloupéen et le temps créole. De cette reproduction, la distance se dégage, et elle est symbolique par la transformation des choses. C’est à croire que l’histoire dans les romans est l’allégorie de la Colonisation. Elle domine les personnages et obsède les auteurs. Les Antilles sont une colonie française, toutes les réalités les plus fondamentales, qu’elles soient politiques, culturelles, sociales, suggèrent le Colonialisme. Les personnages, confrontés à eux-mêmes, sont assujettis à leur histoire collective : c’est la permanence du conflit entre les différents protagonistes qui rappelle la domination primordiale du colonisé antillais. L’Histoire s’impose du reste comme personnage, être de papier, elle trouve toute sa dimension symbolique dans la personnification et dans sa transformation mythique. L’obsession, terme retenu dans l’introduction, synthétise les visions et figures de l’Histoire, dans les œuvres de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart. Aussi les auteurs ne tombent-ils pas dans le piège qu’ils ont tendu à leurs personnages. Ces derniers cherchent à connaître leur histoire. Ils découvrent- auteurs et personnages- une déception dans les faits, et l’angoisse d’en parler, à l’exception des personnages comme Francis Sancher dans Traversée de la Mangrove, et Reynalda dans Desirada, qui détruisent les obsessions collectives amarrées au passé.

C’est à croire aussi que l’histoire antillaise est un mur symbolique qui se dresse au-dessus des personnages romanesques, soucieux de le franchir, pour apercevoir de loin leur identité historique longtemps oblitérée par la Colonisation. Il fallait prouver la hantise historique du personnage antillais, en analysant ses sursauts dans l’univers spatio-temporel non moins symbolique et mythique. Intrinsèquement reliés par des réalités diverses, l’histoire guadeloupéenne, l’espace insulaire et le temps caribéen, forment l’objet allégorique, dont l’étude a révélé les phases dans l’identité créole, soumise aux lois du déterminisme. L’île ne ressemble pas toujours à l’espace paradisiaque, malgré les univers de folklore créole et de mythe du terroir natal que revendique Télumée, la narratrice de Pluie et vent… On assiste à la fin de l’univers insulaire. Car, l’île, longtemps considérée comme obsession collective, l’endroit irremplaçable et idéal, est la coquille de l’identité. C’est la métaphore de l’œuf qu’il faut casser, pour faire naître l’identité véritable, métisse. Il faut quitter l’île, abandonner l’univers carcéral, vivre un temps nouveau, hors des îles. Les personnages de Desirada, Reynalda et Marie-Noëlle, ceux des Derniers rois mages, Spéro et Debbie, et l’héroïne de Un plat de porc…, Mariotte, considèrent le cloisonnement comme l’obstacle qui freine l’identité antillaise. On comprend mieux la symbolique du métissage, et ses rapports mythiques avec les espaces romanesques. Le roman antillais, bien que reflétant les particularismes, ne semble pas se limiter aux frontières caribéennes. Il présente des caractéristiques proches de cette grande culture romanesque, définie par Milan Kundera dans Les Testaments trahis 1226  : c’est le prolongement du roman européen, dans le culte de l’excès et de l’imagination débridée. On découvre les symptomatiques du roman moderne dans les textes antillais, qui expriment, au-delà de la conscience mélancolique de l’Histoire, de la tragédie de L’Espace-Temps, l’évolution de l’art créole et du roman antillais. Les romans de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart sont à la fois créoles et modernes :

‘« La créolisation […] est par conséquent une précipitation anthropologique illimitée, contrastant aussi avec le caractère très limité de l’espace géographique dans lequel elle se meut. Niée, ignorée pendant des siècles, vibrante pourtant dans la parole du conte, il a fallu attendre la fin du XXe siècle pour qu’on en prenne l’exacte mesure – et cela se fera, bien entendu, par la littérature. » 1227

L’analyse formelle, en décelant les formes d’écriture, les influences littéraires, réadaptées par les auteurs, aboutit à cette modernité du roman antillais francophone, qui est d’une part révolte contre le paternalisme, et mélange de la tradition avec d’autres revendications et plaintes, d’autre part. Cette modernité est le destin du roman antillais, Carlos Fuentes dans Le sourire d’Erasme… l’analyse comme la naissance d’un nouveau siècle, le millénaire qui est l’époque de la francophonie antillaise :

‘« Pour l’instant, quels que soient nos mots pour désigner l’évènement du cinquième centenaire, nous l’accueillons comme le prélude d’un siècle nouveau et d’un troisième millénaire ; et nous l’accueillons à nouveau en voyageurs du wagon de queue de cette modernité que nous avons tellement appelée, ou discutée, ou répétée, à chaque étape des cinq derniers siècles. L’envers de ce débat sur la modernité est le débat sur la tradition. Tous deux se confondent dans nos interrogations actuelles. » 1228

