7.2.3. La seconde crise familiale.

Quelles que soient les réponses élaborées au cours de la première crise, il nous semble maintenant évident que la désignation de l’aidant naturel est un phénomène qui entraîne une mutation du système familial où la souffrance est devenue une règle. Si cette désignation permet effectivement à la personne âgée de rester à son domicile, en intégrant ou non de nouveaux éléments, il est aussi évident que le système familial de cette dernière a été structurellement modifié par ce phénomène. La maladie d'Alzheimer est une information qui en entrant dans un système familial le déstabilise à tel point qu’il va connaître une nouvelle crise et se modifier.

L’arrivée des professionnels au sein du système familial se fait généralement dans le même temps que l’annonce du diagnostic qui la justifie. Nous considérerons ce phénomène, théoriquement, comme partie constitutive de l’élément maladie d'Alzheimer. Il y a donc lieu, dans ces cas-là, de considérer la première crise comme un événement qui entraîne une mutation du système familial qui entraîne un nouveau calibrage du système. L’arrivée des professionnels ne constitue pas une l’amplification d’un élément aléatoire déjà présent dans le système puisque par définition absents du système auparavant. Cet ajout, comme tout ajout au sein d’un système, a des répercussions autres que les simples modifications pragmatiques qu’il entraîne. Mais, nous constatons qu’il ne se solde généralement que par un maintien voire un renforcement des règles qui ont été mises en place lors de la première crise et qui « organisent » la souffrance. Ce constat confirme, s’il le fallait, que l’arrivée des professionnels constitue un changement d’un autre type au sein du système familial.

De plus, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, la conséquence de la première crise ne se traduit pas simplement, par l’adjonction du nouvel élément maladie d'Alzheimer et de son corollaire que sont les professionnels de l’aide. Elle entraîne toujours une modification des règles de fonctionnement du système familial et de l’identité de certains sujets.

Suite à de tels bouleversements, le système familial ne peut donc être qu’amené à vivre de nombreuses secousses et tensions, plus ou moins importantes, qui sont le processus nécessaire pour qu’un nouvel équilibre homéostatique se détermine. Or, comme nous venons de le voir (cf. 7.2.1.3.) la famille va alors traverser une période de souffrance au cours de laquelle ses membres vont tenter de garder, malgré eux, ce nouvel équilibre. Cette période va se terminer par la survenue d’une nouvelle crise importante que nous avons appelé seconde crise.

Ce ne sont donc pas les périodes de tension qui font suite à la première crise que nous appelons la seconde crise. Nous employons ce terme pour désigner une crise bien particulière qui va permettre au système familial de trouver de nouvelles règles de fonctionnement. Celles-ci à l’inverse de celles de la seconde période seront jugées satisfaisantes par la majorité des membres de la famille et seront nettement moins génératrices de souffrance. En filant une métaphore empruntée à la vulcanologie, nous dirons que la première crise est obligatoirement suivie de crises « répliques » et que la seconde est forcément précédée de plusieurs petites crises annonciatrices de son éruption au sein du système familial. Ainsi, les crises « répliques » et les annonciatrices, ne sont pas de vraies périodes de crise mais des périodes de tension. Toutefois, il est normal que les membres des systèmes familiaux qui les vivent disent être en souffrance et ceci leur permet aussi certainement d’attribuer à une cause extérieure ce qu’ils vivent de l’intérieur.