III.II.- Arrivée à L’ E.N.D.C.C.

Au Mexique, j’ai également demandé s’il était possible de travailler avec les professeur(e)s et les élèves. Je me suis renseignée auprès de la direction et me suis présentée comme étudiante en psychologie en France ayant effectué un travail de recherche sur la danse classique, pour comparer les différentes manières de pratiquer cet art en France et au Mexique.

La réponse a été favorable et il m’a été suggéré de me renseigner directement auprès des professeurs et des élèves. J’ai donc procédé de cette façon, interrogeant plus particulièrement des élèves qui se trouvaient hors de l’école, mais tout de suite en face, toujours au Centre National des Arts (C.E.N.A.R.T.), dans un couloir où elles/ils s’assoient pour se reposer.

En arrivant au Centre, la première chose qui a attiré mon attention fut les murs. Je savais que la construction était récente, étant donné que je la connaissais déjà et, j’ai remarqué que sur un mur se trouvait une sorte de tache, comme s’il était abîmé par l’humidité, puis j’en ai vu une autre, plus loin encore d’autres (j’ai pensé que c’était comme une lésion du mur, une plaie) en continuant il y en avait partout, alors j’ai commencé à me demander si ce n’était pas fait volontairement.

Puis j’ai vu une femme en blouse sur un escabeau et munie d’un pinceau qui semblait « corriger » ces taches (ou soigner les lésions). Je lui ai demandé le pourquoi de ces taches et elle m’a répondu : « En ce moment il y a ici différents artistes qui ont fait ces oeuvres tout au long des couloirs et dans certains espaces du centre : « Ceci est une œuvre d’art qui représente les lésions d’un mur » Je lui ai demandé pourquoides lésions ? Elle a répondu : « à cause du temps ».

Je me suis alors demandé, pourquoi justement faire une œuvre d’art inspirée de telles représentations de lésions, en face de l’école de danse et qui de plus se trouvent dans le couloir où les danseurs se reposent ? Peut-être pour signifier leurs propres lésions, mais les élèves l’ont-ils vue comme ça ?

Il me semble que regarder ces dégradations délibérées sur le mur la première fois, fut bizarre pour les élèves aussi, mais pas pour longtemps, parce que, très vite, ils se sont habitués à ce décor qui s’est intégré dans leur quotidien de vécu souffrant, en leur rappelant inconsciemment leurs propres lésions étendues et légitimes, (peut-être aussi mes propres lésions ?).

Les murs blessés me rappellent les observations du cours de danse classique de 2ème et 3ème année : quand les filles montent sur pointes, évidemment elles se font des ampoules aux doigts de pied, et elles mettent des pansements. Malgré la douleur, il faut continuer à danser et à résister toujours comme ce mur qui résiste au temps, pour dans un autre temps, obtenir des récompenses. Mais lesquelles ? Il s’agit peut-être d’un sentiment d’existence incomparable et difficile à expliquer que nous appellerons souffrance. Souffrance que nous allons retrouver à différentes reprises dans toute notre clinique du travail.