3.6.- Conclusion

La danse n’était pas seulement un divertissement, ni même seulement un rite, c’était une façon de « mériter » la faveur des dieux « en les servant et en les appelant avec tout le corps » 1 .

Au Mexique, jusqu'à nos jours, tous les genres de danses connus sont pratiqués, en se posant face au monde comme un exemple et un paradigme, assimilant les enseignements et les techniques de la danse mondiale. C’est pour cela, entre autres, que dans notre travail de recherche nous avons trouvé plus de similitudes que de différences avec la danse classique en France. La danse dans les deux pays n’a pas encore trouvé la panacée, elle partage la même souffrance universelle, de tout créateur d’art.

Pendant les années soixante, des attitudes et des mouvements surgissent dans différents endroits du monde ; ceux-ci élargiront et transformeront les concepts et les styles de vie : les Beatles et le Rock, la protestation juvénile, la participation politique des classes moyennes, la guerre au Vietnam, le tiers-mondisme, la nouvelle culture sexuelle etc.

Le mouvement mexicain de la danse moderne, ainsi que celui des Etats-Unis et de l'Europe centrale, a été le plus important de son genre au niveau mondial. Nouvelle danse, danse contemporaine, néo, moderne, post-moderne, tous ces termes, ne désignent que leur volonté de renouvellement par rapport à l’art du passé.

« La danse prétend dire le tout de la vie avec les seuls mouvements du corps. Est-ce scandaleux ? Mais le peintre veut le faire avec les seules couleurs : l’écrivain, avec seulement des traces écrites ; le musicien avec des sons… Et ils font avec des sons, des lettres, des couleurs qui passent par le corps. Mais la danse, c’est avec le corps qui en passe par le corps. C’est l’art de l’entre-deux-corps béant sur l’espace » 2 .

La danse, elle, fouille avec le corps les racines des corps, leur façon d’exister de se mouvoir, et de surgir. Elle travaille l’événement d’être, dans le temps et l’espace, elle travaille le senti, le perçu, l’émouvant, le retenu de cet événement.

« La danse est la réponse à l’événement sans recours ou le corps est mis devant l’impossible mais veut pourtant vivre et bouger » 3 .

« La danse aussi est un sacrifice éludé : on offre son corps, tout entier, mais on n’en finit pas de l’offrir ; c’est une offrande qui dure, dont le but est justement de sauver le corps par cette épreuve, cette durée » 2 .

Les danses du feu, où le groupe fait converger vers ce foyer sa dramaturgie collective, vers ce point incandescent, c’est le feu qu’on fait danser, symbole de force, d’énergie, de travail, de sexe, de corps. « Les danses traditionnelles, gravées dans la mémoire des « peuples », font que le groupe incarne ce corps-mémoire, et reste témoin » 3 , même sans le « savoir ».

« Nous pouvons reconnaître que la participation des sports et de la danse à l’imaginaire social, leurs dynamiques culturelles par lesquelles s’inventent des jeux de sociétés et des mises en scènes théâtrales, puisent effectivement aux pulsions de vie et de mort, traduisent des refoulements mais aussi des manières de « désenfouir » d’affirmer des désirs de se révéler à soi-même » 4 .

« Les corps-danseurs se lancent, aventuriers du vide, dans la quête de l’objet qui puisse porter leur danse » 5 . Danses, surcodées par la nostalgie, celle de l’origine, où le corps s’accroche à la voix de l’Autre, pour souffrir et jouir d’un décrochage originel.

« Entre la danse dite classique et l’actuelle (contemporaine) la cassure serait du même ordre qu’entre l’espace euclidien et celui de la topologie : il n’y a plus un seul repère mais une infinité de repères, mobiles, avec, entre eux des connexions, des cassures, des obstructions, des singularités d’espace, correspondant à des corps singuliers » 6 .

La danse de Louis XIV exprimait les idéaux du Roi-Soleil et de ses fidèles, dans un contexte très précis, mais aujourd’hui on peut peut-être danser des ballets classiques de façon contemporaine, en les réinterprétant, en tout cas, la lecture du corps que fait chaque époque.

Donc « chaque époque offre aux siens la danse qui les convoque aux effets de corps qu’ils ont à vivre ou à refouler (…) Chaque époque a sa petite idée et ses grands principes sur les tensions entre corps visible et corps-mémoire, sur les souffrances et les jouissances qui s’ensuivent. Et sa danse, c’est-à-dire son image mouvementée du corps, reflète les attaches (…) les fixations, et assure certaines jouissances » 1 .

On peut donc dire que la danse, à travers sa quête d’espaces (nécessairement psychiques), a pour enjeu la mise en geste de la psyché.

« La danse contemporaine, comme les sports nouveaux, contribuent à démultiplier les sensations, les références, les repères qui fondent l’identité. Ce concassage, d’où naît une multiplicité de techniques du corps n’est pas un phénomène superficiel ; il est plus profond qu’une mode, il génère de nouvelles réalités anthropologiques (…) afin de définir de nouveaux rapports entre l’être et son environnement, afin de définir d’autres références d’espace et de temps » 2 .

Après ces points historiques, il nous semble important maintenant, de travailler sur le corps et ses représentations au cours du XXème siècle, où il est aliéné par la société. Le désir de modernité cherche l’internationalisation, son aspect globalisant est pour le meilleur et pour le pire.

Puis nous continuerons en exposant différentes théories du corps qui serviront de préambule à la TROISIEME PARTIE : THEORICO-CLINIQUE * .

Notes
1.

MOTOLINIA, Fr. T. « Mémoriales » México , D. F. 1903. p. 344 in SOUSTELLE, J. La vie quotidienne des AZTEQUES à la veille de la conquête espagnole. Ed. HACHETTE. Paris, France, 1955. p. 364.

2.

SIBONY, D. Le corps et sa danse. Ed. du Seuil, Paris, France, 1995. p. 33.

3.

SIBONY, D. Op. Cit. p. 36.

2.

Ibidem. p. 45.

3.

Ibidem. p. 263.

4.

MIDOL, N. Op. Cit. Tome 2. p. 9.

5.

SIBONY, D. Op. Cit. p. 245.

6.

SIBONY, D. Op. Cit. p. 236.

1.

Ibidem. p. 344.

2.

MIDOL, N. La démiurgie dans les sports et la danse : modernité, post-modernité. Thèse. Sous la direction de BROYER, G. Université Lumière Lyon 2. Lyon, France, 1993. Tome 2. p. 142.

*.

Cf. p. 132.