1.2. L’impact familial de la maladie d'Alzheimer réduit à une histoire de couple.

Les médecins gériatres et autres chercheurs se sont focalisés sur le couple aidant - Alzheimérien et l’idée dominante, encore actuellement, affirme que c’est au sein de ce couple que doivent se trouver et se bâtir les réponses aux problèmes de dépendance et de comportement de la personne âgée. Ainsi toute la littérature sur l’aide aux aidants et les programmes de soutien aux aidants que nous pouvons lire depuis une dizaine d’années, défendent l’idée, sans généralement oser l’avouer, qu’en épaulant l’aidant il serait possible d’éviter que la maladie d'Alzheimer ait des répercussions sur l’ensemble des membres d’un groupe familial. Nous reviendrons sur cette idée mais, d’ores et déjà, nous pouvons dire qu’elle induit le même type d’erreur logique que celui dans lequel nous sommes enfermés quand nous tentons de relier par quatre droites neuf points répartis selon un carré fait de trois lignes de trois points.

Ainsi, depuis plusieurs années, en dehors de l’impact sur les neurones de l’Alzheimérien, tout un chacun fait mine de croire que l’impact familial de la maladie d'Alzheimer se limite à la désignation d’aidants de divers acabits. Selon la littérature, il est question des aidants naturels, des aidants informels, des aidants professionnels ou encore des aidants familiaux.

Les aidants informels sont mal connus puisque par définition leur aide est non formalisée. Il n’en demeure pas moins qu’ils existent vraiment et nous pensons que ce sont eux les aidants naturels puisqu’ils apportent naturellement leur aide à la personne âgée (Darnaud, T., 2004) 15 .

Les aidants naturels sont en général des aidants familiaux et sont désignés comme tels par les professionnels. Non contents de les désigner, les professionnels les ont aussi repérés comme une population à risque du point de vue de leur santé physique et mentale (Novella, J-L., et al, 2001 16 , Thomas, P., et al, 2002 17 , Von Känel, R., et al, 2002 18 ).

L’inévitable prise de conscience, par les pouvoirs publics, du rôle et de la fonction des aidants naturels est donc le fruit d’un travail de recherche et de communication mené essentiellement par les gériatres. Quand vous savez que le maintien à domicile d’un Alzheimérien est lié à la capacité d’un aidant à faire face et que vous savez que ces derniers souffrent plus que la moyenne des personnes de leur âge de dépression, de troubles de la cicatrisation et d’une baisse de leurs défenses immunitaires (Medjahed, S, et al., 2001) 19 , il est logique de vous préoccuper de leur santé. Cette préoccupation semble d’autant plus logique que le médecin du patient est souvent celui de l’aidant. De plus, sachant qu’une hospitalisation n’est jamais une bonne réponse pour ces patients et que l’orientation vers une maison de retraite est toujours un choix difficile et douloureux, il semble logique d’accompagner l’aménagement du lieu de vie du couple afin de permettre un maintien à domicile le plus long possible.

D’ailleurs, notre expérience au sein d’un service de court séjour gériatrique confirme que le retour à domicile d’un Alzheimérien, suite à une hospitalisation souvent utilisée comme réponse aux limites de son maintien à domicile par le médecin de famille, dépend directement de la capacité de son contexte à l’accueillir à nouveau.

Notes
15.

Darnaud, T., « L’aide aux aidants : une intervention forcément éthique », 2004.

16.

Novella, J-L., et al., « Prévenir le syndrome d’épuisement de l’aidant du sujet âgé dépendant pour un meilleur maintien à domicile », 2001.

17.

Thomas, P., et al., « Proximologie : premières études. Les aidants informels prenant en charge des déments à domicile », 2002.

18.

Von Känel, R,. et al., « Les stress psychologique augmente l’hypercoagulabilité des personnes âgées ayant une maladie cardiovasculaire », 2002.

19.

Medjahed, S., « Rôles du médecin de famille vis-à-vis des aidants familiaux des malades âgés déments », 2001.