CHAPITRE 1 : L’INDIFFERENCIATION DES SEXES.

1.1.- Le corps socialisé

« Le corps humain entre dans une
machinerie de pouvoir, qui le fouille,
le désarticule et le recompose ».
M. FOUCAULT ^* .

Le pouvoir est introduit dans le corps, il est exposé dans le corps même, dit M. FOUCAULT. « En effet rien n’est plus matériel, plus physique, plus corporel que l’exercice du pouvoir ». Le corps devient signifiant, il ne montre pas seulement la qualité sociale, mais aussi l’itinéraire personnel, par exemple avec les rites d’initiation dans lesquels le corps est marqué ou mutilé, signifiant ainsi le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Dans notre culture occidentale, bien qu’il y ait des différences de valeurs entre les classes sociales, le corps est généralement appréhendé et apprécié selon les valeurs des rôles sexués attribués, et par suite, le rôle masculin, occupe la position dominante.

Vanesa, élève en 6ème année de danse classique, nous parle de ce corps de femme qui est victime de toute une inégalité sociale, elle a choisi la photo S8 et nous dit : « C’est une jeune fille qui n’a pas beaucoup de problèmes existentiels, mais un jour, un homme, l’a frappée, volée et comme elle a résisté il a obtenu ce qu’il a voulu et l’a laissée par terre ».

Figure 33 : photo S8 choisie par Vanesa, avec l’outil projectif pour danseurs/danseuses.

Elle se fait l’écho d’une situation qui est très présente en ce moment au Nord du Mexique, mais également dans d’autres régions, elle se réfère à un film, un souvenir écran, une partie de son histoire qui est touchée, dans ce corps–mémoire ^* .

Le corps est alors sous l’empire de la Loi. Le système pénal est la forme la plus manifeste du pouvoir, (notamment pour punir), néanmoins, on peut aussi l’observer dans d’autres lieux ou activités que le milieu carcéral.

Aujourd’hui, on peut parler d’un nouveau discours sur le corps qui revendique la sexualité, en même temps qu’il la codifie, la canalise, l’oriente et la réprime de nouveau, c’est-à-dire la scénification du désir est une nouvelle façon de contrôler le corps et de canaliser le désir.

Dans ce discours latent et manifeste il y a une domination d’ordre machiste, qui commence dès l’enfance (avec un code de l’hygiène) et se renforce avec les disciplines sociales (les vêtements, les modes, etc.), à l’école, à l’armée, à la prison, ou dans le sport, etc…

G. VIGARELLO dans son ouvrage « Le propreet le sale » aborde le thème de la propreté en démontrant qu’à travers elle se reflète le processus de civilisation façonnant graduellement les sensations corporelles, aiguisant leur affinement, déliant leur subtilité. « Elle est composée nécessairement avec les images du corps ; avec celles, plus ou moins obscures, des enveloppes corporelles ; avec celles, plus opaques encore, du milieu physique (…). Une histoire de la propreté corporelle met en jeu une histoire plus large et plus complexe. C’est que toutes ces représentations donnant au corps ses limites, profilant ses apparences ou suggérant ses mécanismes internes, ont d’abord un terrain social. » ¹ .

Précisément, comme une « société de cour », valorisant les critères aristocratiques de l’apparence et du spectacle ^* . Dès le XVème siècle, le bain est conçu comme un moyen de permettre le modelage des membres du bébé selon les formes physiques souhaitées. C'est-à-dire l’immersion vise entre autres la correction des morphologies : « Souvenez-vous aussi, pendant que les os de ses membres sont amollis par la chaleur du bain où vous l’avez lavé, de leur donner à chacun, en les maniant doucement, la forme et la rectitude qu’ils doivent avoir pour composer un tout parfait ² .

Le bain est bien une scène de réjouissance sociale, mais avant ça « (…) la propreté a longtemps valu pour celle du corps, tout en excluant le lavage de celui-ci : espaces, linges, habits, accessoires divers, etc. Il faut retrouver le corps là où il n’est plus » ³ .

La présence de la peau, la représentation concrète du corps disparaissent largement face à l’enveloppe de laine et de fourrure. Comme si tout devait se reporter sur le visible. « Le corps ne semble saisi qu’indirectement, à travers les choses qu’il touche, les lieux qu’il traverse. (…) Un silence se fait sur un réel espace intime du corps : monde d’objets où les frontières s’arrêtent aux enveloppes des vêtements » ⁴ .

De nos jours, en raison de la socialisation du corps, la globalisation veut nous faire croire qu’« une femme est beaucoup plus désirable, quand son physique est plus développé, et de surcroît le maquillage, les bijoux, les talons et les corsets servent à pétrifier le corps, alors on obtient un objet érotique idéal». ¹ , comme nous dirait S. De BEAUVOIR.

Le corps de la femme reste traversé, envahi par la loi médicale, sur ce corps féminin tombent toutes les condamnations, les violences, niant à ce corps la possibilité de se définir pour lui-même, de choisir en fonction de son désir. Ce contrôle s’appuie sur une panoplie d’arguments répétés tout au long des siècles ^* .

Pourtant la tendance d’homogénéisation sociale vise aussi à standardiser les corps. Nous allons donc nous questionner sur le féminin-masculin.