I. L’Entretien

Nous voulons tout d’abord commencer par la définition de l’entretien, et plus précisément « l’entretien psychologique, car celui-ci peut avoir parmi ses multiples usages une grande variété d’objectifs, comme par exemple dans le cas du journaliste, chef d’entreprise, directeur d’école, maître, juge, etc. Nous nous intéressons ici à l’entretien psychologique, celui où nous poursuivons des objectifs (psychologiques/investigation, diagnostic, thérapie, etc.) » 1 .

« L’entretien est une méthode fondamentale de la méthode clinique et par conséquent une technique d’investigation scientifique de la Psychologie » 2 , où se rejoignent l’investigation et la profession.

Néanmoins, l’entretien psychologique n’est pas uniquement un instrument pour le psychologue, mais également pour le psychiatre, le travailleur social, le psychologue assistant, etc. L’entretien peut être semi-directif ou directif. Lorsque l’entretien est semi-directif, celui qui mène l’entretien possède une grande liberté pour choisir les questions ainsi que pour intervenir. Lors de l’entretien directif, toutes les questions sont déjà déterminées.

« L’entretien semi-directif permet une investigation plus ample et profonde de la personnalité de l’interrogé. Tandis que l’entretien directif peut donner accès à une meilleure comparaison systématique de données, ainsi que d’autres avantages propres à toute méthode standardisée » 3 .

Comme le signale J. BLEGER, nous pouvons aussi cataloguer l’entretien comme :

  1. Celui réalisé au bénéfice de l’interrogé (consultation).
  2. Celui qui est mené à terme avec des objectifs d’investigation, où l’importance est donnée aux résultats scientifiques de celle-ci.
  3. Celui qui est réalisé par un tiers (une institution).

Tous ces entretiens ont diverses variantes et dépendront de l’attitude de chacun des membres du groupe car l’entretien est toujours un phénomène de groupe, même si celui-ci se réalise uniquement avec une personne interrogée. Mais les deux derniers (2 et 3) ont en commun le fait que l’interrogateur crée des intérêts et une participation de la part de l’interrogé.

Tant la méthode clinique que la technique de l’entretien procèdent du domaine de la médecine, mais c’est uniquement un des procédés avec lequel le technicien ou le professionnel peuvent assurer la consultation, si c’est le cas.

L’entretien psychologique peut s’établir entre deux ou plusieurs personnes. Ce qui le rend particulier est le fait que le psychologue doit agir en tant que tel, c’est-à-dire en essayant de savoir ce qui se passe et agir par rapport à son savoir et sentir, car, avant tout, il s’agit d’une relation humaine. Il faut que nous soyons attentifs et que nous mettions en pratique notre fonction qui est celle d’écouter, observer et analyser.

La théorie de l’entretien a été énormément influencée par diverses disciplines, la psychanalyse a exercé une influence cruciale avec l’apport de la dimension inconsciente, le transfert, la résistance, la répression, la projection, etc ; le gestaltisme, pour sa part, a contribué à une vision de l’entretien comme un tout, en intégrant le comportement de l’interrogateur et le béhaviorisme avec l’observation du comportement, vers une reconnaissance, pour en faire un instrument scientifique où les conditions méthodologiques sont plus strictes, tout en restant un art.

Nous pouvons dire que l’interrogateur est celui qui contrôle l’entretien mais que l’interrogé le dirige, car nous cherchons à ce que l’interrogé se mette en rapport et à ce qu’il mette en jeu une série de caractéristiques de sa personnalité.

Nous devons également disposer d’un encadrement fixe : objectifs, temps et lieu de l’entretien. Il faut prendre en compte que chaque entretien aura un contexte défini (variantes et constantes), dans lequel surgiront les émergents, émergents verbaux ou non verbaux, mais qui montreront les caractéristiques de l’objet en question, bien que les qualités de tout objet dérivent toujours des conditions et des relations où elles se trouvent à chaque instant.

Par exemple, « une situation typique (...), est celle où l’interrogé a une organisation de sa vie présente très rigide, comme moyen de défense vis à vis de la pénétration de celui qui l’interroge ainsi que de son propre contact avec des points conflictuels de sa situation réelle et de sa personnalité... ». 1

Comme le souligne J. BLEGER, « pouvoir prendre en charge notre condition humaine n’est pas chose facile, ce qui implique en partie de ne pas se sentir privilégié face à l’interrogé ».

L’entretien est ainsi une technique ou un instrument de la pratique. Bien sûr, tant qu’il n’existe pas parallèlement une investigation scientifique, il ne peut pas y avoir d’entretien profitable où s’intègrent l’investigation et la pratique.

Observer, imaginer et penser, font partie d’un processus dialectique et, à l’intérieur de ce processus d’interdépendance et d’interaction, la parole joue un rôle très important. Les gestes, les attitudes, le timbre et le ton affectif de la voix, etc., interviennent aussi dans ce processus.

Dans cette relation qui s’établit lors de l’entretien, il est très important de prêter attention à deux phénomènes significatifs : le transfert et le contre-transfert.

Le contre-transfert et le transfert apparaissent dans toute relation interpersonnelle, et donc lors de l’entretien, mais dans ce cas ils sont utilisés en tant qu’instruments techniques d’observation et de compréhension.

Lors du transfert, l’interrogé donne des rôles à l’interrogateur et il agit en fonction de ces rôles, c’est-à-dire qu’il transfert des situations, ce qui est déjà connu, à une réalité présente.

Lors du contre-transfert * , nous devons remarquer, en tant qu’émergents, tous les phénomènes qui surgissent en nous, en celui ou celle qui interroge (tout ce qu’il sent ou vit), réponses de l’interrogateur, et leur effet, par rapport à son histoire personnelle (personnalité, conflits et frustrations), c’est-à-dire que l’auto-observation est extrêmement importante, pour orienter celui qui interroge, car il est lui-même son propre instrument de travail.

Il a été mentionné que le jeu de la personnalité de l’interrogé doit être nourri ; néanmoins une limite doit être maintenue et voire même défendue par l’interrogateur si nécessaire. Les questions doivent être directes et adéquates au grade de tolérance de l’interrogé. Il est également nécessaire de reconnaître les silences, qu’ils soient phobiques, confusionnels, paranoïaques, dépressifs, etc.

Dans l’interprétation, une des techniques est celle de répéter le dernier mot de celui qui est interrogé en une phrase interrogative ou tout simplement avec le regard, le geste ou l’attitude qui le poussent à continuer. En général c’est le seul moment qui permette à l’interrogé de parler de lui-même en étant sincère, avec quelqu’un qui ne va pas émettre des jugements de valeur. Il est pour cela indispensable d’apprendre à se taire pour ne pas faire violence avec une interprétation.

Notes
1.

BLEGER, J. Temas de psicología Entrevista y grupos. Ed. Nueva Visión, Buenos Aires, Argentina, 1985, p. 9. Traduction de l’auteur.

2.

Ibidem.

3.

Ibidem. p. 10

1.

BLEGER, J. Op. Cit. p. 19.

*.

L’analyse du contre-transfert de cette recherche est développée dans l’entracte, p. 122.