7.1.1.3. La prise de conscience de l’importance de l’aide.

Nous soutenons l’idée que la maladie d'Alzheimer est un fait inacceptable (cf. 2.3.6.3.) pour les familles. Mais, au-delà de son caractère inacceptable, notre expérience nous a appris que, pour un petit nombre d’enfants ou de conjoints, le phénomène, le traumatisme décrit comme causal, leur a néanmoins permis d’apporter leur aide en se situant sur le registre classique de l’aide informelle donc, par définition, temporaire (cf. 4.1.2.). Ces systèmes familiaux sont toujours fortement déséquilibrés par l’annonce du diagnostic. Elle les contraint à imaginer des organisations au long cours alors que les membres de la famille ont inscrit leur aide dans le temporaire. Il n’est pas rare de voir alors l’aidant informel prendre rendez-vous auprès d’autres consultations mémoires ou médecins neurologues, avec l’aval voire les encouragements de l’ensemble des proches de la personne âgée. Ces aidants effectuent ces démarches dans l’intention de voir le diagnostic infirmé. Et, quand cela arrive, cela se solde toujours par la construction d’une bombe à retardement qui explose inévitablement - quand les troubles du comportement de la personne âgée deviennent ingérables - causant alors souvent des dégâts considérables au sein de la constellation familiale.

La causalité traumatique permet donc aux systèmes familiaux de ne pas s’interroger sur l’éventualité d’une maladie d'Alzheimer et de mettre en place des rétroactions homéostatiques efficaces telles que la désignation implicite d’un aidant naturel et ce n’est alors peut être pas le moindre des intérêts pour l’ensemble des membres du système familial, aidant y compris. Toutefois, la causalité traumatique ne suffira pas à masquer le problème et l’inévitable crise familiale qui permet le passage de l’aidant informel à l’aidant naturel se produira. Quand elle survient elle est alors considérée par la famille mais aussi par les professionnels comme étant le fait de l’aidant informel puisque c’est lui qui appelle à l’aide. Mais, la réalité des jeux relationnels est souvent tout autre.

La causalité traumatique de la maladie d'Alzheimer n’a cependant pas que des aspects négatifs. Il ne faut pas oublier que de nombreux aidants ont besoin d’une cause honorable pour se battre contre un mal qu’ils savent ne pas pouvoir vaincre.

Une fois encore, ce n’est pas le premier appel de l’aidant qui sera entendu. Mais, dans une circonstance particulière l’appel à l’aide prendra forme auprès des autres membres de la famille.

Il est aussi des situations où aucune cause traumatique n’est identifiée par la famille. Dans un premier temps les troubles du comportement sont alors justifiés par l’âge et de fait excusés. Tant qu’ils restent acceptables ceux-ci n’existent donc pas puisque déclarés normaux et la désignation d’un aidant naturel s’opère alors généralement de façon implicite et tout aussi naturellement que les troubles de la personne âgée ont été qualifiés de normaux. Mais ces situations débouchent aussi invariablement sur l’appel à l’aide de l’aidant informel.

Ainsi, que les troubles du comportement de la personne âgée soient liés ou non à une origine traumatique, ce n’est pas le fait de réaliser leur existence qui va tirer à l’écart de l’équilibre les systèmes familiaux qui constituent ce groupe. C’est le constat de l’impossibilité de continuer à faire comme s’il n’y avait pas de problèmes, à partir de l’amplification d’un élément aléatoire survenu dans un contexte particulier, qui va entraîner la première crise. Toutefois, nous préciserons que nous rencontrons régulièrement des personnes âgées qui ont des scores au MMSE inférieurs à quinze et qui sont adressées pour la première fois en consultation mémoire. Cela confirme, s’il le fallait, la capacité homéostatique de certains systèmes familiaux…