« la femme comme l’homme, est
son corps ; mais son corps autre chose qu’elle ».
S. De BEAUVOIR
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« Le poème donne corps, par lettres, au mouvement
que la danse incarne avec le corps réel »
D. SIBONY
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Etudions tout d’abord les quatre caractéristiques psychiques de l’image du corps que nous propose J.-D. NASIO :
Pour la première caractéristique, il explique : Avancer que l’image du corps est inconsciente signifie concrètement qu’elle est un reflet du corps réel sur la surface psychique du système inconscient.
En ce qui concerne la deuxième caractéristique : Non seulement l’image du corps est inconsciente, mais elle s’avère aussi dynamique, ce qui veut dire qu’elle se construit, se développe et se renouvelle au fil de la vie, elle ne se donne jamais d’emblée.
Dans la troisième caractéristique, il affirme que l’image n’est pas simplement le reflet d’un objet réel, elle est surtout une instance psychique qui change et modifie l’objet réel dont elle est le reflet. Un des exemples est fourni par certains comportements animaux en réponse à la stimulation d’une image spéculaire, dont J. LACAN s’est beaucoup servi pour démontrer la fonction de l’imaginaire chez l’homme.
J.-D. NASIO nous parle de la femelle du pigeon chez qui la seule vue de son image propre dans un miroir suffit à déclencher le phénomène d’ovulation, alors que l’absence d’image de soi ou de ses congénères rend la pigeonne stérile.
Dans cet exemple, l’image du corps est un élément actif qui agit sur le sujet à partir du milieu externe, mais ce que nous allons mettre au point ici est l’agir à partir du milieu interne, au sein même de l’espace psychique, c’est-à-dire qu’il y a des images mixtes, intérieures et extérieures, des images ayant un tel impact sur le sujet qu’elles occasionnent des phénomènes psychosomatiques caractérisés.
De là, l’hypothèse que J.-D. NASIO souligne et qu’il nous invite à développer en considérant la cause des affections psychosomatiques comme étant localisée dans l’action d’une image qui frappe inconsciemment le sujet
Et enfin, la quatrième caractéristique :c’est une image inconsciente, constamment entretenue par le mouvement et les déplacements de l’énergie libidinale, il affirmerait même que là où il n’y a pas de libido, il n’y a pas d’image et à l’inverse.
Autant S. FREUD que J. LACAN ont marqué la nécessité des images pour rendre possible la circulation de la libido dans le psychisme. « L’image n’est pas le résultat d’une correspondance complète et parfaite avec le corps réel, mais le produit d’une correspondance localement défaillante. La psyché ne réfléchit qu’imparfaitement le corps, pour la simple raison que notre corps réel est habité par la libido des pulsions et des désirs » 1 .
L’image reste trouée là même où, dans le corps réel, la libido stagne et s’accumule au lieu de circuler J.-D. NASIO continue : « nous pouvons considérer cette zone obscure comme un trou dans l’image, une sorte de macule qui tache l’image (…) soit foyer de jouissance, soit foyer phallique (…) » 2 ou « phallus imaginaire » (formule imaginaire).
Ce trou dans l’image, le phallus imaginaire est véritablement le pôle organisateur de la consistance de la structure interne de l’image, en même temps que le pôle moteur de son mouvement.
J.-D. NASIO déclare : « Il faut comprendre que l’image du corps est elle-même fondamentalement une image partielle, composée de micro images elles aussi partielles. (…) Je perçois et je vis mon corps à chaque instant de ma vie, au point d’identifier en un seul acte le fait de vivre et celui de sentir mon corps vivre» 3 .
« Cette image produite par la perception de mon corps, image inconsciente, dynamique, causale libidinale, trouée, dynamisée par le phallus (…) n’existe qu’à condition que ce corps perçu soit accueilli par le désir de l’Autre, à condition que le corps soit perçu au sein de ma relation langagière fantasmatique et affective avec l’Autre ». 4 Liens qui moulent et façonnent l’image inconsciente du corps.
Il insiste sur le fait que nos sens perçoivent notre corps, mais jamais le corps dans sa nature réelle. Car c’est un objet de perception et c’est cette perception de notre corps qui va produire une image réfléchie sur la surface polie du psychisme.
Cette relation à l’Autre faisait dire à F. DOLTO que l’image inconsciente du corps est fondamentalement un substrat relationnel de langage. Donc, « notre corps est tellement investi dans la relation avec l’Autre et tellement perçu d’après ma propre image du corps que le corps réel dont l’image est le reflet fuit. (…). Le corps réel est le corps que moi-même, humain, je ne saurai jamais saisir (…) n’est que le fond de notre être le plus intime, le support le plus obscur et secret de tout un mouvement de perceptions et de constructions fragmentaires d’images corporelles. (…) le réel est plutôt la chose qui échappe à toute symbolisation, à toute image, aux mots et aux fantasmes » 1 .
Pour qu’un corps soit imaginaire, nous dit J.-D. NASIO « il faut que l’allure de l’autre provoque en moi (un effet très précis, celui de susciter un sens dans ma pensée) : des souvenirs, entraîne des réflexions, appelle des interprétations, ou m’amène à inventer des liaisons, et à établir des analogies et des métaphores » 2 .
Le corps symbolique est l’ensemble des noms qui désignent divers aspects et parties de notre corps et l’un ou l’autre de ces signifiants du corps est susceptible de provoquer des effets réels chez le sujet, de l’entraîner dans une action, soit en acte, soit en dire (langage).
De BEAUVOIR, S. Le deuxième sexe. Ed. Gallimard. Paris France, 1949. p. 46.
SIBONY, D. Le corps et sa danse. Ed. Du Seuil. Paris, France, 1995. p. 163.
NASIO, J.-D. Op. Cit. p. 9.
NASIO, J.-D. Op. Cit. p. 9.
Ibidem. p. 10.
Ibidem. p. 10-11.
NASIO, J.-D. Op. Cit. p. 11. Italiques de l’auteur.
Ibidem. p. 12. Parenthèses ajoutées par l’auteur suivant son même texte.