3.1.3.2. La protection juridique des biens et de la personne.

La tutelle est un système de représentation où le majeur sous tutelle est assimilé à un mineur et il existe deux types de tutelle en France. Une tutelle à la personne et une tutelle aux biens.

Si la tutelle aux biens, la plus usitée, permet effectivement de régler les dépenses nécessaires à la personne pour pourvoir à ses besoins, elle n’octroie pas la possibilité au tuteur de soumettre les enfants à l’obligation alimentaire en cas d’institutionnalisation et d’ailleurs elle ne permet pas au tuteur de faire le choix d’un placement en maison de retraite. Face à ce paradoxe, la pratique courante est de permettre au tuteur le règlement des frais de séjour en institution à partir du patrimoine de la personne âgée mais alors les enfants opposés à ce choix pourront faire valoir leur point de vue lors de la transmission de l’héritage. Si les biens de la personne âgée sont insuffisants, tuteur ou non, nous nous retrouvons dans la même impasse.

Le Code Civil prévoit que seules la tutelle avec conseil de famille (art. 417 du Code Civil) et la tutelle d’état (décret du 6/11/1974) permettent de désigner un tuteur à la personne et un tuteur aux biens, généralement en les dissociant. Le conseil de famille (art 449 du Code Civil) et, en cas de recours, le tribunal de grande instance ont qualité pour déterminer le lieu où la personne doit demeurer.

Devant leur lourdeur juridique, ces deux types de tutelles restent d’emploi exceptionnel en ce qui concerne les personnes âgées.

La tutelle aux biens qui est la mesure classiquement prise ne permet donc pas de faire le choix d’un placement en maison de retraite contre l’avis de la personne âgée pourtant réputée démente ! Le pouvoir donné au tuteur se limite seulement au plan du « droit ». En ce qui concerne le « fait », personne ne peut agir à la place de la personne âgée dont on doit obtenir le consentement. Que ce soit pour la soigner ou pour décider de son lieu de résidence. Un tiers ne peut donc pas décider pour elle (Mias, L., 2005) 50 . Paradoxal puisqu’on la sait médicalement inapte à porter un jugement « sain » et qu’elle est généralement doctement étiquetée anosognosique…

Cette distinction, en ce qui concerne les personnes âgées, entre la gestion du patrimoine et celle de la personne, non contente, d’être absurde conduit à une impasse juridique. Or, ce sont les plus démunies sur le plan patrimonial qui sont aussi, le plus souvent, les plus démunies d’un point de vue social et familial et, en cas de discorde familiale ou d’obstination d’un enfant unique, elles se retrouvent contraintes à rester chez elles dans des situations où la maltraitance, par manque de soins, est évidente. Mais alors, dénoncer une maltraitance par carence n’est pas forcément possible et notre expérience nous a appris que les résultats obtenus sont rarement ceux espérés…

Notes
50.

Mias, L., « La protection de la personne », 2005.