II.II. Second temps de la séance : Le temps des échanges en groupe.

Ce temps est limité à la durée de la séance ; il se partage groupalement.
La consigne est :

« Chacun présentera sa photo quand il le désire, en s’articulant éventuellement sur ce qui vient d’être dit. Nous écouterons attentivement celui ou celle qui présente sa photo. Nous ne ferons aucune interprétation au sens psychanalytique du terme, mais nous sommes invités, après cette présentation, à dire ce que nous voyons de semblable ou de différent sur cette photo » 1 .

Cette consigne est importante, bien qu’elle détermine l’espace d’un écart du plus semblable au plus différent, dimension qui contribue au plaisir partagé de parler et d’entendre parler des photos, nous remarquons la qualité d’écoute et nous nous surprenons souvent à découvrir à travers la parole de l’autre, toute une idée entièrement nouvelle et créatrice. Celui qui écoute les autres parler de « sa photo » perçoit l’espace de jeu entre une photo qui est la « sienne » et qui le représente sans être lui pour autant.

Finalement, c’est une méthode qui produit du plaisir à échanger, à être en groupe, à fonctionner et à penser. Elle « est grandement facilitatrice de la prise de parole devant le groupe, elle aide le sujet à advenir, elle étaie sa pensée, sa créativité, et soutient les échanges, en particulier les productions imaginaires dans leur dimension individuelle et groupale » 2 .

Dans les spécificités de la méthode, « l’animateur pose une question au groupe, à laquelle il propose de répondre à l’aide d’une photo. Cette composante est essentielle puisqu’elle définit un espace de jeu entre la mobilisation de la pensée en idée, pensée logique, organisée en vue de répondre à une question d’une part, et la mobilisation de la pensée en images, qui fait réagir associativement le sujet à partir de ses images intériorisées et de ses affects qui les accompagnent selon l’analogie ou plutôt l’ana-logique du processus primaire » 3 .

Il existe deux effets sur le déroulement d’une séance : d’une part la question, et d’autre part la photo, ce que C. VACHERET appelle souvent « les deux garde-fous », où le jeu se structure entre le processus primaire (la pensée en images) et le processus secondaire (la pensée en idées), en facilitant le processus tertiaire, assurant la double articulation entre l’intrapsychique et l’intersubjectif.

Il est recommandé d’écouter attentivement celui ou celle qui présente sa photo, c’est-à-dire que s’instaure la qualité d’écoute, au moment où quelqu’un parle, le groupe est souvent en avant, centré sur la photo, attentif à ce que l’autre y voit et les réactions peuvent être tantôt en résonance, tantôt de surprise. Du plus semblable au plus différent, le groupe va souffrir de l’opportunité qu’a chacun de s’exprimer à propos de la photo qui vient d’être présentée, dans l’étape précédente.

C’est un espace d’articulation entre l’espace et le groupe, où celui qui vient de présenter sa photo, est en général dans un état de tension qui est suivi par un silence avant que les autres prennent la parole. Ensuite les autres, vont proposer un éclairage, un imaginaire divergent, lequel peut être radical, choquant ou voilant parfois pour celui qui le reçoit, mais aussi peut avoir un effet de renforcement et de réassurance. Donc, le sujet s’inscrit dans un processus de subjectivation qui l’amène à exprimer sa vision (du monde et de lui-même) devant le groupe.

Le sujet accède à une position ambivalente, l’objet est source de plaisir et de déplaisir, bien qu’un groupe soit à la fois porteur de pulsion de mort et de vie. C’est pour cela que nous observons une évolution des représentations des patients dans laquelle l’objet médiateur sert de support à ces transformations.

Cette méthode offre l’opportunité de travailler sur les fondements du narcissisme primaire, de ce que renvoie un miroir, une image du même, de l’identique et aussi sur le travail d’identifications plurielles * .

Le groupe peut permettre de favoriser le travail psychique de deuil qui s’impose de ces objets idéalisés, mais aussi de ces objets perdus ; il permet au sujet de prendre conscience de la subjectivité de ses perceptions, de la relativité de ses représentations et de la nécessité de l’altérité de l’autre.

La photo joue un rôle transformateur, mais aussi intégrateur pour la psyché, renvoyant des images au sujet en fonction de ses résistances ou de ses représentations du moment.

C’est pour cela que les photographies que nous avons utilisées ne font partie d’aucun groupe préfabriqué du Photolangage. Nous avons au contraire, élaboré notre propre photolangage à l’aide de notre séminaire du groupe de recherche en : équilibres et déséquilibres psychosomatiques (sous la direction du professeur G. BROYER), appartenant au C.R.P.P.C.

Ce travail de création sur les thèmes des photographies utilisés à été fait en pensant à la spécificité de notre population (danseurs/danseuses), en relation avec les thèmes déjà abordés par eux-mêmes au cours de nos premiers entretiens dans le cadre de notre travail de D.E.A 1 . et que nous avons retrouvés dans cette recherche, par exemple sur : la boulimie, l’anorexie, les corps spécifiques dans la danse, le classique et le contemporain, l’effort, le groupe, le couple, la relation à la mère, etc.

Nous avons donc commencé à chercher dans des revues, journaux, dépliants, magazines, etc., des images qui nous ont évoqué ces thèmes. Ensuite nous les avons réunies par groupes, en éliminant celles trop clairement inductrices, dans le but de laisser toujours plus la possibilité d’une projection.

Lorsque nous avons eu un nombre suffisant d’images nous avons procédé au traitement des photographies : elles ont été numérisées, transformées en nuances de gris, puis nous les avons coupées au format que nous avons jugé le plus pratique, et nous les avons soumises encore une fois au regard du groupe de recherche.

Notes
1.

VACHERET, C. Op. Cit. p. 23.

2.

Ibidem. p. 24.

3.

VACHERET, C. Op. Cit. p. 25.

*.

Nous approfondissons ces concepts au cours de la deuxième (p.93) et la troisième partie (p.132) de cette thèse.

.

Centre de Recherches en Psychopathologie et Psychologie Clinique de L’Université Lumière Lyon 2.

1.

DAVILA RAMIREZ, T. V. L’AUTRE DANSEUR La construction sociale du corps vécu dans la danse. Mémoire du D.E.A. Sous la direction de BROYER, G. Université Lumière Lyon 2. Lyon, France, 2002.