L’agate

L'Agate appartient au groupe des quartzs cristallins. Constituée de calcédoine 182 et d'opale, elle est multicolore et présente d'infinies variétés de coloris - bleus, gris, verts - avec des dominantes de gris et de blanc. Les plus courantes sont celles tirant sur le blanc. Les minéraux vraiment bleus, bleus-verts, bruns-rouges, ocres sont plus rares.

Les agates ont une texture fine caractéristique, faite d'une alternance de lignes parallèles ou concentriques. Ces striures sont dues à une cristallisation cyclique. Chaque couche de l'agate présente une couleur différente qui varie en fonction de sa porosité, de son contenu en eau et de son degré de cristallisation.

Lorsqu’elles contiennent de l'oxyde de fer (Fe) ou de manganèse (Mn), elles présentent des dendrites et sont appelées agates dendritiques ou herborisées - mentionnées par Pline l'ancien sous le nom de dendragate. Elles sont parfois ornées de chlorite ou de séladonite. Le cœur de certaines d'entre elles est occupé par une géode tapissée de cristaux d'améthyste, de quartz fumé, de cristal de roche, de calcite, de zéolites et d'autres minéraux.

L'agate est prisée dès l'Antiquité et continue à susciter de l’enthousiasme à la Renaissance. Pline l'ancien, Théophraste, Lodovico Dolce ou Ferrante Imperato localisent l'agate en Sicile, près du fleuve Achéo - Achates - correspondant aujourd'hui au Dirillo 183 . Cette localisation est réfutée par Raniero Gnoli, pour qui le fleuve Achate correspond au Carabi (canatello) près de Giuliana 184 .

Depuis les observations de Pline l'ancien 185 , les savants ont déterminé diverses sortes d’agates tels la "cerachates" qui correspond à l'agate aux couleurs du coing, nommée agata cotognina et qui présente, par la couleur et la transparence, une grande ressemblance avec l'albâtre cotognino ; "l'Haemacathes" est une agate rouge, la "Leucathes" une calcédoine, la "Dendragate" une l'agate dendritique ou herborisée - dans ce cas elle peut être de deux sortes : une agate herborisée qui peut être rouge ou noire en fonction de la présence de fer ou de manganèse ou une calcédoine blanche, gris-clair avec des inclusions rouges, brunes, jaunes ou noires 186 . Les motifs déterminent, en général les noms qui lui sont donnés. Par exemple, l'agate à fortifications rappelle les bastions de fortifications anciennes.

Théophraste note que l'agate se paye un très grand prix 187 . À l'époque de Pline l'ancien, selon les écrits de ce dernier, l'agate n'a plus ce prestige - affirmation confirmée à la Renaissance. Parmi toutes les variétés d'agates, Lodovico Dolce, au XVIe siècle, n'en mentionne que sept dignes d'être nommées, de provenance orientale, et omet de parler des agates trouvées en Italie. Pourtant, certains auteurs démontrent que, par commodité, les agates mentionnées par Lodovico Dolce ne sont que rarement employées. On leur substitue des agates de provenance moins lointaine. Aussi Anselme Boece de Boot, souligne-t-il que l'on en trouve une très grande quantité en Allemagne en Bohème 188 ou encore en Italie 189 .

Vincenzo Scamozzi localise divers gisements en Toscane, notamment à Volterra 190 , près de Sienne dans le territoire de Bocca et en Lombardie, à Santa Maria sopra Varese à une cinquantaine kilomètres de Milan. Filippo Baldinucci évoque, outre les agates orientales, les agates de Sienne qui peuvent être de trois sortes. La première, blanche et noire est « tachetée [...] de noir, blanc, jaune et d'autres teintes diverses» 191 et comporte un fond « jaune blanc et noir » et possède des « veines blanches ». La seconde a un fond noir avec des taches blanches et enfin la dernière est traversée de diverses lignes ondoyantes.

