2.4.- Construction sociale du vécu artistique

Les premiers traités de danse de la Renaissance, nous parlent d’une signification esthétique investie de métaphysique, mettant en jeu, paradoxalement, un fondement rationnel de la beauté à partir d’une réflexion sur la mesure, les proportions, la géométrie.

L’académisation des pratiques et des métiers à la fin du XVIIème siècle a été rendue possible par un double processus : la généralisation de l’écrit et la rationalisation des activités sociales ainsi que la volonté de contrôle étatique sur la production esthétique, intellectuelle et scientifique. Il s’agissait d’imposer les normes culturelles et esthétiques du modèle de la beauté classique, c’est-à-dire, d’avoir un corps mince, souple et fort, instrument toujours élégant, précis et virtuose.

En France ont été créées des institutions culturelles et artistiques, comme : la première Académie Royale, qui avait pour mission officielle de contrôler l’exercice de l’enseignement, ainsi que la création chorégraphique, puis l’ouverture d’une école nationale de danse, qui deviendra l’école de danse de l’Opéra National de Paris.

J. G. NOVERRE 1 , élève du maître à danser L. DUPRE, publie ses lettres sur la danse en 1760 à Lyon, dans lesquelles il décrit la danse académique comme un assemblage arbitraire de pas et de positions, dans lequel l’âme du danseur ne joue aucun rôle, parce que, pour lui, la danse académique est trop mécanique, effectuée par un « homme machine », c’est-à-dire par un danseur virtuose mais qui ne transmet pas d’émotion et n’attendrit pas le public. Il estime qu’il faut réformer l’enseignement académique en créant des exercices modérés et continuels, adaptés au corps des danseurs et donc respectueux de leur anatomie.

J. G. NOVERRE dit : « qu’il n’y avait pas assez de bons maîtres ; les élèves sont naturellement les copies de ces enseignants médiocres qui se donnent en modèles ». Ses critiques sont prises en compte au XIXème siècle à l’Opéra de Paris et peu à peu l’enseignement sera modifié, il essaiera de « respecter les tendances naturelles du corps ».

L’apprentissage s’élargit à des connaissances théoriques, (anatomie de la biomécanique) et à des connaissances musicales et les principes cartésiens de la pédagogie de la danse s’élaborent.

L’académisme avait été initié par J.-B. LULLY, mais ensuite les maîtres à danser et certains spectateurs feront la critique de cet académisme et remettront principalement en cause le souci de plaire à tout prix au public. La formation, ainsi que l’organisation hiérarchique des danseurs/danseuses tendait à les enfermer (« bien que la cage soit d'or, elle ne cesse pas d'être une prison ») 1 .

La Hiérarchie et la constitution du corps de ballet se divise en cinq échelons :

« quadrille » désigne le cinquième échelon dans la hiérarchie du Ballet de l'Opéra de Paris : les élèves de l'École de Danse accèdent au titre de quadrille après un an de stage (quadrilles stagiaires). Les quadrilles constituent en général les ensembles du « corps de ballet ».

« coryphée » qui, selon son étymologie, conduit les ensembles. Désigne un danseur figurant.

« sujet » (on distinguait autrefois les « petits sujets » et les « grands sujets ») qui sont déjà des solistes.

« premier(e) danseur/danseuse »

« étoile », premier échelon de cette hiérarchie.

Tous ces grades sont soumis à un concours annuel interne, mais le titre suprême de « danseur ou danseuse étoile » * ne s'obtient pas sur concours mais par nomination de l'Administrateur sur proposition du Directeur de la danse. Il est apparu en 1895 sous le terme de « sujet étoile », le qualificatif se répand au début du XX e  siècle.

Les premières danseuses à recevoir officiellement le titre d'« étoiles » sont L. DARSONVAL et S. SCHWARTZ en 1940, tandis que l'année suivante, S. PERETTI est le premier homme à le recevoir.

Notes
1.

Révolutionnaire chorégraphe français, (1727-1810). P. GUSSEV suggère d’instituer le Jour International de la Danse, à la date de naissance de J.G.NOVERRE : le 29 avril, à partir de 1982.

1.

Phrase d’une chanson populaire mexicaine « Jaula de oro » par Los tigres del Norte.

*.

Nous travaillerons le premier échelon de la hiérarchie du Ballet au cours de la TROISIEME PARTIE:THEORICO-CLINIQUE, chapitre 3 : Désir de l’Autre sur le désir de l’un. p. 191.