1.6.- L’image inconsciente du corps

Bien que la première définition d’« image », que le Petit Robert nous indique : « reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit » 3 , ce n’est pas seulement ce que nous pouvons apercevoir par la vision. Plus loin, le même dictionnaire nous donne une autre définition : « représentation mentale d’origine sensible ». Définition qui s’approche plus de notre propos, comme nous allons le remarquer par la suite dans ce chapitre.

Selon F. DOLTO, l’enfant débute vers la phase fœtale par le lien placentaire, mais de façon plus symbolique, par le lien à la mère, qui va lui permettre de distinguer les pulsions de vie et les pulsions de mort au niveau de son narcissisme primaire qui est « le narcissisme du sujet en tant que sujet du désir de vivre, préexistant à sa conception ». « C’est ce qui anime l’appel au vivre, dans une éthique qui soutient le sujet à désirer. C’est pour cela que l’enfant est héritier symbolique du désir des géniteurs (…). Ce désir de géniteurs devient, pour le fœtus, éthique » 1 , éthique articulée au jouir d’être, d’exister et d’augmenter tous les jours sa masse charnelle éthique, additionnelle vampirique de l’ « amasser », de « prendre ». Ce narcissisme primordial constitue, en quelque sorte, une intuition vécue de l’être au monde. 

De cette manière, selon F. DOLTO, comme pour D. W. WINNICOTT, l’être psychique précède l’être somatique. Il ne fait que le retrouver dans le narcissisme à travers l’image. Et c’est cette image, la première composante de l’image du corps, qui permet à l’enfant de se ressentir dans une « mêmeté d’être », c’est-à-dire dans une continuité narcissique spatio-temporelle. 

Les pulsions, quelle que soit l’image du corps dans laquelle elles sont éprouvées, sont toujours au service de la libido et donc du désir de vivre d’un sujet en relation avec le monde extérieur visant à satisfaire les pulsions sexuelles du stade en cours. Le corps joue un rôle particulier. Il n’est pas atteint dans sa structure, il ne reste qu’un « texte» du sujet, à propos de son Moi.

« Ce sera seulement avec l’entrée dans l’ordre symbolique, du fait de la castration oedipienne, que la relation vraie dans la parole pourra exprimer clairement celui qui parle, en tant que sujet responsable de l’agir de son MOI, que son corps manifeste » 2  

F. DOLTO explique que c’est avant même que l’individu en question soit capable de se désigner par le pronom personnel « je », avant qu’il ne sache dire « je », avant que le sujet soit Moi. Elle veut ainsi nous faire comprendre que le sujet inconscient désirant, en relation au corps, existe dès la conception. L’image du corps est ainsi, à chaque moment, mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel. Elle est parallèlement actuelle, vivante, en situation dynamique, à la fois narcissique et interrelationnelle. 

L’image du corps, support du narcissisme, est le point de rencontre du temps et de l’espace, où le passé inconscient résonnera dans la relation présente.

J.-D. NASIO (dans une journée d’étude de thérapie psychomotrice), dit : « l’image est un concept très courant en Mathématiques, ayant une définition bien utile : correspondance entre deux objets appartenant à deux espaces distincts. On dira qu’un objet de l’espace B est l’image d’un objet de l’espace A » 1 . L’image du corps est le nom que les psychanalystes avancent pour désigner l’objet virtuel qui reste en correspondance avec cet autre objet réel.

« Cela veut dire que l’image du corps est en vérité non pas une seule image, mais une série d’images qui résultent toutes des différentes perceptions sensibles de notre corps réel ». 2 Autrement dit l’image du corps n’est donc pas une image ressentie par nos sens, mais elle est inconsciente. « Elle est un reflet du corps réel sur la surface psychique du système inconscient » 3 . Maintenant nous allons voir la correspondance entre corps imaginaire, symbolique et réel.

Notes
3.

PETIT ROBERT Dictionnaire de la langue française. Paris, France, 1986.

1.

BROYER, G. « Ethique et Sport, Ethique du sport » in ANSTETT, M. SACHS, B. Sports, jeunesses et logiques d’insertion. La Documentation Française, Paris, France, 1995.p.117-138. Egalement in BROYER, G. Op. Cit. p. 90.

2.

BROYER, G. « Ethique et Sport, Ethique du sport » in M. ANSTETT, B. SACHS, Sports, Jeunesses et logiques d’insertion. Ed. La Documentation Française, Paris, 1995. p. 31.

1.

J.-D. NASIO « Image du corps : un concept psychanalytique » in Thérapie psychomotrice et recherches. Propos recueillis d’entretien par POIREE, M.-J. p. 7.

2.

Ibidem.

3.

Ibidem.