6.2.2.6. L’aidant est-il tiraillé entre l’aide qu’il doit apporter à l’Alzheimérien et celle qu’il doit aussi apporter à un autre membre de sa famille ?

Bien que cette question nous ait semblé très importante, elle s’avérera n’avoir que peu de poids en tant que facteur discriminant permettant la répartition en clusters lors de l’analyse statistique de l’étude (annexe 7).

Toutefois, nous préciserons que 37.93 % des aidants interrogés diront être tiraillés entre venir en aide à leur aîné et à un autre membre de la famille. De plus, quand cet autre membre de la famille est un jeune enfant, le choix de l’aidant est toujours allé en faveur de ce dernier.

Si cette question n’a donc pas été retenue au niveau de l’analyse statistique, nous pensons qu’elle devrait être systématiquement posée par les médecins gériatres et autres professionnels du champ de la gériatrie en prise avec la problématique des aidants familiaux. En accord avec l’éclairage apporté par le concept de famille nucléaire (chap. 3.1.2.), un père ou une mère d’un enfant ayant un problème nécessitant une attention particulière ne peut que très difficilement assurer un rôle d’aidant auprès d’un aîné. Ainsi, quand un membre d’une famille accompagne un parent dans le cadre d’une plainte mnésique, son implication dans un rôle d’aidant à un autre niveau familial devrait être systématiquement interrogée.

Ne pouvant ni se démultiplier, ni répondre facilement au choix cornélien qui est alors le sien, nous pensons que l’aidant ne vient alors pas demander de l’aide mais la possibilité de déposer un fardeau qu’il n’a pas encore totalement endossé.

Sensibilisé à ce type de problématique, nous avons pu vérifier le terrible piège de la logique qui se referme alors presque systématiquement sur l’aidant informel. Très peu d’aidants informels présentent les deux demandes d’aide de façon indépendante. Sans qu’ils en aient conscience, dans un phénomène de concaténation, ils font généralement de la crise de l’aîné la majeure du syllogisme qui leur permet de présenter la crise familiale comme étant la résultante de la celle-ci. Dans une logique causale linéaire qui est toujours celle alors convoquée par les aidants, résoudre la problématique de la personne âgée solutionnerait la crise familiale et il n’en faut pas plus pour que nombre de professionnels se fourvoient ! Le terrible piège de la logique se referme alors sur l’aidant informel devenu naturel mais ce pour deux membres de sa famille et il ne pourra se départir d’une de ses missions que dans une nouvelle crise d’expression plus violente qui peut malheureusement être celle de son effondrement physique ou psychique voire les deux.

En regard de cet éclairage, la question d’une nécessaire aide à un enfant de la part de l’aidant informel nous semble être incontournable et devrait, en cas de réponse favorable, permettre aux professionnels de ne pas faire l’erreur d’encourager des aidants à endosser des missions qu’ils ne peuvent assumer.

À ce niveau, nous ne voudrions pas oublier de signaler que certains jeunes grands-parents appartenant à la « génération sandwich » sont les réels éducateurs de leurs petits-enfants. À ce titre, à nos yeux, ils sont membres à part entière de la famille nucléaire de l’enfant même si ce dernier est entouré de ses deux parents biologiques. Accompagnant au quotidien un petit enfant, ils sont pris dans les mêmes logiques que celles que nous venons de décrire et courent donc les mêmes risquent d’épuisement si ce n’est plus.