L’albâtre

Le terme "albâtre" fait référence à deux sortes de pierres bien distinctes : l'une, l'albâtre gypseux est une variété de gypse 217 comportant les mêmes caractéristiques physiques et chimiques que celui-ci ; l'autre, l'albâtre calcaire, est une variété de chaux carbonatée qui se présente en couches parallèles et ondoyantes. Le nom "albâtre" est utilisé dans le langage courant pour mentionner des roches compactes ou à grains fins, blanches ou de belles couleurs en particulier le gypse ou des concrétions calcaires (onyx calcaire), parfois également des calcaires fins 218 .

L'albâtre micro-cristallin, semi transparent, est trouvé dans les roches sédimentaires. De couleur blanche pouvant contenir également des endroits rosés, rougeâtres ou verdâtres, il comporte quelquefois des veines et autres motifs 219 . Son nom vient de la ville égyptienne d'Alabastron, localité qui devrait se trouver à proximité d'Ermopoli 220 . Il semble très prisé des Anciens - notamment l'albâtre oriental - et est travaillé depuis 6000 ans. Malgré une longue tradition, sa classification pose de nombreux problèmes 221 .

Anselme Boece de Boot indique que : « il était autrefois rapporté entre les espèces de marbre... [et qu'] il en diffère par la dureté » 222 . Il considère le marbre de Carrare comme un albâtre. On en trouve, selon lui, en Allemagne, en Espagne et en Italie, le plus beau étant celui de Volterra, localisé par Leandro Alberti à Monte Nero 223 . En revanche, pour Lodovico Dolce, les plus appréciés se trouvent en Inde 224 .

Les écrits d'Agostino del Riccio et de Ferrante Imperato complètent ces différents témoignages. Le premier décrit les différents types d'albâtre rencontrés comme l'albâtre sombre, trouvé dans les ruines de Rome, l'albâtre transparent orientale, l'albâtre couleur de coing - cotognino -, trouvé selon les sources anciennes en Orient et selon Agostino del Riccio à Rome, l'albâtre comportant des taches blanches, diacciato également appelé ghacciato dont le lieu d’extraction n’est pas mentionné, et enfin l'albâtre de Volterra.

Le second, Ferrante Imperato, s'intéresse aux veines décrites par la pierre qui sont dues « ou à la naissance des diverses pierres ou aux divers modes de les tailler 225  », caractéristiques qui rappellent celles de la pierre paysagère.

Vincenzo Scamozzi, tout comme Filippo Baldinucci s'intéresse aux albâtres italiens. Il indique divers gisements. Deux espèces d'albâtre se trouvent dans la localité de Gênes : le premier « dans le génois, près de Finale, à un mille de l'église de saint Antonio Varigotti est  un albâtre à veines blanches et de taches obscures »  226 ; le second, près de « Sestri à Ponete de la ville de Gênes » - c'est à dire la fraction de commune de Gènes à la périphérie occidentale de la ville - est un albâtre « beaucoup plus clair » 227 .

On trouve également sur le territoire de Vicence, près de Bassano et aux pieds de la montagne de Valstagna, des albâtres qui comportent « de belles taches et puis d'une solidité et grandeur desquels sont faites des tables » 228 .

Enfin, Filippo Baldinucci s'intéresse aux albâtres de Volterra, près du bourg de Lescaglia, de couleur blanche. Ces derniers sont utilisés pour les pavements et le travail de mosaïques, mais peuvent aussi être broyés afin de « faire un apprêt aux toiles ou tableaux pour peindre dessus » 229 . Filippo Baldinucci complète ainsi les écrits de Vincenzo Scamozzi par la mention d'autres albâtres dont ceux de Montalcino, à proximité de Sienne en Toscane, albâtre blanc et veiné, à Montallo (territoire de Rome), de couleur châtain, comportant des veines plus claires entre le jaune, blanc et enfin celui de Volterra.

La plupart de ces albâtres sont utilisés pour les décorations et les ouvrages en pierres dures tels les cabinets, les tables ou tableaux de pierres et enfin la peinture. Les albâtres dits "orientaux" ont soulevé un vif intérêt chez les artistes. Leurs motifs, décrits par Ferrante Imperato, permettent, tout comme l'agate, le marbre ou un autre calcaire, de faire appel à l'imagination. Parmi ceux-ci on trouve l'albâtre cotognino, qui est une espèce « semi-transparente d'un blanc tendre légèrement jaunâtre et similaire à la couleur du cognassier - melo cotognino » 230 . L'albâtre à nuage présente des taches jaunes, rousses qui paraissent être des nuages. Ces couleurs varient du jaune au rouge. L'albâtre fleuri comporte un fond jaune ou rosâtre sur lequel on peut voir des taches de tonalités diverses de jaune, brun ou rouge 231 . La Conversion de Saul, anonyme, reprenant une composition de Pierre Paul Rubens a été exécutée sur ce support 232 . On connaît aussi quelques exemples de peinture sur albâtre à écailles de tortue - tartaruga -, tel le Christ soutenu par un ange d’Andrea Meldolla dit Lo Schiavone 233 . Cette pierre, pénétrée de taches ou de veines marron et blanches, est fréquemment employée pour les ornementations, mosaïques ou peintures 234 .

Notes
217.

Roche sédimentaire mono minérale formée essentiellement de gypse.

L'albâtre, est selon Frédérick H. Pough, le nom donné au gypse massif. Pough, 1979, p. 204.

L'albâtre gypseux est blanc, demi-transparent et se distingue de l'albâtre calcaire par sa fragilité. Les artisans et artistes utilisaient l'albâtre calcaire.

218.

Schumann, 1989, p. 298.

219.

Il est dans ce cas très apprécié des collectionneurs et peut servir de support pour la peinture.

220.

Gnoli, 1972, p. 215.

Il cite entre autre les carrières d'Uadi, El Amarne, Asiut, Hatnub, Uadi Gerraui

221.

De nombreuses confusions ont eu lieu entre marbre, albâtre, calcédoine et agate. Pline l’ancien, Théophraste et Dioscoride nomment "onyx" l'albâtre.

222.

Boece de Boot, 1609, (1644), p. 633.

223.

Alberti, 1561, p. 54.

224.

Dolce, 1615, p. 33.

225.

« Ma la varietà degli ondeggiamenti proviene, o dal nascimento diverso delle pietre, o dal diverso modo di tagliarle », Imperato, 1672, p. 569.

226.

« Vicino al Finale con un miglio presso alla chiesa di Santo Antonio Varigotti […] un alabastro à onde bianche d'Avorio e leonato scuro », Scamozzi, 1615, p. 192.

227.

Scamozzi, 1615, p. 192.

228.

« Di bellezze macchie, e poi di saldezze e grandezze, de quali si sono fatte tavole », Scamozzi, 1615, p. 192. Vincenzo Scamozzi mentionne également la présence d'albâtre à Naples dans les carrières de Tramontan.

229.

« Dorare e fare imprimatura a tele o tavole per dipignervi sopra », Baldinucci, 1681, p. 7.

230.

Corsi, 1845, p.  130-131.

231.

Borghini, (dir.), 1992, p. 142.

232.

Entourage de Pierre Paul Rubens, La Conversion de Saul, huile sur albâtre, 27 cm x 37 cm, Milan, collection Giulini. Catalogue raisonné n° 674.

233.

Ces deux peintures ont été présentées lors de l’exposition milanaise -Milan,2000-2001, n° 29 et 42.

234.

Employée dès l’Antiquité, elle est délaissée au Moyen Age pour connaître un regain d'intérêt à partir de la Renaissance.