7.1.2.1. Les crises synchrones.

Les familles de ce groupe nous ont dit combien elles étaient en prise avec plusieurs difficultés majeures en même temps. En nous référant une nouvelle fois à la théorie de l’homéostasie, nous pouvons avancer trois hypothèses quant à cette réalité d’une augmentation des difficultés de façon synchrone au sein d’un système familial. D’ailleurs, les deux premières réactions au cumul de difficultés se soldent par un retour à l’équilibre antérieur, c'est-à-dire par des rétroactions négatives alors que la troisième relève d’un processus de rétroaction positive.

Ainsi, la survenue de difficultés chez d’autres membres du système familial peut être lue comme un processus permettant de ne pas voir la maladie une tentative donc une rétroaction négative. S’il y a urgence à s’affairer auprès d’un autre membre du système familial, les troubles du comportement de la personne âgée perdent alors de leur importance et passent à un second plan mais le processus de souffrance familiale, lui, enfle.

Ces difficultés peuvent être aussi pensées comme des tentatives d’accaparement de l’aidant par d’autres membres de la famille auxquels il avait pour habitude de fournir un soutien. Ainsi, sans l’aide ou l’étayage habituellement apporté par celui ou celle qui se consacre maintenant à l’Alzheimérien – il peut y avoir des phénomènes de cascade – certains membres du système familial sont alors complètement déstabilisés. Cela va les plonger dans un état d’insécurité et ils vont forcément vivre des moments de détresse psychologique donc de souffrance. C’est en cela que nous parlons de rétroaction négative puisque la souffrance est pour alors augmentée au sein du système familial. À celle-ci vient alors, presque inévitablement, se rajouter de sentiment de culpabilité de l’aidant qui ne peut être sur tous les fronts alors qu’il souhaiterait pouvoir le faire…

En revanche, l’avènement de la maladie d'Alzheimer peut être compris comme l’opportunité offerte à certains membres de la famille de tirer le système familial à l’écart de l’équilibre leur permettant ainsi d’échapper à des règles devenues trop génératrices de souffrance mais auxquelles ils ne pouvaient jusqu’alors que se soumettre. Que ce processus soit inconscient ou non et qu’il permette à celui qui le génère d’atteindre son but n’est pas un questionnement que nous nourrirons aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que s’il majore effectivement toujours le phénomène de souffrance au sein du système familial, à l’opposé des deux cas précédents, il ne l’entretient pas et peut permettre une mutation du système si l’amplification d’un élément aléatoire le permet. Il s’agit donc bien ici d’une rétroaction positive.

Ces trois possibilités nous montrent combien rien n’est généralisable dans le domaine des systèmes familiaux et combien une même cause peut avoir plusieurs effets. Chaque situation est donc singulière et cela ne peut que rassurer le clinicien que nous sommes.