Conclusion

À l’heure où nous rédigeons la conclusion de ce travail, Monsieur le Premier Ministre de la République Française vient d’annoncer * un ensemble de mesures en faveur des personnes qui viennent en aide à une personne âgée souffrant de la maladie d'Alzheimer et qui vit à son domicile. Ces dispositions devraient être mises en application à partir de 2008 et elles constituent une reconnaissance officielle de la notion d’aidant familial.

Si nous n’apportons aucun commentaire quant au contenu des mesures proposées ainsi qu’à leur date de prise d’effet, ces propositions montrent que l’impact familial de la maladie d'Alzheimer devient aujourd’hui, pour nos décideurs, un enjeu de santé publique.

La prévalence de la maladie d’Alzheimer chez les personnes âgées de plus de quatre vingt ans est maintenant un fait connu. Cela a des conséquences non négligeables en terme de santé publique et d’économie de la santé. Force est de constater que jusqu’alors, aucun décideur n’avait véritablement reconnu les répercussions directes de ces pathologies sur l’environnement familial de la personne âgée. Ces mesures constituent donc le premier maillon d’un dispositif d’accompagnement des aidants naturels. Comme tout accompagnement socialement organisé celui-ci confère un statut à ceux qui le font vivre et, dans le cas présent, ce sont les aidants qui accompagnent les Alzheimériens.

Quand nous avons commencé notre recherche, il y a cinq ans, nous avions fait le constat du peu d’écrits traitant de la question des répercussions familiales de la maladie d'Alzheimer. Nous faisons maintenant le constat de la pertinence de notre questionnement et nous pensons que notre travail ouvre des pistes de réflexion. En ayant réussi à modéliser, pour la première fois, l’impact sur les systèmes familiaux de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées, nous entendons apporter un éclairage utile au vaste champ ouvert par la maladie d'Alzheimer et l’accompagnement de la dépendance de ceux qui en souffrent.

Après cette réflexion, en direction des questions de santé publique, nous allons maintenant tenté d’en faire une synthèse et envisager ensuite comment ce travail peut aussi être un point d’achoppement pour d’autres travaux de recherches en psychopathologie de la famille et des systèmes humains.

Quand nous avons construit notre questionnaire, notre objectif était de construire un outil suffisamment complet pour pouvoir appréhender l’impact familial de la maladie d'Alzheimer mais nous ne pensions pas pouvoir mettre en évidence des phases ou des étapes que traversent toutes les familles.

L’analyse statistique, en classant les familles en trois groupes, nous a amené à développer notre réflexion dans un sens inattendu mais que nous n’aurions certainement jamais osé sans cette répartition.

En effet, la logique qui préside à ce modèle nous aurait vraisemblablement paru d’une logique trop « évidente » pour que nous ayons pu y souscrire spontanément et peut être même après de mûres réflexions… Ainsi, en regard des personnes âgées et des familles classées dans chacun des trois groupes, il ne nous a pas été difficile de pouvoir définir ces groupes tant les critères d’appartenance semblaient clairs et cohérents.

Cette répartition nous a donc contraint à interroger sous tous les angles possibles notre modèle et nous avons fait cela en nous appuyant plus particulièrement sur les familles apparemment mal classées. Ce sont justement ces familles qui en ne se retrouvant pas classées là où elles étaient attendues, nous ont permis de confirmer la pertinence de notre modèle. Après avoir analysé plus particulièrement chacune de ces situations, nous avons pu constater que ces familles se retrouvaient être classés dans le bon groupe, et ce, en regard de leur situation singulière.

Si nous savons avec K. Gergen 107 que l’analyse statistique a tendance à conférer un aspect scientifique aux résultats que les chercheurs en sciences humaines obtiennent alors que ceux-ci n’ont peut être pas cette propriété, il n’en demeure pas moins que, dans notre travail, cette analyse nous a permis de poursuivre notre questionnement et notre réflexion de façon pertinente.

En effet, obtenir la répartition des familles en trois groupes nous a amené non seulement a trouver une cohérence au sein de chacun de ces groupes mais cela nous a aussi contraint à formuler l’hypothèse de deux moments, de deux passages, qui délimitent, organisent, ces groupes.

Si nous avions pensé, dès le début de notre réflexion sur la question de l’impact familial de la maladie d'Alzheimer, que la trajectoire de l’histoire familiale des Alzheimériens étaient émaillées de crises plus ou moins fortes, nous n’avions jamais imaginé une répartition des familles en trois groupes nettement distincts avant que les résultats de l’analyse statistique nous soient connus. Nous avons toujours pensé que les familles vivaient des temps de crises importants débouchant sur un réaménagement de leurs patterns relationnels mais les voir apparaître aussi clairement grâce à l’analyse statistique nous surprenait autant que cela nous interrogeait.

