4.5.4. Un exemple d’homéostasie.

Le concept d’homéostasie est classiquement défini comme le maintien d’un équilibre entre deux limites et nous proposons, pour l’éclairer, de réfléchir à ce qui se joue quotidiennement au sein de la majorité des familles nucléaires françaises vers vingt heures trente. Classiquement c’est l’heure à laquelle les enfants vont se coucher. Or, dans toutes les familles qui disent que c’est ainsi chez eux, cela est faux. En effet, les enfants ne se couchent pas à vingt heures trente précises mais entre vingt heures et vingt et une heures. Plus l’heure fatidique approche et plus les enfants élaborent des stratégies pour ne pas aller se coucher. Les envies de pipi, de verre d’eau et de bisous sont alors d’une telle impériosité qu’elles ne peuvent qu’être assouvies. Et pourtant plus on approche de vingt et une heures et plus le ton de la voix de la mère, puis ses propos, trahissent de l’exaspération et le système familial connaît alors une période de crise qui se résout généralement par une injonction ferme. Certaines fois, malgré des propos sévères cela ne suffit pas et il n’est pas alors rare que le père soit convoqué pour faire preuve d’autorité ce qui se solde parfois par une petite fessée. Ainsi, tous les soirs à partir vingt heures un quart, dans notre exemple, les membres de la famille jouent un jeu aux règles bien définies qui va permettre à la famille nucléaire de passer à deux sous-systèmes celui des enfants qui dorment et celui du couple parental. Une fois les enfants couchés, les parents peuvent alors aborder des sujets de discussion qui ne regardent pas les enfants. Cette règle du coucher est donc homéostatique puisqu’elle se joue tous les soirs jusqu’au jour où un événement adjacent va la faire évoluer. À la faveur de la présence d’un autre couple d’amis, un samedi soir par exemple, alors que le jeu traditionnel commence à se jouer, généralement avec plus d’intensité, ceux-ci peuvent infléchir les parents en indiquant que leurs enfants au même âge pouvaient se coucher plus tard le samedi soir. Si les parents acceptent cet argument, les enfants ont l’impression d’avoir gagné mais en fait une autre règle s’instaure immédiatement qui sera peut être celle de vingt deux heures le samedi soir…

L’épistémologie systémique qualifie de rétroactions positives les actions qui permettent de tirer un système à l’écart de son équilibre et de négatives celles qui permettent le retour à l’équilibre antérieur. Cette théorie, issue donc de la première cybernétique, présente l’inconvénient d’induire des lectures qui ne pourront se traduire qu’en terme de stabilité.