2.5.1.- Facteurs Socioculturels

La boulimie autant que l’anorexie a une problématique bien définie. Par exemple, la problématique féminine de séduction, d’insécurité et fondamentalement d’identité qui se dégage des problèmes socioculturels et psychologiques. Mais les troubles du comportement alimentaire, et surtout le besoin de correspondre aux critères collectifs, pourraient n’être qu’un effet, un symptôme, une compensation qui nous renvoient à une destruction plus profonde de l’être.

Alors, peu importe la multiplicité des symptômes, parce qu’il existe un état de dépersonnalisation où apparaît la nécessité d’installer une barrière contre les stimuli intérieurs et extérieurs.

La boulimie est décrite comme une drogue, une souffrance dont on ne peut certainement pas se sortir seul. « Les personnes dépendantes fuient le manque tant cette souffrance est pour elles insupportable. Peut-être y a-t-il eu effectivement des absences, des abandons, une noire solitude, mais la structure dépendante vient plutôt masquer une difficile relation à la vie même, à l’impulse du désir, au mouvement, à la perte et aux « adieux » nécessaires qui permettraient à ces personnes de se retrouver enfin » 2 .

La dépendance est expliquée par un état dépressif sous-jacent, une déception traumatisante, mais la dépression, le manque, la peur, ne sont que l’effet d’une destruction plus profonde qui génère une terrible peur du vide.

Les boulimiques ont toujours en tête le « il faut », parce qu’elles se trouvent dans un contexte d’effort et d’ambition sociale provoquant un surinvestissement adaptatif aux valeurs collectives au détriment de l’individu. Elles vomissent, se pèsent, se mesurent, angoissent et fuient encore plus loin dans le sommeil.

« La boulimie recouvre une faille narcissique qui agit sur plusieurs plans et compense une fracture intérieure handicapant profondément la personne au plaisir et au monde » 3 .

Généralement, la boulimique ira voir plusieurs spécialistes, par exemple : un psychologue, un psychiatre, un nutritionniste, un médecin, un homéopathe, etc. ; mais en fait, elle attend, « fuit, se cache et continue les boulimies pour avoir son corps fétiche » 2 .

C’est pour cela que chaque thérapie ou travail, avec une personne dépendante amène à une remise en question des repères acquis, parce qu’il n’y a pas de certitudes, parce que nous travaillons avec des êtres humains.

Mais comment faire face à un monde de moqueries et de désintérêt des uns et des autres, où règnent la peur et l’insécurité, l’envie et les comparaisons incessantes? demandent les boulimiques Elles ont un dégoût de ce corps et de sa flasque difformité, donc l’euphorie d’être mince devient pour elles, une revanche à toutes les humiliations d’un monde toujours hostile et étranger.

« Peu à peu, les exigences sont devenues des obsessions et les critiques des accusations ; une folie calculatrice arguant du poids, du centimètre, de la balance, s’est installée subrepticement fabriquant soudain une panoplie identitaire, mais aussi un laissez-passer à la torture » 3 .

L’image est une obsession, donc l’identité change pour camoufler un traumatisme refoulé, où chaque sujet va essayer de tenir en échec les limites de l’inacceptable, c’est-à-dire qu’il y a toujours une excuse morale perverse, qui permet de se disculper de la violence et de la torture exercée sur soi-même grâce au consensus esthétique qui les fait devenir compréhensibles et les facilite parfois, avec des systèmes de purges et autres médicaments pour maigrir.

G. BROYER, nous parle du « possible » moteur chez le sportif de haut niveau, lequel est rendu possible par la relation qui existe entre entraîneur et entraîné.

Il s’agit d’une relation de très haute dépendance. Autrement dit écrit N. DUMET, « les résistances à la minceur ont fort à voir avec le type de liens psychoaffectifs convoqués » 4 .

Par exemple nous dit Daniela, « J’avais une amie qui était mince, mais à l’école les professeurs voulaient qu’elle grandisse et augmente de masse musculaire, donc ils lui disaient de manger du pain avec de la confiture, à cette époque elle avait pas fini son développement, donc peu de temps après c’était l’inverse, la professeure lui disait constamment qu’il fallait qu’elle maigrisse, je crois que tout était à cause de la pression que tout le monde exerçait sur elle, la preuve est qu’elle est partie de l’école et tout suite a commencé à descendre de poids ».

Nous constatons ici que dans la danse classique, le poids est un facteur très important, « cela s’agit dans la « réalité », et dans la réalité somatique : la patiente (l’élève) ne maigrit pas, et ce malgré le dispositif draconien du dispositif d’accompagnement (…) » 1 .

Notes
2.

SCHASSEUR, B. Op. Cit. p. 17.

3.

SCHASSEUR, B. Op. Cit. p. 19.

2.

Ibidem. p. 21.

3.

Ibidem. p. 25. Nous réfléchirons ensemble sur ce thème dans la QUATRIEME PARTIE : THEORICO-CLINIQUE, Chapitre 4 : La Souffrance et la Jouissance. p.219.

4.

DUMET, N. « Maigrir et rester mince » in DUMET, N. et BROYER, G. Avoir ou Être un Corps. Ed. L’interdisciplinaire. Lyon, France, 2002. p.35

1.

Ibidem. p. 37. Guillemets et parenthèses ajoutés par l’auteur.