Au départ, nous pensions que quatre moments plus particuliers de l’histoire de vie des personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer étaient des temps ayant une propension certaine à créer des changements au sein de la famille. Nous pensions que l’annonce du diagnostic, l’introduction des professionnels au domicile, la prise de conscience par les enfants du fait qu’ils doivent se comporter comme des parents envers leurs parents et l’entrée en maison de retraite étaient des moments clefs dans l’histoire familiale de ces malades.

Si ces temps sont effectivement importants et font l’objet de nombreuses réflexions de la part des professionnels du monde de la gérontologie et des associations de familles telles que France Alzheimer, ceux-ci n’ont pas été mis en exergue par notre étude. Contrairement à ce que nous pensions, ce ne sont pas ces événements qui ont été mis en avant comme étant ceux qui créent une différence au sein du système familial de la personne âgée.

Après un moment de surprise face au classement des familles que nous avions obtenu, l’analyse plus fine de chacun des groupes nous a aussi permis d’appréhender la qualité des deux moments qui représentent une charnière autour de laquelle s’organisent ou se réorganisent les familles. En fait, c’est la modification structurelle de l’accompagnement familial de l’Alzheimérien qui induit ces deux temps de crise et non telle ou telle réalité pragmatique.

D’un point de vue théorique, en nous référant à l’épistémologie systémique, nous savions que le changement n’est que très rarement la résultante d’une information donnée à un système ou de l’introduction d’un tiers au sein d’un système. Pour qu’il y ait changement au sein d’un système ouvert, il faut que ce dernier connaisse une période critique et vive une crise permettant qu’un processus de mutation s’opère.

Nous avons décrit les capacités homéostatiques des systèmes familiaux au cours de ce travail et les quatre moments que nous présupposions comme étant des moments clefs ne sont en fait que très rarement des périodes de crise. Il nous semble évident, aujourd’hui, avec le recul que nous pouvons avoir sur notre travail que cet état de fait est lié à la qualité de l’information qui est alors échangée. Si ces quatre événements représentent effectivement des rétroactions positives tirant le système familial à l’écart de son équilibre homéostatique, celui-ci possède toujours les ressources nécessaires pour revenir à son équilibre antérieur et l’amplification du mouvement de mise à l’écart de l’équilibre est loin d’être alors systématique.

Notre questionnement nous a permis de réaliser que, dans ces quatre situations, l’information, la perturbation vient de l’extérieur du système familial. Or, le postulat de l’information posé par G. Bateson (1972) 108 est qu’une information est une différence qui fait la différence. G. Ausloos (1995) 109 reprendra cette idée en précisant qu’une information est une différence qui sort du système et produit une différence dans le système au moment où elle est y retourne. Il qualifie ce type d’information de pertinente en opposition à ce que nous avons tendance à appeler une information et qui n’est en fait que du bruit adressé aux systèmes familiaux tels que l’ensemble des conseils formulés par les professionnels aux familles. Une information, ce n’est donc pas une recommandation, un avis voire une injonction venant de l’extérieur d’un système familial. Or, les quatre temps de crise auxquels nous pensions au début de notre travail ne remplissent pas les conditions nécessaires pour que nous puissions, en regard du postulat de G. Ausloos, les considérer comme des temps ou une information pertinente peut émerger et faire différence.

L’annonce du diagnostic est un moment déstabilisant mais celui-ci ne se solde que très exceptionnellement par une réorganisation des interactions familiales et elle est effectivement le fait d’un médecin spécialiste donc d’un tiers extérieur au système familial.

L’introduction des professionnels au domicile de la personne âgée ne représente que très rarement une réelle intrusion dans le système familial puisque celle-ci est programmée et organisée pour que justement rien ne change. Tout est fait pour que la personne âgée et son entourage puisse continuer à faire comme avant avec et grâce à l’intervention de l’aide ménagère, de l’auxiliaire de vie ou de l’aide soignante. Donc, par définition, le changement que va vivre le système familial avec l’arrivée des professionnels est presque toujours un non changement puisque effectivement pensé et voulu comme tel.

