Ne jugeant ni souhaitable ni nécessaire de s’immiscer dans la sphère privée ou domestique des personnes, les chercheurs, les hommes politiques ont longtemps ignoré la situation des aidants informels et, par là même, celle des familles des Alzheimériens. Or, les médecins de famille et les professionnels des services de soins à domicile ont toujours été conscients des troubles générés par ces pathologies au sein de la famille. Il faudra attendre le début des années mille neuf cent quatre vingt pour voir les premiers travaux de recherche sur la charge que subissent les aidants informels. En France, ce sont les questions de minimum vieillesse qui occupent le devant de la scène et la maladie d'Alzheimer et ses conséquences pour les familles sont alors ignorés par l’opinion publique. On ne parle d’ailleurs pas encore de maladie d'Alzheimer, sauf dans les milieux gériatriques. Les personnes âgées présentant des troubles cognitifs sont étiquetées et réparties entre pré-démentes et démentes séniles. À cette époque, elles font d’ailleurs généralement l’objet de peu de considération. Aucun lieu de soins spécifique ne leur est dévolu et lorsqu’elles présentent des troubles du comportement ingérables au domicile, soit elles sont hospitalisées dans les services de psychiatrie, soit elles se retrouvent hébergées dans des services particuliers de maisons de retraite. Le concept de Cantou développé par G. Caussanel (2002) 12 était une tentative de réponse à ce problème. Toutefois, à la même période, les services de psychiatrie ont commencé à refuser l’hébergement au long cours de ces patients car si l’état de confusion mentale de ces patients justifiait leur admission, une fois l’épisode d’agitation jugulé, leur pathologie de fond, elle, ne légitimait pas un maintien en psychiatrie. La maladie d'Alzheimer est alors devenue une affection médicale et non psychiatrique donc l’affaire des gériatres et des services de médecine.
Caussanel, G., « Le Cantou : un espace familial près de chez soi », 2002.