Les psychanalystes ne sont pas les seuls à s’être intéressés aux processus démentiels, des professionnels d’inspiration systémique se sont aussi penchés sur la question. Farouchement opposé aux organicistes, J. Maisondieu (1989) 37 , dans une première modélisation, décrit la démence comme une réponse défensive psychosociale à une triple démarche destructive : individuelle, familiale et sociale . « Exclure sans rejeter et rejeter sans exclure, s’exclure sans se tuer et se tuer socialement pour ne pas mourir sont les demi-mesures auxquelles sont conduits ceux (membres de l’entourage et parents) qui sont incapables d’admettre la défaite complète devant la mort. ».
Si tous les acteurs du champ gérontologique sont aujourd’hui d’accord pour dire que la démence est un processus morbide, un processus de « thanatose », réduire celle-ci à ce seul processus ouvre en grand la porte à l’attitude défectologique décrite par J. Gaucher (1996) 38 , ce qui obère singulièrement la marge de manœuvre du professionnel.
Aujourd’hui, J. Maisondieu (2003) 39 avance l’hypothèse de l’inscription du processus démentiel dans un jeu de miroir dans lesquels l’entourage du patient et plus largement la société interdit à celui-ci de pouvoir se voir. S’appuyant sur le mythe d’Eos et de Tithon, il démontre combien dans une société qui prône le jeunisme, la personne âgée qui souffre d’une hypomnésie ne peut plus être considérée en regard de la part de déchéance que véhicule son image. Ainsi, au niveau relationnel, ne croisant plus le regard de ses congénères, elle ne peut plus se voir. Ne pouvant se reconnaître dans le nécessaire miroir social, elle se perd donc à ses propres yeux ce qui majore encore, si cela est nécessaire, sa perte aux yeux des autres. N’étant plus elle-même, elle n’est plus alors considérée comme sujet pensant et ce souvent même par les membres de sa propre famille.
Maisondieu, J., « Le crépuscule de la raison », 1989.
Gaucher, J., « Quelques réflexions sur la psychodynamique de la vieillesse », 1996.
Maisondieu, J., « La vieillesse n’est pas une maladie honteuse », 2003.