La prise de conscience par les enfants du fait qu’ils doivent se comporter comme des parents envers leurs parents intervient généralement alors que les aidants naturels ont accepté leur mission depuis un certain temps déjà. Cela ne représente donc pas une information pertinente mais un constat qui s’impose en toute logique et qui n’appelle alors que peu de commentaires. Notre expérience clinique nous a d’ailleurs montré combien si les aidants tentent alors de « profiter » de ce moment pour dire leur souffrance, par exemple au décours d’une hospitalisation, ils n’obtiennent alors comme seule réponse de la part des professionnels, que la confirmation de leur nécessaire mission. Cette prise de conscience est un non événement, quand elle est effective, tant elle semble être naturelle face aux initiatives et aux responsabilités qui ont été prises « naturellement » par l’aidant pour pallier la dégradation des capacités mnésiques de la personne âgée.

De plus, les résultats de notre étude soulignent qu’un nombre non négligeable d’aidants n’ont pas l’impression d’être les parents de leurs parents alors que leurs aînés sont à des stades sévères de la maladie d'Alzheimer. Ceci prouve, s’il le fallait, que cette prise de conscience ne s’opère pas chez tous les aidants, en cela elle n’est donc pas quelque chose que vivent tous les aidants et nous pensons qu’elle n’est pas forcément nécessaire pour que le patient bénéficie d’un accompagnement de bonne qualité.

L’entrée en maison de retraite, à la différence des trois temps que nous venons d’évoquer, représente parfois cette charnière permettant le passage du deuxième dans le troisième groupe de familles voire entre le premier et le troisième groupe. Elle représente effectivement parfois une mauvaise bonne solution. Mais, nous avons pu voir que cette charnière ne se limite pas à ce choix, d’une part, et que, d’autre part, notre enquête a montré que toutes les familles des personnes hébergées en maison de retraite n’étaient pas classées dans le troisième groupe. En effet, il est des aidants et des familles pour qui le placement en maison de retraite de leur parent n’apporte pas de solutions acceptables à leur problème. Au contraire le changement de résidence de leur parent majore leur souffrance en rendant leur présence et leur soutien au quotidien plus difficile quand ce n’est pas impossible.

En revanche, nous avons noté que les deux périodes charnières déterminées par notre modèle avaient un dénominateur commun. En regard de l’importance des troubles du comportement de la personne âgée le système familial était contraint de réaliser un réaménagement des patterns relationnels. Elles représentent une période de crise car les membres du système familial sont amenés à faire un choix dont les répercussions ne se limitent pas à l’Alzheimérien.

Ainsi, nous pouvons dire que les troubles du comportement constituent une information pertinente pour le système familial. Ils sont une différence que constate le système et à laquelle celui-ci ne peut que répondre. À ce moment-là, cette différence va se traduire par une différence à un autre niveau mais toujours au sein du système familial. Cette différence se traduit alors par un changement de tout ou partie de la nature des liens qui unissent un ou plusieurs membres entre eux.

Les membres des familles s’adressent et rencontrent différents amis et professionnels pour tenter d’obtenir des réponses qu’ils pourraient mettre en place pour essayer de remédier aux dysfonctionnements générés par les troubles du comportement de leurs aînés. En accomplissant ces démarches, les membres du système familial confèrent aux troubles du comportement leur qualité d’information. La réponse qu’ils obtiennent invariablement, mais plus ou moins adroitement, est que c’est eux qui doivent faire le choix entre toutes les possibilités qui leur sont offertes.

Les solutions alors adoptées peuvent se décliner avec plus ou moins d’aide extérieure, comme l’intervention d’aide à domicile ou le concours d’une institution d’hébergement. Mais, elles peuvent aussi se solder par le déménagement de la personne âgée chez un de ses enfants ou inversement. Nous voyons bien, dans cette phase, comment l’information « troubles du comportement » retourne dans le système familial et devient alors une information pertinente qui, elle, va créer les conditions pour qu’un changement puisse s’opérer au sein du système familial quand elle ouvre une période de crise. Les troubles du comportement sont une différence de comportement chez la personne âgée qui va créer, lors de la mise en place des réponses, la différence pour l’ensemble des membres de la famille.

Ce processus coïncide parfois avec l’un des quatre moments que nous venons de citer et la notion de changement intrafamilial se superpose alors avec les réaménagements visibles. D’une part, les réaménagements des patterns relationnels ne se soldent pas systématiquement par des bouleversements pragmatiques pour les membres d’une famille. D’autre part, la variabilité de la qualité des réponses apportées par chaque famille à une même question est telle que vouloir faire de tel ou tel événement un palier, une charnière relationnelle nous semble bien être une hérésie.

La désignation de l’aidant naturel et le choix d’une bonne mauvaise solution se traduisent effectivement parfois par un des quatre événements que nous avons cités mais ces deux crises peuvent aussi n’entraîner aucun changement pragmatique pour la personne âgée ou son entourage. Pourtant ces deux crises sont bien des crises puisqu’elles induisent un choix qui n’est pas sans conséquences pour les intéressés. De plus, nous retrouvons ces deux moments au sein de toutes les trajectoires familiales que nous avons eu à connaître que ce soit pour cette étude ou dans le cadre de notre exercice professionnel quotidien.

