4.3. La crise familiale. Une utopie ?

Nous pensons avec M. Andolfi 1988 69 qu’il n’y a pas de famille mais des personnes appartenant à des familles qui vivent des périodes de tumulte. Ces crises individuelles viennent, sous l’effet d’éléments particuliers, cause ou raison de fonctionnements familiaux chaotiques où chacun est engagé ou impliqué. Les membres de la familles ont alors tendance à agir à l’emporte pièce car ils pensent devoir résoudre rapidement le problème auxquels le patient les confronte. Alors qu’il n’y a presque jamais de danger physique imminent pour la personne âgée, ce qui constituerait effectivement une situation d’urgence, les membres de la famille se comportent comme si l’urgence était là. Cette impression d’urgence, puisqu’il n’y en a pas, qu’ils arrivent parfois à faire ressentir aux professionnels permet de masquer, aux yeux de tous les protagonistes, la possible restructuration d’une vie entière ou de plusieurs qui se joue pourtant effectivement dans ces moments-là et qui, elle, nécessite qu’un temps de réflexion soit pris.

S’intéressant à la question de la crise familiale, F. Meylan (1982) 70 s’interroge sur l’existence de crises synchrones au sein des familles. Elle écrit : « En référence au modèle de la crise, on peut penser que la crise du grand âge chez le parent âgé entre en résonance avec les crises singulières des deux générations plus jeunes, déterminant de ce fait une situation d’inter-crise familiale (on pourrait compliquer ce schéma en introduisant une quatrième génération). ».

Cette réflexion fait explicitement suite aux travaux du psychanalyste E. Jaques qui décrit le questionnement de celui qui se trouve entre deux générations, ce qui est souvent le cas de l’aidant naturel. En effet, il est fréquent de rencontrer des situations où l’aidant naturel se trouve traverser une période de sa vie, définie comme une crise, au moment où la crise que vit son aîné l’interpelle. Il va y avoir alors un possible écho entre la crise du milieu de vie ou la crise de la mise à la retraite qu’il éprouve et la crise du déclin que vit son aîné et cet état de fait le confronte dangereusement à la question de la mort. De plus, il n’est pas rare que ses propres enfants soient aux prises avec d’autres crises telles que donner la vie ou la crise d’adolescence par exemple.

Nous reviendrons sur cette notion au chapitre 7 et nous verrons alors la nécessaire distinction qu’il y a lieu de faire entre crise existentielle crise mutation et période critique.

Notes
69.

Andolfi, M., « familles en crise et crise du modèle », 1988.

70.

Meylan, F., « Parent âgé / enfance perdue », 1982.