Le Lapis-Lazuli

Le lapis est une roche formée de différents minéraux, notamment de calcite. Sa couleur bleue varie en fonction du pourcentage de mica, de sodalite, de silicate, de pyrite 246 , de lazurite et de calcite 247 . Elle se présente habituellement en masses finement granuleuses. Son nom a souvent été utilisé comme synonyme de la lazurite.

Le lapis-lazuli, souvent confondu par les Anciens 248 avec la lazurite et le saphir, a longtemps été considéré comme une pierre précieuse. Appelé dans un premier temps saphir étoilé, puis Cianeo, il ne prend le nom de lapis-lazuli (du perse ladjevard, déformation de l'arabe Lazaouard, bleu et du latin lapis) qu'à partir du Moyen Âge, étant appelé, à partir du Ve siècle outremer 249 .

Pline l'ancien et Théophraste qui ont tous deux confondu lapis-lazuli et saphir, localisent différents gisements : le premier mentionne des mines chez les "Mèdes" c'est à dire chez un peuple nomade installé au IXe avant J.C. sur le plateau iranien, tandis que le second en signale en Inde 250 . Agostino del Riccio signale que l'on peut en extraire en Arménie. Anselme Boece de Boot rappelle que l'on peut également en trouver en Afrique en Asie et en Allemagne 251 . Les sites d'extractions les plus importants, connus dès l'Antiquité, sont ceux de Sar-i-Sang, en Afghanistan, des Monts de Chagai, au Pakistan, et de Pamir, au Tadjikistan 252 .

Apprécié pour ses nombreuses vertus mais surtout pour ses qualités esthétiques, Pline l'ancien signale qu’il « renferme parfois une poussière dorée» 253 .

Fréquemment utilisé en peinture pour faire du bleu outremer, il est également employé, selon Agostino del Riccio, pour la décoration, les mosaïques et ouvrages en pierres dures. A la fin du XVIe siècle, il devient un support idéal pour les peintres : ses tonalités variées de bleues, parsemées de taches blanches ou de veines dorées fournissent aux artistes un fond adéquat pour peindre des scènes nocturnes - représentation céleste qui entre en pleine corrélation avec les intérêts astronomiques et notamment avec les recherches galiléennes. Il correspond aussi au goût maniériste, à la préciosité et est, par conséquent, utilisé pour des sujets bibliques ou mythologiques vers 1580, selon le témoignage d’Alessandro Allori qui rappelle avoir reçu la somme de cent-vingt-six lires, le 29 octobre 1581, pour « une tête de Notre Seigneur et de la Vierge sur deux ovales de lapis lazuli » 254 . Les inventaires des familles aristocratiques italiennes et espagnoles font état d’une multitude de compositions peintes sur ce support. Parmi ces exemples, on peut citer l’œuvre attribuée à Cornelis Poelenburgh, artiste flamand présent à la cour de Cosme II de Médicis et qui choisit de se servir des dessins fournis par la roche, c'est à dire des veinures blanches pour représenter le mythe de Léto et les bergers 255 (fig. 15).

Notes
246.

En présence de pyrite, le lapis-lazuli comporte des taches dorées.

247.

La calcite fournit à la pierre des nervures blanches.

248.

Théophraste, Pline l'ancien, Albert le Grand confondaient saphir et lapis-lazuli. Ainsi, lorsqu'ils décrivent le saphir, il s'agit, en fait du lapis-lazuli. L'usage du mot "cyanus" pour mentionner le lapis-lazuli est impropre puisqu'il s'applique au cyanite.

249.

Selon Rudolf Ďud’a et Luboš Rejl la première personne à avoir utilisé le terme de lapis-lazuli serait Anselme de Boece. Ďud’a, Rudolf, Rejl, Luboš, Les Pierres précieuses, Paris, Gründ, 1999, p. 234.

Théophraste parle de Lapis cyanus. Théophraste, 315 avant J-C., (1754), p. 118

250.

Pline l’ancien, 1972, livre XXXVII, § 120 ; Théophraste, 315 avant J-C., (1754), p. 120.

251.

Boece de Boot, 1609, (1644), p. 350-351.

252.

Les mines de Sar-i-Sang, selon l'étude de Michele Casanova offrent trois types de lapis-lazuli, trouvés dans des blocs de marbre : le bleu indigo, le bleu clair et enfin le vert. Les mines de Chagai, sont situées au nord de cette ville, à Bi Bi Dick entre 2340 m et 2 460 m. Voir Tallo, Françoise, (dir.), Les pierres précieuses de l'Orient ancien des Sumeriens aux sassanides, catalogue d’ exposition, Paris, 1995 -

Sar-i-Sang produit un lapis-lazuli d'une très grande qualité. Il était exporté en grande quantité ; on trouve dès le VII millénaire des objets fabriqués avec ce lapis-lazuli.

253.

Pline l'ancien, Ier siècle, (1972), livre XXXVII, § 119.

254.

« Una testa di Nostro Signore e di Madonna in due ovali di lapis lazzari… », le 29 octobre 1581, dans, Supino, Igino Benvenuto I Ricordi di Alessandro Allori, Florence, Tipografia Barbera, 1908, p. 16.

255.

Cornelis van Poelenburgh, attribué à, Léto transforme les bergers en grenouille, 23 cm X 33 cm, Florence, Istitudo di Studi Etruschi, inventaire 1930. Catalogue raisonné n° 642.