Une autre dimension de ce travail que nous n’avons pas souhaité développer, est celle de la modélisation du test de ressenti des aidants dont l’émergence s’est faite jour au cours de notre travail. Il s’agit d’un choix volontaire et réfléchi. Le développement d’un tel outil présente de toute une évidence un intérêt majeur pour les cliniciens. Point n’est effectivement besoin de démontrer l’intérêt d’un outil qui permettrait à différents acteurs du champ gérontologique de percevoir rapidement le niveau de souffrance de ses interlocuteurs et des possibles conséquences de son intervention. Avant d’agir, à partir des réponses qu’il obtiendrait au test de ressenti des aidants, il pourrait savoir si son avis est attendu alors que le processus de désignation de l’aidant naturel est à l’œuvre ou s’il risque de remettre en question un mauvaise bonne solution. L’indication apportée par le test de ressenti est une information supplémentaire qu’il pourrait croiser avec son impression clinique et il lui restera, comme aujourd’hui, sa déontologie professionnelle et son éthique pour guider son intervention.

La première étape au développement de cet outil est de le rendre facile d’utilisation. Nous pensons qu’il sera effectivement possible de trouver une solution mathématique, par l’application de coefficients multiplicateurs à la valeur de chaque item, permettant d’obtenir un score global chiffré en fonction des réponses des aidants. Le score ainsi obtenu permettra alors de répartir dans un des trois groupes le système familial rencontré. Au début de notre recherche de solution à ce problème mathématique, nous avons trouvé une grille d’une société bancaire française qui permet de définir les profils de leurs clients afin de déterminer le risque qu’elle encourait lors d’un prêt d’argent. Cette grille est la résultante d’une démarche identique à la nôtre. C’est vraisemblablement le même raisonnement logique et la même procédure statistique qui a permis l’élaboration d’une grille composée de neuf questions où chaque question offre trois possibilités de réponse. Chaque case contient un coefficient multiplicateur et le chargé de clientèle obtient ainsi aisément un score qui lui permet de savoir s’il peut ou non faire un crédit à son client.

Cet exemple nous conforte donc dans la possibilité de réaliser ce travail mathématique même si le fait de passer d’un espace à neuf dimensions à un espace à deux dimensions n’est pas chose facile et si cela entraînera forcément une perte de fiabilité de notre modèle.

Si nous n’avons donc effectivement pas développé notre travail dans cette direction, c’est essentiellement pour deux raisons.

La première est pragmatique. Menant notre travail de thèse tout en continuant à assurer une activité professionnelle à temps plein, nous avons fait le choix de finir un travail avant d’en entreprendre un deuxième et ce même si celui-là s’impose à nous aujourd’hui comme la suite logique du premier.

La seconde est intellectuelle. Si nous avions résolu ce problème mathématique, nous pensons que c’est l’ensemble de notre travail qui aurait alors été éclairé différemment car notre écriture aurait forcément été influencée et cela nous a semblé dangereux.

Le test de ressenti des aidants a émergé au cours de notre recherche alors que nous ne cherchions pas à modéliser un tel outil. Ainsi donc comme celui-ci n’était pas notre finalité, nous avons préféré lui garder son aspect encore inachevé.

La trajectoire de vie familiale des Alzheimériens que nous avons décrite nous semble, elle, fondamentale d’un point de vue psychopathologique et le développement du test aurait très certainement obéré l’intérêt de cette description.

Cela étant dit, maintenant que ce travail est conclu, l’intérêt du test reste majeur à nos yeux et nous pensons nous atteler à sa finalisation.

Un autre intérêt de ce test est que les neuf questions sont presque toujours posées spontanément aux aidants par les professionnels de la gériatrie. Si la formulation de l’une ou l’autre question est peut être à ajuster, sa passation ne nécessite pas un temps singulier et les différentes questions peuvent être posées dans n’importe quel ordre et à des moments différents d’un entretien ou consultation médicale. Ainsi le test permettrait d’optimiser et de valoriser des informations que les professionnels recueillent déjà. En ce sens, il ne représente aucun surcroît de travail et ne change pas les interrogatoires habituels des professionnels. En revanche, la passation du test ne nécessitant pas la présence de la personne âgée, il pourrait s’avérer un outil précieux pour l’ensemble des professionnels auxquels les familles s’adressent pour demander de l’aide « au nom » des absents.