L’agate est appréciée tant des collectionneurs, tel Bartolomeo della Nave, que des artistes qui se servent de ces motifs pour "imaginer" des paysages. On note cependant qu'elle est moins utilisée que l'albâtre ou le marbre car ces matériaux fournissent une plus grande diversité de motifs. Les artistes italiens n'ont que très rarement peint sur cette pierre et il semble qu'elle ait été plus fréquemment employée par les artistes septentrionaux. Néanmoins, les peintures sur onyx, variété d’agate rayée de noir et de blanc, de Giulio Cesare Procaccini (1572-1625) et de Giovanni Battista Crespi (1575-1632) exécutées pour le maître-autel de Santa Maria della Passione à Milan (fig. 151 à 153), montrent que l’emploi de l’agate n’est pas une exclusivité septentrionale. Plus généralement, l'agate est souvent gravée en vue de faire des camées. Ainsi, Antoine Joseph Dezallier d’Argenville reproduit diverses pierres, dont une agate orientale, et indique qu’elle a « donné occasion au graveur de profiter des deux taches d'en haut qui imitent les rideaux d'un lit, et de représenter dans la partie sombre au-dessous, Judith avec sa servante, laquelle coupe la tête à Holoferne » 192 .

Notes
182.

On qualifie par calcédoine, toutes les variétés micro cristallines de quartz, c'est à dire l'agate, la calcédoine, le jaspe, l'onyx, la sardoine. Il ne faut pas confondre le terme calcédoine utilisé au sens large de celui au sens strict. Dans ce dernier cas, la calcédoine est constituée de petites fibres alignées parallèlement et est de couleur gris-bleu.

183.

Petit fleuve de Sicile qui prend sa source dans le mont Licodia - à la frontière de Catane - et entre ensuite dans la province de Syracuse. Il coule de l'ouest au sud-ouest.

Théophraste, 315 avant j-C., (1754), p. 123 ; Dolce, Lodovico, Libri tre di M. Lodovico Dolce, nei quali si tratta delle diverse sorti delle gemme, che produce la Natura…, Venise, Go. B. Marchio Sessa & fratelli, 1615, p. 29 ; Imperato, Ferrante, Historia naturale di Ferrante Imperato napolitano nella quale ordinamente si tratta della diversa condition di Minere, Pietre pretiose e altre curiosità con varie historie di piante et animali, fin hora non date in luce, Venise, Combi § La novi, 1672, p. 544.

184.

Il est vraisemblable que l'agate vienne du fleuve Dirillo, localisation proposée par les ouvrages ou dictionnaires minéralogiques.

Commentaire de Raniero Gnoli dans Del Riccio, (1597), 1996, p. 209.

185.

Voir notamment Corsi, Faustino Delle Pietre antiche trattato di Faustino Corsi romano, Rome, Puccinelli, 1845, p. 236-244.

186.

Mais dans toutes ces descriptions, il sied de rester vigilant car les confusions entre marbre, albâtre, onyx, sardoines et agates sont fréquentes.

FerranteImperato reprend la description de Pline l'Ancien et signale les confusions entre jaspe et agate – Imperato, 1672, p. 544.

187.

Théophraste, 315 avant J-C., (1754), p. 123.

188.

Boece de Boot, 1609, (1644), p. 314.

Conséquence directe des études menées par l’empereur Rodolphe II, passionnés par les pierres dures et qui fait rechercher dans toute la Bohème de nouveaux gisements.

189.

Il cite d'ailleurs les agates se trouvant dans la collection de Léonard de Pesaro.

Boece de Boot, 1609, (1644), p. 314.

190.

Leandro Alberti localise également des agates aux alentours de Volterra. Alberti, 1561, p. 54.

191.

Baldinucci, Filippo, Vocabolario toscano dell'arte del designo, Florence, S.Franchi, 1681, éd. consultée, Florence, SPES, 1985, p. 5.

On note également, selon le témoignage de Antoine Joseph Dezallier d'Argenville, la présence d'agates noires, blanches et bleues aux alentours de Rome.

192.

Dezallier d’Argenville, Antoine Joseph, L'Histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, l'orydologie qui traite des terres des pierres, des métaux, des minéraux et autres fossiles, Paris, De Bure, 1755, p. 168.