4.2. La première mission de l’aidant.

Face au risque de crise, une relation de dépendance se noue entre l’aidant et l’Alzheimérien, que celui-ci soit informel ou naturel peu importe. L’aidant qui connaît l’alchimie secrète de la famille, endosse son rôle pour de multiples raisons et il nous semble qu’il est toujours préférable de les respecter à défaut de pouvoir les ignorer ; expliciter les motivations de l’aidant est certes presque toujours intellectuellement satisfaisant mais, à coup sûr, concrètement stérile… I. Simeone nous conforte dans cette analyse en décrivant la prudence dont doit faire preuve l’intervenant face à un couple âgé. Alors que les rôles se répartissent naturellement entre un malade qui propose implicitement à son conjoint ou à son enfant de devenir soignant, les enjeux de tels couples sont très forts et l’intervention d’un soignant professionnel n’est pas forcément souhaitée bien que demandée. Il écrit (Simeone, I., 1986) 63  : « Ce fait assez banal dans notre routine gériatrique de soins à domicile, mérite la plus grande attention de notre part, de même qu’une grande précaution est indispensable dans l’approche soignante. Car, notre seule présence auprès des deux conjoints qui vivent ensemble depuis 50 ans et qui ont tissé toute une trame de défenses individuelles et communes entre eux et autour de la maladie, va changer obligatoirement l’ordre des choses qui s’étaient décantées. Alors il ne faut pas commettre l’erreur d’exclure le conjoint-soignant de nos mesures thérapeutiques et de toute autre concertation de soins. Nos efforts pourront être farouchement contrecarrés, voire même annulés, par le thérapeute proche.

Et si nous sortons victorieux de ce « bras de fer à qui soigne qui », en faisant valoir notre raison médicale, le conjoint-soignant peut sombrer dans un état dépressif, car il a été dépossédé du seul rôle qu’il lui restait ; ou de la seule activité utile, voire déculpabilisante, aux yeux de l’autre. »

Cette désignation d’un aidant naturel, que ce soit celle d’un conjoint ou d’un enfant, si elle est opérante dans un premier temps, ne résiste presque jamais à l’évolution des troubles du comportement d’une personne âgée atteinte d’une maladie d’Alzheimer. Face à l’augmentation de la charge de sa tâche, l’appel aux aidants professionnels se fait tôt ou tard inévitable. Ne pouvant répondre à tous les problèmes ou à toutes les demandes de l’Alzheimérien qui se font jour, l’aidant est alors contraint de faire appel à des professionnels. Que la demande d’aide soit le fait de l’aidant naturel ou celui d’un autre membre de la famille celle-ci n’a pour objet que d’éviter une nouvelle crise familiale qui se dessine. Nous pouvons ainsi résumer la prochaine crise qui se profile à l’horizon de la famille : si l’aidant ne suffit plus à apporter l’aide quel membre de la famille va devoir venir en soutien ?

Mais avant de poursuivre, il nous semble important de comprendre ce qui se joue lors du passage de l’aide informelle à l’aide naturelle. Comme nous l’avons déjà dit, ce passage est le fait de la rencontre avec un professionnel.

Notes
63.

Simeone, I., « Le couple âgé et le vieillissement », 1986.