5.1.3. La question de l’aidant.

En regard de ce que nous avons pu déjà dire sur la complexité qui est celle de la définition de la composition d’une famille, il n’est donc pas possible d’interroger les familles. Sachant que toute tentative pour définir l’ensemble de personnes composant la famille d’une personne âgée, afin de pouvoir l’interroger, aurait eu des conséquences certaines sur les réponses que nous aurions obtenues, nous ne nous sommes pas, non plus, engagé sur cette voie.

En revanche, l’aidant, qu’il soit informel ou naturel, nous est apparu comme étant le personnage non seulement incontournable mais désigné par le système familial pour être notre interlocuteur privilégié. En référence à ce que nous avons dit sur la notion de sous-système centralisateur, nous pensions que sa place au sein du sous-système, qu’il forme avec la personne âgée, lui conférait, lors des rencontres avec les professionnels, la possibilité de parler assez librement. Certain du fait ou rassuré sur le fait que ces propos resteraient tus, nous pensions que les aidants nous parleraient librement des différents types de relations qui lient la personne âgée avec les autres membres de la famille et, bien sûr, lui-même.

Notre hypothèse se vérifiera à double titre.

D’une part, dans la majorité des cas, les aidants répondront à nos questions sur la question des liens intrafamiliaux sans aucune réticence. Un grand nombre d’entre eux nous relateront d’ailleurs des faits assez intimes de l’histoire familiale, douloureux ou non, au moment où nous abordions ce sujet.

D’autre part, nous avons rencontré trois cas qui ont confirmé la pertinence de cette notion de sous-système centralisateur. Une fois ce sera avec un conjoint d’une malade et les deux autres fois avec des enfants. Alors que nous avions commencé l’entretien depuis une dizaine de minutes, ceux que nous croyions être les aidants principaux, puisque désignés comme tels par le fait qu’ils apportaient effectivement l’aide matérielle à la personne âgée, nous ont dit qu’ils n’étaient pas les bons interlocuteurs pour répondre à nos questions. Ils nous ont alors expliqué qu’aucune décision importante ne pouvait être prise sans l’avis d’un autre enfant, ce jour absent, et que répondre en son absence était un fait qui les mettait mal à l’aise. Nous avons alors systématiquement arrêté le questionnaire pour fixer un second rendez-vous au cours duquel nous avons rempli le questionnaire. Ces trois seconds rendez-vous qui réunissaient l’absent (aidant décisionnaire) et le l’aidant naturel (donneur de soins) ont été d’une grande richesse. Ils nous ont toujours permis d’obtenir les réponses mais ils ont surtout été, à chaque fois, des moments d’échange d’une grande richesse entre les aidants dits naturels, les aidants décisionnaires, les personnes âgées et nous-même.

Ces situations ont aussi eu le mérite de confirmer nos hypothèses théoriques quant à la notion d’aidant. Ce questionnaire a donc permis aux aidants de répondre aux différents niveaux que sont ceux de l’aide matérielle et de la prise de décisions. Nous souhaitions aussi pouvoir appréhender le type de relations qui existent entre les membres de la famille mais aussi le sentiment de l’aidant naturel quant à la légitimité de sa tâche et bien sûr l’impression de fardeau qu’il pouvait ressentir.

Notre but n’étant pas de tenter de définir une quelconque carte relationnelle des familles mais de savoir s’il existe ou non des liens privilégiés ou conflictuels au sein des familles. Dans un souci de précision intellectuelle, nous avons bâti le questionnaire en distinguant la qualité des personnes liées par un lien privilégié ou conflictuel au sein de la famille. L’analyse confirmera notre sentiment initial. Peu importe la qualité des protagonistes, c’est l’existence ou non d’une relation privilégiée entre la personne âgée et un autre membre de la famille ou l’aidant et un autre membre de la famille qui a de l’importance. Nous reviendrons plus en détail sur ce point dans la partie réservée à l’analyse des résultats.