2.3.6.1. De l’Alzheimérien à la maladie d'Alzheimer symptôme.

L’approche systémique, en posant qu’il n’y a pas toujours une maladie derrière un comportement visiblement perturbé, crée une rupture épistémologique capable de modifier radicalement nos façons d’aborder la souffrance humaine. Dans cette perspective, la causalité est circulaire, chaque événement produit une boucle de rétroaction. Tout effet rétroagit par un mécanisme de feed-back sur la cause qui, à son tour, rétroagit et ainsi de suite donc leur chronologie n’est plus repérable (Watzlawick, P., 1972) 41 . Dans cette logique, l’individu qui présente des symptômes n’est pas nécessairement le « malade » ; il est aussi (et peut-être seulement) reconnu comme tel. Porteur unique de comportements (appelés par certains une pathologie) à la fois réponse aux attentes de la famille et à la fois provocation, puisque c’est bien un comportement qui a réveillé les angoisses des autres membres de la famille.

Si le symptôme focalise généralement l’attention sur un individu qui devient le « patient désigné » puisque tel est effectivement le cas par sa propre famille, Y. Colas (1986) 42 nous rappelle que dans une lecture systémique l’émergence d’un symptôme est un signal et il précise : « Ce signal, s’il se maintient, témoigne de l’installation d’un nouvel équilibre dans les échanges intrafamiliaux. Nouvel équilibre rendu nécessaire par un changement de statut relationnel à l’intérieur de l’ensemble du groupe.

En cela, le symptôme est une manifestation d’adaptation de l’ensemble et comme tel, il doit être respecté, parce que nécessaire au fonctionnement de cet ensemble. »

Dire cela ne revient pas à nier l’existence des désordres organiques observés mais ne fait pas de ceux-ci la bonne et justificatrice cause de l’effet : troubles de la mémoire. Sa proposition permet aussi d’échapper au piège de la réification du sujet à son encéphale atrophié. En plaçant la question de la maladie d'Alzheimer au niveau familial, le symptôme hypomnésie prend alors une dimension tout autre et n’occupe plus le devant de la scène. Quittant le passé et les chaînes causales explicatifs, l’approche systémique interroge l’ici et maintenant. De plus, la question d’un déterminisme chronologique ou causal n’a de prise ni sur le traumatisme que vit la famille quand la maladie émerge, ni sur le processus pathologique que vit le dément, même si ce dernier est dépisté et étiqueté !

Notes
41.

Watzlawick, P., et al., « Une logique de la communication », 1972.

42.

Colas, Y., « Pour un abord systémique des démences », 1986.