Dans un ballet, le « Pas de deux » est presque toujours le moment à la fois dramatique et lyrique où l'action se noue ou se dénoue, où le jeu de l'amour et de la mort, qui est à la base de toute dramaturgie, atteint son point culminant et nous achemine vers le dénouement.
Le « Pas de deux » est aussi la solution mathématique de deux corps qui ne font pas que se surajouter, mais décuplent leurs possibilités, linéaires, dynamiques, abstraites et techniques.
C'est la rencontre de deux polarités, l'homme et la femme bien sûr, mais aussi le père et le fils, la mère et la fille, l'être et son miroir, le double romantique cher aux grands poètes lyriques allemands. Deux forces enfin, Faust et Méphisto.
Un « Pas de deux », c'est la recherche de l'unité à travers la dualité, puissance qui nous pousse avec cette force somptueuse et inassouvie à devenir l'autre, son corps, sa chair, son âme qui veut retrouver l'Adam primitif, homme et femme, parfait androgyne avant qu'un Dieu, aux intentions encore inexpliquées, ne s'avise de lui soutirer une partie de sa chair pour créer la dualité.
Cette dualité qui nous est souffrance mais dont le poète sur sa lyre tire des accents sublimes et déchirants. Un « Pas de deux », c'est peut-être le Paradis perdu.
« Cette entre-deux est une texture dansable : par le corps-mémoire et le corps sensible, indissociables » 1 .
Le duo dans la danse classique était la représentation érotique d’une communication charnelle, mais aussi, le révélateur d’une sexualité dérangeante. Dans la danse contemporaine il prend un tout autre sens, un duo voluptueux dénonce directement le regard, démontrant ce qu’il pouvait contenir de pervers, met en jeu notre rapport au couple : des corps qui se touchent ainsi sont érotiques, et leur exhibition nous inclut dans la représentation publique d’une scène privée, la scène primitive qui s’offre en partage à notre voyeurisme.
SIBONY, D. Op. Cit. 207.