Ch. LASEGUE donne une importance remarquable à la famille dans le déclenchement de l’anorexie et la prend en considération dans sa démarche thérapeutique. Plus tard, des auteurs contemporains tels M. SELVINI-PALAZOLLI, S. CIRILLO ou A. M. SORRENTINO, suivent cette idée en développant des thérapies familiales dans le traitement des anorexiques.
M. SELVIN-PALAZOLLI est un auteur qui met l’accent sur la préoccupation qu’ont les familles à vouloir montrer l’apparence d’une famille unie et sans problèmes, et « propose comme point de départ de repérer le « jeu du couple parental », les stratégies basées sur le symptôme et l’incidence de ces dysfonctionnements sur la future patiente » 1 .
Les auteurs qui se réfèrent à la conception psychanalytique dans le champ de l’anorexie mentale, insistent tous sur le lien de dépendance étroit qui existe entre l’anorexique et ses parents, et qui interfère ainsi dans l’autonomie psychique de la jeune fille (Ph. JEAMMET, B. BRUSSET, M. CORCOS, T. VINCENT etc.).
Par exemple, E. et J. KESTEMBERG et S. DECOBERT remarquent l’importance de l’investissement narcissique des enfants par les parents. Dans la continuité de cette réflexion, P. JEAMMET nous dit que l’enfant est investi par ses parents comme une image idéale, tandis que B. BRUSSET pense que l’anorexique est aliénée dans le désir de ses parents et développe ainsi facilement une organisation de type « faux-self », « c’est-à-dire d’un clivage du self par adaptation conformiste aux désirs des autres dans l’évitement des conflits » 2 . « La future anorexique est une petite fille modèle précocement autonome et secondairement très dépendante de ses parents » 3 .
Cependant, et paradoxalement, l’entrée dans l’anorexie est toujours un signe de refus d’une aliénation au regard parental et surtout nous pouvons noter qu’il existe une profonde ambivalence et des enjeux narcissiques dans la relation mère-fille. Pour éclaircir ce point K. NASSIKAS nous dit qu’« elle serait le résultat d’un rejet inconscient de la mère par le patient, mère dont il fait imaginairement partie à cause de la relation fusionnelle qu’il entretient avec elle » et pour le dire autrement toujours dans la même perspective B. BRUSSET signale : « Le sujet s’oppose à son corps pour éloigner l’objet. L’anorexie protège le sujet de l’action de l’objet sur lui (..)» 4 .
Dans la même direction, liée à la notion lacanienne du manque, B. GOLSE nous indique : « L’anorexique n’a manqué de rien, sauf du manque : la mère a toujours devancé la demande du bébé et n’a pas permis aux besoins de s’élaborer en désirs » 5 .
En conclusion, nous pouvons dire que la relation de l’anorexique avec la mère, est faite de confusion et de fusionnel. Cette omnipotence maternelle prend pour le sujet un caractère mortifère. Par rapport au père, les recherches qui sont faites nous montrent qu’en général c’est une relation insatisfaisante ou comme dirait P. ALVIN il règne entre père et fille un climat de séduction intense.
SELVINI-PALAZOLLI, M. SORRENTINO, A. M. et autres. Les jeux psychotiques dans la famille. Editions Sociales Françaises (ESF). Paris, France, 1998. p. 210
BRUSSET, B. Op. Cit. p. 83.
Ibidem. p. 85.
BRUSSET, B. La jouissance de l’anorexique. Revue française de psychanalyse, 1990 - Tome 54 - N° 1. p. 168.
GOLSE, B. Insister-Exister. De l’être à la personne Ed. PUF, Collection "Le fil rouge", Paris, France, 1990. p. 238.