Le porphyre

Les porphyres sont des roches cristallines qui présentent des cristaux de feldspath noyés dans une pâte finement grenue 273 , dont les teintes peuvent varier du brun rouge au bleu violâtre, rougeâtre ou encore verdâtre. Les anciens donnaient ce nom - porphura, pourpre - à une roche d'un rouge foncé parsemé de taches blanches 274 . Les artistes l’élargirent alors à toutes les pierres comportant des taches blanches se détachant du fond.

Les Anciens en firent une grande utilisation. Cependant l'extraction est abandonnée au Ve siècle et le travail du porphyre, notamment la sculpture, est délaissé. Ceci explique que l'on ne trouve que peu de documents relatifs à cette pierre aux XVIe et XVIIe siècles. Giorgio Vasari - commence ses considérations par ce matériau - indique d'ailleurs que « les carrières ne sont plus connues aujourd'hui » et que l'on utilise, par conséquent des « vestiges antiques » 275 . Entre le Ve et le XVIe siècle, la façon de travailler cette pierre est tombée en désuétude et il faut attendre l'époque de Giorgio Vasari, si l'on en croit ses écrits, « pour retrouver cette technique ».

Hormis ces aspects symboliques 276 , le porphyre était apprécié, selon Agostino del Riccio et Anselme Boece de Boot, pour sa splendeur et sa dureté 277 . Tous deux soulignent son caractère « éternel ». Agostino del Riccio indique divers types de porphyre : le porphyre rouge, le porphyre blanc, correspondant en fait au porphyre noir égyptien - fond noir comportant des cristaux blancs - et enfin le porphyre bâtard, qui coïncide avec le porphyre vert égyptien, de couleur vert sombre, parsemé de taches blanches. Mis à part ces témoignages, Ferrante Imperato reprend les constatations d’Anselme Boece de Boot et Agostino del Riccio et Vincenzo Scamozzi. Tous évoquent un porphyre à la « Maremma di Sienna », localisation qui semble peu probable puisque la plupart des porphyres se trouvaient en Égypte ou en Grèce.

Selon Filarete, « l'on dit que les porphyres rouges viennent d'Égypte et que les verts viennent de plus loin » 278 . Les gisements de porphyre se trouvaient à Gebel Dokham sur le mont porphyrites 279 . De ce lieu, les pierres étaient acheminées à Koptos par le Nil puis transportées jusqu'à Alexandrie 280 .

Raniero Gnoli souligne la diversité des porphyres comme le porphyre vert de Grèce ou serpentin, trouvé à Krokreai, les porphyres noir graphique, (fond noir parsemé de cristaux blancs de petites dimensions, allongés), rouge brique, (fond rouge tacheté de blanc et de noir), ou le porphyre vert olive, (fond vert foncé comportant de très larges cristaux), tous localisés en Égypte à Gebel Dokhan. Il fait également état d'un porphyre noir serpentin extrait dans le désert égyptien à Uadi Umm Touat et des porphyres Vitelli - vert mer - et serpentin vert Prato - vert pointillé de blancs et de noirs - dont la localisation est inconnue.

Selon Giorgio Vasari et Giovanni Battista Marino, le porphyre qui jouit d’un grand prestige, est employé comme support pour la peinture. Le premier mentionne que « par la suite ils ont essayé des pierres plus fines : brèches de marbre, serpentines, porphyres et autres pierres lisses » 281 . Le second, écrit un sonnet sur un Ecce Homo, aujourd'hui disparu, de Palma le jeune exposé alors dans la maison de Bartolomeo della Nave, dans lequel il joue sur le sens des mots perfide et porphyre et compare la dureté du cœur du bourreau avec celle de la pierre 282 :

« Seul le porphyre

lorsque chaque pierre par pitié se brise

pouvait l'âpre dureté

soutenir de son faible facteur, dans la couleur la douleur

et toi, qui as tant de supplice, tant de douleur

sans montrer de signes de vraies douleurs

encore tu n'attends pas l'obstinée volonté

perfide pêcheur tu as bien le cœur de porphyre » 283 .

L'inventaire de Marcantonio IV Colonna, dressé en 1611, fait également état d'un « tableau en porphyre avec sainte Cécile et au dessus deux anges » 284 . En 1634, la collection d’Amedeo dal Pozzo comporte « une très belle tête de la main de Polidoro da Caravaggio sur un porphyre, en tondo d’une palme de diamètre avec le cadre doré » 285 .

Exceptés ces témoignages, nous ne connaissons que deux exemples de peintures sur porphyre, il s’agit de deux portraits, l’un représentant Benvenuto Cellini et l’autre Ferdinand I de Médicis enfant, exécutés par un artiste florentin non identifié (fig. 17 et 18) 286 . Ces deux œuvres traduisent la prédilection de Cosme I pour le porphyre qui par ces nombreux symboles s’accorde avec la politique d’affirmation des Médicis en tant que dynastie.

Notes
273.

Pough, 1979, p. 25.

274.

« À la même Egypte appartient le porphyre rouge [..] ces carrières permettent de tailler des blocs aussi gros que l'on désire », Pline l'ancien, Ier siècle, (1981), livre XXXVI, p. 68.

275.

Vasari, 1550, (1989), vol. 1, p. 73-75.

276.

Raniero Gnoli a démontré que la couleur pourpre du porphyre était assimilée aux attributs impériaux, devenant, par conséquent symbole impérial.

277.

Cause, dans un même temps de son abandon ?

278.

Averlino, après 1485, (1972), p. 76.

279.

Gnoli, 1972, p. 128-144.

280.

Voir les commentaires de Brown, 1960, p 102.

281.

Vasari, (1550), 1989, p. 178.

282.

Pour une explication de la poésie et une étude plus complète du porphyre voir : Malgouyres, Philippe, Blanc-Riehl, Clément, Porphyre : la pierre pourpre des Ptolémées aux Bonaparte, catalogue d’exposition, Paris, 2003.

283.

« Ben del porfido solo / quando ogni fasso per pieta si spezza, / potea l'aspra durezza / Sostener del suo languido fattore, nel colore il dolore./ E tu, ch'à tanto stotratio, à tanto duolo, / Senza segno mostrar di vera doglia, / Ancor non spetti l'ostimata voglia, / Perfido peccatore, / Hai di porfido il core »,  Marino, 1620 (1664), p. 50.

284.

« Quadretto in porfido con Santa Cecilia e sopra due angeli con suo ferretto e catina ross e cornice d'ebano di p. 1 », publié par Safarik,Eduard A., Inventari Italiani 2. Collezione dipinti Colonna. Inventari 1611-1795, Munich/New-Providence/Londres/Paris, 1996, p. 9.

285.

« Una testa bellissima di mano di Polidoro da Caravaggio sopra un porfido, in tondo largo di

diametro un palmo con Cornice dorata », Archivio di Stato di Biela, Archivio Dal Pozzo della Cisterna, serie II, mazzo 16, Inventario della casa della Cisterna, 20 juillet 1634, publié dans catalogue d’exposition, 2001, p 50.

286.

École florentine, Portrait de Benvenuto Cellini, huile sur porphyre, 0,81 cm x 0,83 cm, Ecouen, Musée de la Renaissance, inventaire 12 877 / Portrait de Ferdinand I de Médicis, huile sur porphyre, localisation inconnue. Catalogue raisonné, n° 131 et 205.