Toutefois, en parallèle de la recherche d’une solution mathématique au problème du traitement des réponses recueillies, un essai à plus grande échelle du test nous semble aussi une étape indispensable à son développement même si, d’un point de vue statistique, l’échantillon que nous avons utilisé est réputé suffisant.

Cette étape nous semble d’autant plus indispensable qu’elle permettrait de vérifier la corrélation entre score au test de ressenti des aidants, score au MMSE des malades et date de début de la maladie. Une telle étape devrait aussi s’accompagner de questions permettant de préciser les choses, justement dans les cas de divergence.

Une autre des pistes qu’il nous semble utile d’explorer est de vérifier si notre modèle de trajectoire familiale s’adapte à d’autres pathologies chroniques entraînant une dépendance et la nécessité de la présence d’un aidant de plus en plus importante auprès du malade. Dans le champ de la gérontologie, nous pensons spontanément à la maladie de Parkinson, par exemple, mais d’autres pathologies entraînant une dépendance physique telles que les accidents vasculaires cérébraux nous semblent aussi être des pistes de recherche intéressantes. Dans d’autres domaines nous pensons aux atteintes amyotrophiques des enfants ou à des pathologies telles que l’autisme.

Enfin, la confrontation de notre modèle avec les familles qui connaissent des problématiques telles que la schizophrénie nous semble aussi une piste de recherche nécessaire ne serait-ce que pour voir ce modèle être infirmé. En effet, nous pensons que la présence du spectre de la mort qui plane sur les maladies telles que celle d’Alzheimer n’est pas étranger à la trajectoire familiale que nous avons pu décrire mais cela reste à vérifier.

La question du changement et de la mort est de celle qui nous semble être fondamentale dans le champ de la psychothérapie et plus généralement dans celui de la psychologie clinique.

Ce questionnement est de ceux qu’il nous semble important de nourrir d’un point de vue théorique en regard de son poids non négligeable sur tous les processus de décision.

Un dernier point qu’il nous semble essentiel d’aborder dans la conclusion de cet écrit est celui de l’enrichissement que ce travail nous a permis. Pour essayer d’appréhender l’impact de la maladie d'Alzheimer dans les familles, et ce dès le début de ce travail, nous souhaitions travailler dans deux directions complémentaires.

D’une part, nous voulions créer un outil qui nous permette de recueillir de façon pertinente les données recueillies lors de nos rencontres avec les familles puis de les utiliser de façon statistique. Ce que nous avons fait.

D’autre part, il nous semblait nécessaire de créer un événement qui permette de nourrir notre réflexion. Grâce au soutien qui nous a été apporté, aux partenariats que nous avons trouvés et à l’accueil favorable qu’à reçu cette initiative, il nous a été possible d’organiser un séminaire scientifique de deux jours à Paris en mars 2004. Les échanges lors de cette rencontre que nous avons rapporté dans un ouvrage collectif 110 ainsi que ceux que nous avons pu avoir un an plus tard avec les intervenants du premier congrès d’organisation gérontologique et de psychologie du vieillissement, les 3, 4 et 5 mars 2005, qui a fait suite à ce séminaire scientifique, ont été pour nous une contribution majeure à notre réflexion et par voie de conséquence à la qualité de cet écrit.

Nous voudrions enfin clore cette première étude en réaffirmant que, pour nous, elle ne traduit pas la réalité de l’impact de la maladie d'Alzheimer dans les familles mais la réalité d’une trajectoire de vie familiale que nous pensons utile à partager pour les professionnels du champ gérontologique.

Alors que le titre de ce travail pose la question de savoir si l’Alzheimérien et son aidant constituent une histoire à trois, nous pouvons maintenant répondre que non.

Il y a bien effectivement une personne âgée, une maladie d'Alzheimer et un aidant mais il y a aussi les proches des deux principaux protagonistes et les professionnels qui suppléent la dépendance de la personne âgée. Ainsi donc, L’Alzheimérien et son aidant poursuivent l’écriture d’une histoire familiale qui implique de nombreuses personnes et une importante dimension fantasmatique.

L’histoire de l’Alzheimérien et de son aidant, comme toutes les histoires d’amour, est pensée à deux mais toujours écrite à plusieurs…

Notes
*.

Discours du 26 mai 2006 à l’Assemblée Nationale

107.

Gergen, K., « Le constructionisme social », 2001.

108.

Bateson, G., « Vers une écologie de l’esprit », 1972.

109.

Ausloos, G., « La compétence des familles », 1995.

110.

Gaucher, J., Darnaud, T., Ribes, G., « Alzheimer, l’aide aux aidants », 2004.