2.3.1. Démence et blessure narcissique.

Même donc s’il ne faut pas perdre de vue qu’il y a lieu de resituer son propos dans le contexte des connaissances que nous avions de la maladie il y a trente ans, il est intéressant de noter que J. Bergeret (1975) 31 , dans sa modélisation de la « dépression-limite », écrivait que les décompensations tardives du sujet peuvent provoquer « (…) un ébranlement narcissique tel que la récupération d’un nouvel objet anaclitique est impossible. ». Il pensait la démence comme étant une dernière issue possible au sujet âgé donnant son plein sens au terme d’état limite, fût-il aménagé.

C. Balier (1979) 32 place aussi le concept de narcissisme au cœur de sa conception de la démence sénile. Il préconise d’aller chercher les explications de l’expression démentielle au niveau d’atteintes narcissiques au cours du processus de vieillissement.

Ainsi, pour ces auteurs, le processus déficitaire aurait une fonction défensive et ne serait pas la conséquence de lésions cérébrales. Si nous ne serions pas aussi affirmatifs que ces auteurs leur modélisation, dans la métapsychologie freudienne, nous aide à comprendre toute la difficulté du diagnostic différentiel quand les premiers signes d’atteintes du fonctionnement mnésique sont ceux d’un tableau dépressif, ce qui est fréquent. Atteinte mnésique et dépression entraînent un désinvestissement de la libido narcissique de tout ou partie du fonctionnement du moi, notamment celui mettant en jeu des capacités d’adaptation à la vie quotidienne en rapport avec les fonctions intellectuelles. Nous pouvons donc nous demander si la dépression est secondaire à la démence en raison de perturbations biologiques secondaires aux lésions cérébrales ou en raison de réactions psychologiques aux blessures narcissiques qui ne peuvent que générer du stress et de l’angoisse. Ceux-ci entraînent une modification des concentrations des neuromédiateurs dans l’encéphale à tel point qu’une réelle souffrance neurologique peut exister.

Notes
31.

Bergeret, J., « La dépression et les états-limites », 1975.

32.

Balier, C., « Pour une théorie narcissique du vieillissement », 1979.