La question fondamentale de l’écriture métissée traduit les rapports que Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart entretiennent avec le langage littéraire. La représentation des réalités créoles engendre la création littéraire. Au carrefour des langues, créole et française, à la croisée des traditions littéraires orales, françaises et sud-américaines, se trouve le style des auteurs. Le lexique, la syntaxe et le rythme créoles, en éclatant les structures narratives, démontrent que les auteurs refusent d’oublier leurs origines linguistiques. Et la réminiscence des genres oraux, le conte, le mythe et la légende, prouve leurs traditions créoles. Dans l’ouvrage Introduction à la poésie orale, Paul Zumthor illustre l’authenticité du texte littéraire par le « retour à un folklore ressenti comme original, matrice infiniment féconde des chants. » 1229 L’imagination de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart nuance ce retour à la littérature orale. Car, l’écriture renouvelle les formes narratives du roman occidental, en dressant la peinture psychologique. Les auteurs représentent de façon quasiment réaliste les événements. Dans cette imitation, les voix narratives sont multipliées, donnant l’écho des lamentations, plaintes et cris de révolte lancés par des êtres antillais. Au vrai, dans les romans étudiés, il ressort une « polyphonie » littéraire. Le réalisme merveilleux sud-américain se joint au mysticisme créole, et c’est pour refléter l’inspiration quelquefois démesurée des auteurs. Il faut retenir la liberté des auteurs face au choix de langues, de références littéraires et de thèmes. En revanche, l’écriture métissée prouve la révolution dans les styles usités par Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart. La création témoigne de la révolution du langage littéraire, exemplaire dans Un plat de porc… de Simone Schwarz-Bart. La littérature antillaise, avec les deux guadeloupéennes, connaît une phase qui n’est pas seulement la subversion des thèmes, mais encore l’affirmation de l’écriture libre et autonome, parce qu’elle est métissée. Gilles Deleuze et Félix Guattari soulignent la portée du langage littéraire dans les littératures émergentes, disposition qui pourrait clarifier et expliquer les approches de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart :

‘« Les conditions révolutionnaires de toute littérature au sein de celle que l’on appelle grande… Ecrire comme un chien qui fait son trou, un rat qui fait son terrier. Et, pour cela, trouver son propre point de sous-développement, son propre patois, son tiers-monde à soi, son désert à soi. » 1230

Enfin, nous dégageons deux notions caractéristiques : l’engagement littéraire et la création de la mythologie imaginaire dans le roman antillais. La structure des thèmes de la société antillaise, le style créolisé et l’esthétique guadeloupéenne, dévoilent l’engagement dans les textes. Il ne s’agit pas de la prise de position idéologique, mais littéraire, du fait de l’exploration des profondeurs psychologiques, des réalités caribéennes, situant l’écrivain entre la société et l’art, ce dernier est considéré dans les romans comme un véritable acte :

‘« S’il fallait définir le roman antillais, nous le classerions dans son ensemble sous la rubrique « roman engagé » en donnant toutefois à cette notion d’engagement une signification plus large que celle qui est généralement admise et que d’aucuns discuteraient sans doute. Pour nous, nous appelons engagement, la restitution fidèle d’une réalité que l’auteur s’efforce d’appréhender et d’expliciter. A la limite, pour nous, toute littérature est engagée dès qu’elle n’exprime pas uniquement le fantasme ou la rêverie individuelle, mais a pour objet le fait naturel. » 1231

Les romans antillais, notamment ceux de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart, sont des récits, qui racontent des histoires non pas sacrées mais profanes, et des événements déroulés antérieurement dans le temps originel, colonial, antillais et contemporain. Chaque période dévoile dans les romans des structures mythologiques qui apparaissent à l’intérieur des créations littéraires inspirées du contexte historique. Cette recréation traduit l’affrontement fantasmatique entre structures légendaires et structures littéraires qui expriment les peurs primordiales de la communauté créole. L’identité repose sur ce mythe littéraire, le peuple antillais qui souffre d’un manque de mythes, n’avait pas un ancêtre fondateur, si ce n’était le vaisseau négrier, parti promptement de la terre des aïeux en chavirant le cordon ombilical qui nouait les identités. Les écrivains guadeloupéens et martiniquais imaginent tout naturellement d’autres croyances, rites, pensées, faisant du texte créole le reflet d’une mythologie profondément littéraire, et de la littérature antillaise l’arme qui renouvelle, refait et remodèle parfaitement le genre romanesque…

Notes
1221.

Voir Claude Pérotin, Les écrivains anti-esclavagistes aux Etats-Unis de 1808 à 1861, Paris, Presses Universitaires de France, 1979. Selon l’auteur, « la société esclavagiste, par les tensions de toute nature qu’elle créait, était propre à tenter romanciers et dramaturges. » p. 210. Les écrivains de cette époque exprimaient, avec une grande naïveté, des sentiments profonds d’identité, en prenant conscience de leur situation de Nègres et d’esclaves d’origine africaine. La thématique de l’identité, dès lors, née dans l’univers des Plantations, est approfondie par les écrivains caribéens des siècles suivants.

1222.

Dans sa thèse de Doctorat Les Antilles entre l’assimilation, la négritude et l’antillanité, op.cit., Jean-Marie Théodore étudie les critères thématiques et les choix esthétiques des auteurs antillais selon des contextes littéraires et idéologiques. L’auteur démontre le discours anti-assimilationniste dans les textes littéraires antillais. L’idéologie dans la littérature antillaise relève de ces mouvements esthético-révolutionnaires : négritude et antillanité.

1223.

Lucy Bauget, L’identité sociale, Paris, Editions Dunod, 1998.

1224.

Lucy Bauget, Métamorphoses identitaires, Bruxelles, Presses Universitaires Européennes, 2001.

1225.

Roger Bastide, « Mémoire collective et sociologie du bricolage », in Bastidiana, n° 7-8, juillet-décembre, 1994, pp. 209-242.

1226.

Milan Kundera, Les Testaments trahis, essai, Paris, Gallimard, 2000.

1227.

Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Lettres créoles…, op.cit., p. 51.

1228.

Carlos Fuentes, Le sourire d’Erasme : Epopée, Utopie et Mythe dans le roman hispano-américain, op. cit., pp. 12-13.

1229.

Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Editions du Seuil, 1983, p. 260.

1230.

Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, Paris, Editions Minuit, 1975, pp. 7-8.

1231.

Maryse Condé, Le Roman antillais, tome 1, Paris, Fernand Nathan Editeur, 1977, p. 13.